Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

La verrerie de Saint-Prex retrouve la lumière au Vitromusée

objets en verre
© Sibylle Walther

Les objets et les archives de Saint-Prex sont exposés au Vitromusée de Romont, consacré aux vitraux, à la peinture sous verre et au verre soufflé. 

Le musée de Romont éclaire le volet artistique du site vaudois de Vetropack. Des objets d’art et des archives sont exposés jusqu’en mars.

Le 11 mars 2024, deux passionnés d’histoire font l’inventaire d’objets et d’archives de Vetropack. Ce même jour, le futur s’annonce bien sombre. «C’était la première fois que j’étais sur place, et c’était le jour où les salariés se sont retrouvés à la salle de la Paix à la suite de l’annonce de la fermeture. C’était étrange», relate Philippe Klein, archiviste. 

Après une lutte syndicale mémorable des travailleurs, fin juin, le four s’éteignait. Restent les souvenirs et les archives.

«L’idée de cette exposition pour le Vitromusée de Romont est née en 2020 déjà, précise Sibylle Walther, engagée à cette occasion en tant que commissaire d’exposition. Nos découvertes ont été beaucoup plus riches que prévues.» Les 200 œuvres, essentiellement des vases, issues de collections publiques et privées, exposées du 16 novembre au 22 mars au Vitromusée de Romont, représentent un peu moins de la moitié des pièces étudiées. De nombreuses archives retracent aussi l’aura internationale de la verrerie dans la première moitié du XXe siècle. Les deux chercheurs ont, par ailleurs, rencontré des descendants de verriers et d’anciens travailleurs de Vetropack. 

Effervescente création
«La période entre 1931 et 1935 a été d’une effervescence incroyable en vue de l’exposition nationale d’art appliqué à Genève, explique Sibylle Walther. Le céramiste Bonifas, les frères Landgraf et un verrier de Murano ont créé des vases fantastiques.» 

Pour mémoire, l’usine a été fondée par Henri Cornaz en 1911. Le sable présent dans la région, essentiel à la fabrication du verre, le besoin en bouteilles des vignerons et la gare à deux pas font de Saint-Prex un lieu stratégique. 

A la fermeture de la verrerie de Semsales (FR) en 1912, la majorité des employés fribourgeois se déplacent. «Une cité ouvrière a été bâtie pour les loger. Ce sont ces catholiques qui ont bâti l’église à côté de l’usine», rappelle Philippe Klein. 

En parallèle à l’industrie des bouteilles, des verriers soufflent le verre jusqu’en 1921 avant l’arrivée d’une machine semi-automatique, puis de deux fours en 1928 qui permettent une diversification, notamment en couleurs de verre. Parallèlement à la fabrication industrielle de bouteilles, des objets d’art – vases, luminaires, bibelots – sont créés. Les finitions et les décorations sont souvent confiées aux mains des femmes qui utilisent le tour de potier, le pochoir et l’aérographe.

En 1964, le volet artistique de la verrerie s’arrête. Comme partout, la notion de rentabilité prend le dessus sur l’artisanat.

En 1981, le musée du verrier, au cœur du site industriel, est ouvert. René Dreyfus, travailleur retraité, s’en occupe. Des objets d’art y sont exposés jusqu’en 2010. «Il était ouvert au public, de nombreux élèves de la région sont allés le visiter», explique Philippe Klein. 

Précieuses archives
Mandaté récemment par la direction de Vetropack pour trier les archives du lieu, il ajoute: «Beaucoup d’archives ont été jetées, faute de place, ou transférées au siège de Vetropack à Bülach au moment du centenaire de l’usine. D’autres ont été sauvées par un ancien employé de la verrerie, Monsieur Gentet, qui s’occupait aussi du musée. Reste que la masse de documents encore présents dans l’usine est impressionnante. Ce sont des rayonnages de cartons où tout est mélangé. On y trouve des photos anciennes, la première convention collective de travail en 1946, des plans et des moules de bouteilles, des dossiers techniques… beaucoup de savoir-faire en somme, qui pourrait encore servir.» 

Membre de l’association Genverre – consacrée à la généalogie des verriers d'Europe, à la valorisation et la conservation du patrimoine et du savoir-faire – Philippe Klein souligne: «Pour les généalogistes, c’est très précieux de retrouver les dates d’entrée et de sortie du personnel, les années de naissance et parfois même de décès des travailleurs.» 

Ces archives rappellent aussi que la verrerie de Saint-Prex était davantage qu’un lieu de travail. Une coopérative alimentaire, une bibliothèque et une fanfare y ont été créées. Des voyages y étaient organisés. La salle de la Paix, construite en 1918, a accueilli des réunions, des pièces de théâtre, des spectacles…

Philippe Klein conclut: «C’est tout un patrimoine à sauvegarder, non seulement les pièces historiques des verreries de Saint-Prex et Semsales d’avant la création de Vetropack en 1966, mais aussi la masse des documents qui relatent la vie de l’entreprise jusqu’à sa fermeture et qui seront indispensables aux historiens de demain. Avec la fin de la verrerie de Saint-Prex, ce serait dommage que ce patrimoine soit dispersé. Garder un musée sur le lieu, comme le souhaite aussi la commune, autour de ce four exceptionnellement grand et extrêmement rare, unique en Suisse et au-delà, serait formidable.» 

Vitromusée, rue du Château 108b, Romont. Ouvert de 11h à 17h (fermé le lundi). Horaire spécial durant les Fêtes: fermé le 25 décembre, ouvert le 1er janvier dès 14h.

Plus d’informations: vitromusee.ch 

Philippe Klein, descendant de verrier, passionné d’histoire et de généalogie, a participé à l’exposition. Il est mandaté également pour s’occuper des archives de Vetropack.

© Olivier Vogelsang

Cette affiche de 1930 montre la multiplicité des objets produits à Saint-Prex.

© Hubert Weber / ATAR Genève

A Saint-Prex, un avenir encore flou

«La volonté de la Municipalité est de garder une trace de la verrerie, affirme le syndic de Saint-Prex, Stéphane Porzi. Cela fait plaisir de voir autant de pièces dans le Vitromusée. En 2026, nous espérons également monter une exposition à Saint-Prex.» Cet enfant du village a vu son père «mouiller la chemise» devant le four de Vetropack. «Pour une partie de la population, cette fermeture est encore douloureuse. Certains employés n’ont pas retrouvé d’emploi, même si la commune a pu en engager une partie et a appuyé des candidatures.» Si une trentaine d’employés y travaillent toujours, le site continue d’être démantelé. Fin novembre, la société a annoncé que le traitement du verre usagé s’arrêtera fin février: «Les collaborateurs dont les contrats à durée déterminée avaient été prolongés pour la phase de transition ont été informés que leur emploi prendra fin le 28 février. Une petite équipe assurera, au cours des mois suivants, le transport du verre usagé encore stocké», peut-on lire dans le communiqué de Vetropack. Johann Reiter, CEO du groupe, ajoute: «Nous présenterons bientôt à nos partenaires communaux des options concrètes pour le futur recyclage du verre usagé par des entreprises partenaires de longue date. Chaque commune restera bien sûr libre d’utiliser cette solution ou de mettre en place son propre système de recyclage. Notre objectif reste toutefois de garantir une transition optimale et efficace.» Quant à l’avenir du site, il reste flou. «Nous travaillons sur une reconversion qui convienne aux Saint-Preyards», explique Stéphane Porzi, qui ne cache pas l’intérêt de la commune pour la mixité d’affectation, à l’image de sites industriels transformés en Suisse alémanique, tels que le Bernapark.

Pour aller plus loin

«La beauté, la poésie et la joie dans la lutte sont centrales»

peinture murale

Le projet de recherche Artivism étudie le militantisme par les arts. Entretien avec Monika Salzbrunn, professeure à l’Université de Lausanne.

Monthey : la littérature ouvrière sous les projecteurs

Pour marquer la rentrée culturelle d’automne, la Casa Nova à Monthey propose dans ses murs une rencontre avec des auteurs, ce 10 octobre à 19h, autour de la littérature ouvrière...

Le «Gazacide» de l’intérieur

Palestiniens faisant la queue pour obtenir de l'eau potable au milieu de destructions.

Le journaliste Rami Abou Jamous publie, depuis l’enclave, un livre personnel qui raconte l’enfer d’un peuple: «Gaza, Vie. L’histoire d’un père et de son fils».

Un historien en mission à Gaza

«Le territoire que j’ai connu et arpenté n’existe plus. Ce qu’il en reste défie les mots.» Chroniqueur au Monde, professeur en histoire du Moyen-Orient à Sciences Po Paris, Jean...