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«Le syndicat donne une voix aux migrants»

Militante syndicale jurassienne
© Thierry Porchet

«En tant que fille de parents venus d’Algérie, je me considère comme migrante et me sens légitime sur ces questions, car même si je suis née ici, j’ai vécu du racisme étant enfant», note Lilia Benyezzar.

Déléguée à la migration chez Unia, la Jurassienne Lilia Benyezzar milite contre toute forme de racisme et de discrimination au travail et ailleurs. Retour sur son parcours.

Lilia Benyezzar n’est pas du genre à faire le poing dans sa poche. Quand quelque chose ne lui plaît pas, elle le dit, quoi qu’il en coûte. A 43 ans, cette maman de trois enfants, née et établie dans le Jura, est membre d’Unia seulement depuis quelques années, et pourtant, l’engagement est total. Enseignante dans le primaire et le secondaire à l’origine, elle change de cap pour devenir formatrice en langue d’intégration auprès des migrants. En parallèle, sa passion pour les contes depuis petite a non seulement forgé son caractère mais l’a aussi amenée à être conteuse sociale. «Pour moi, conter, c’est militer.» Depuis 2022, elle est déléguée régionale d’Unia Transjurane et déléguée au sein du groupe d’intérêt migration. Une thématique qui lui tient à cœur. «En tant que fille de parents venus d’Algérie, je me considère comme migrante et me sens légitime sur ces questions, car même si je suis née ici, j’ai vécu du racisme étant enfant.» 

Contrecarrer les attaques
Un sujet qu’elle n’abordera jamais au sein de sa famille. «J’ai dû me défendre avec les poings mais aussi avec la tête. Pour vraiment clouer le bec à mes camarades, j’ai fait le contraire de ce qu’ils attendaient de moi: j’ai travaillé à l’école et j’ai réussi à leur montrer que nous n’étions pas les illettrés qu’ils pensaient.» Son père, lui, a été épargné. Après avoir obtenu la nationalité française à la fin de la guerre d’Algérie, il migre d’abord en Alsace, puis en Suisse dans les années 1960. Il atterrit alors à la fonderie Von Roll à Choindez (JU). «Nous avons vécu aux côtés de toutes les nationalités, des Espagnols, des Italiens. C’était une enfance riche, ouverte, multiculturelle et empreinte de solidarité», se rappelle la militante. Sa mère, arrivée dans les années 1980, subira un autre sort. Instruite et cultivée, elle fait le choix de rester à la maison pour élever ses quatre enfants. «Les regards malveillants et l’ignorance des autres parents d’élèves lors des réunions d’école faisaient penser à un rejet de l’étranger, à du racisme.»

Citoyenne du monde
Au sein d’Unia, Lilia Benyezzar trouve du soutien, de la confiance et une écoute solide. «J’apprécie la place et la voix qu’on donne aux migrants dans ce syndicat, on ne trouve pas ça ailleurs. On a un sentiment d’appartenance à une citoyenneté mondiale.» La militante, qui n’avait jamais été syndiquée avant, évoque une brève expérience dans la politique, qui l’a déçue. «C’était beaucoup de blabla et des questions d’ego. Unia, c’est concret, c’est une force active de terrain. Le syndicat est un outil qui permet de contester l’ordre établi et de faire jouer la démocratie pour tous. Moi, j’ai la chance de pouvoir voter, mais la plupart des gens qui galèrent dans ce pays ne l’ont pas. Je veux donc leur dire qu’ils ne sont pas seuls et parler pour eux, qui n’ont pas de voix au chapitre. Si je peux ne serait-ce qu’apporter ma toute petite pierre à l’édifice, alors ça me suffit.» 

Des droits pour les migrants!
Lilia Benyezzar a plusieurs chevaux de bataille. Le premier, c’est la formation. «Quoi qu’on fasse, il faut se former, encore et toujours, pour son propre développement et la plus-value qu’on peut apporter à l’employeur.» Ensuite, la reconnaissance de diplôme pour les migrants. «Ils construisent la Suisse, la nettoient ou travaillent dans le domaine des soins. Et leurs qualifications sont alors généralement reconnues. Mais pour beaucoup de gens qui ont effectué des études supérieures – des médecins, des avocats, des journalistes, etc. – c’est très compliqué de continuer à exercer leur métier. Certes, ils doivent se former aux spécificités locales ou au droit suisse, mais jeter le diplôme à la poubelle, ça me rend dingue. C’est un des seuls pays en Europe où ça se passe ainsi.» Elle lutte également contre le travail à la tâche ou sur mandat, qui touche énormément ces populations et qui les précarise encore plus. «Je crois aussi qu’il faut leur faciliter davantage la connaissance de leurs droits pour se défendre, et ne pas se limiter aux devoirs. Leur donner les clés pour être autonomes, dans le monde du travail et ailleurs.» Enfin, elle prône une égalité de traitement entre les migrants provenant de l’Union européenne et les autres, tout comme l’abolition des quotas. «Le racisme monte en flèche, et même au sein des populations étrangères, cela m’inquiète beaucoup. C’est le système qui génère des injustices et qui crée cela, voilà pourquoi nous devons être nombreux et unis pour lutter contre ce système!» 

Une vidéo de Thierry Porchet.

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