L’ONU s’empare du dossier Glencore
Le Cetim et Industriall ont dénoncé les violations des droits humains commises par le géant suisse du négoce lors du Conseil des droits de l'homme à Genève
La 38e session du Conseil des droits de l'homme de l’ONU s'est tenue à Genève du 18 juin au 6 juillet dernier, avec la participation de représentants de plus de 47 pays membres, de plus de 100 pays observateurs, organisations internationales et organisations non gouvernementales. Parmi elles, le Centre Europe-Tiers Monde (Cetim) en collaboration avec la fédération syndicale Industriall Global Union ont profité de ce grand rendez-vous pour soumettre une déclaration officielle concernant des violations des droits humains à l’encontre des travailleurs de Glencore dans le monde entier. Selon ces derniers, Glencore, l’une des plus grandes sociétés minières et de négoce de matières premières du monde basée en Suisse, ne garantit pas des conditions de travail sûres et saines à ses travailleurs. «Les syndicats du secteur minier à travers le monde ont même rapporté que Glencore adoptait une attitude laxiste face à la santé et à la sécurité de ses salariés», indique le Cetim dans un communiqué. Des exemples ont été relevés en Bolivie, en Colombie, en République démocratique du Congo et en Zambie où Glencore «affiche une attitude et un mode de fonctionnement qui rejette la responsabilité des violations en termes de sécurité sur les travailleurs».
Ce n’est pas tout. La liste des griefs est longue: pression au travail, absence de formation, absence d’équipement adéquat, menaces de fermeture des sites d’activité si des accidents s’y produisent, précarisation de la main-d’œuvre ou encore violations de la liberté syndicale. Industriall précise que Glencore recourt de plus en plus massivement à la main-d’œuvre temporaire: en 2017, 43% du personnel, à savoir 62000 travailleurs, étaient des travailleurs temporaires, contre 38% l’année d’avant.
Le géant suisse travaillerait également à saper les droits des travailleurs en matière de liberté syndicale en essayant de briser les syndicats. «En Australie, des travailleurs se sont vu empêcher l’accès à la mine d’Oaky North pendant 230 jours et espionner dans leur vie privée pour avoir résisté à des plans visant à les remplacer par des temporaires. Au Canada, Glencore a recruté des briseurs de grève au cours d’un récent conflit qui a duré neuf mois à la raffinerie CEZinc. Enfin, au Pérou, l’entreprise a mis à la porte des militants syndicaux en leur proposant de les réintégrer s’ils quittaient l’organisation.»
Refus de dialoguer
Le syndicat Industriall a tenté d'engager avec Glencore un dialogue social mondial sur les mauvaises pratiques de l'entreprise, en vain. «Nos affiliés ont, pendant des années, constamment soulevé les violations des droits humains des travailleurs de Glencore, s’est exprimé Kemal Özkan, secrétaire général adjoint d’Industriall lors de la session. Cependant, Glencore a refusé de mener un dialogue digne de ce nom, nous forçant à nous tourner vers le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.» Et Adam Lee, directeur des campagnes, de poursuivre: «Les pratiques systématiques de Glencore concernant les violations de droits de l’homme de par le monde, perpétrées en quasi totale impunité, soulignent le besoin urgent d’un instrument international contraignant permettant de réglementer les activités des entreprises multinationales et leur impact sur les droits de l’homme. Cet instrument constituerait également un outil essentiel pour garantir un accès à la justice pour les victimes dans les communautés concernées.»
L’affaire de tous
Industriall et le Cetim exhortent par ailleurs les Etats d’accueil de Glencore et de ses filiales à honorer leurs engagements en matière de droits humains et de normes internationales du travail, en prenant des mesures concrètes pour s'assurer que cette entreprise respecte, en particulier, les droits des travailleurs à la sécurité, à la santé, à un revenu décent et à la liberté de réunion et d'association pacifiques. Le Cetim exhorte également les autorités suisses à se conformer à leur obligation de veiller à ce que les sociétés transnationales basées en Suisse ne violent pas les droits humains, y compris lorsqu'elles exercent leurs activités dans d'autres pays et, en cas de violations, à garantir aux victimes l'accès à la justice.
Glencore doit rendre des comptes à la justice américaine
La multinationale Glencore, dont le siège se trouve en Suisse, est de nouveau épinglée. Le 2 juillet, le Département américain de la justice (DoJ) a demandé à la société de fournir des documents sur ses activités au Nigeria, en République démocratique du Congo (RDC) et au Venezuela. «Washington s’intéresse à des faits présumés de corruption et de blanchiment d’argent survenus entre 2007 et 2018», explique un communiqué de Public Eye. Le géant suisse du négoce, voyant sa façade s’effondrer, a lancé, le lendemain de sa mise en accusation aux Etats-Unis, une campagne pour tenter de redorer son image en vantant ses bonnes pratiques de production.
Une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) avait déjà été déposée par Public Eye en décembre dernier. Celle-ci visait à pousser la justice à «se prononcer sur la licéité des opérations menées par Glencore en RDC», mais le MPC n’a pas encore réagi à cette dénonciation. En plus de cela, Cetim et Industriall avaient déjà critiqué la firme pour violations des droits humains lors du Conseil des droits de l’homme à Genève (voir ci-contre).
Le communiqué de Public Eye relève encore que les abus en question ont été possibles, car les sociétés de négoce «ne sont soumises à aucune obligation légale en la matière.» Avant de conclure: «Naïves ou coupables, les autorités fédérales continuent de miser sur le comportement “intègre et responsable” des sociétés de négoce, plutôt que de les réguler.»
JT
Pour plus d’informations, lire la brochure «Les secrets inavoués de Glencore» disponible sur le site de Public Eye: www.publiceye.ch