La pandémie sous l’angle de sa dimension sociale
Un nouveau volume des Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier propose un premier aperçu de l’impact du Covid-19, aussi à la lumière d’événements passés
Entre semi-confinements, télétravail, fermeture des écoles, suspension d’activités jugées non essentielles, gestes barrière, masques, pro et anti-vaccins... la pandémie de Covid-19 a bouleversé nos vies. Débutée en 2020, la crise sanitaire a aussi jeté une lumière crue sur des réalités relativement occultées de la société et des dysfonctionnements. Les images de longues files de personnes se pressant devant les centres de distribution de sacs d’aide alimentaire, le poids pesant sur les épaules du personnel soignant surchargé, applaudi les premiers mois aux balcons, les mesures dictées tantôt par la protection des plus fragiles, tantôt par la défense d’intérêts économiques... ont marqué cette période extraordinaire. Dans ce contexte, l’Association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier (AEHMO) a décidé de consacrer un de ses Cahiers à ce sujet, sans toutefois pouvoir prétendre à un premier bilan au regard de la présence de variants toujours actifs... Intitulé En temps de pandémie, ce nouveau volume évoque des chapitres de cette crise, enrichi de contributions d’histoire. Il analyse cette expérience collective du point de vue du monde du travail et de ses conséquences sociales. Tout en examinant aussi l’évolution socioprofessionnelle de catégories de salariés confrontés à l’urgence sanitaire. En introduction à l’ouvrage, Charles Heimberg précise: «Le regard que l’on peut porter sur la pandémie avec les outils de réflexion de l’histoire conduit notamment à souligner trois de ses aspects majeurs. Le premier, c’est son caractère global qui a rendu très difficile sa compréhension et sa gestion à la bonne échelle (...). Le deuxième, c’est l’intense expérience de l’incertitude qu’elle nous a fait vivre. Le troisième, enfin, ce sont toutes les souffrances et les précarités sociales qu’elle a à la fois révélées et provoquées.»
Thématiques variées
L’historien interroge également les conséquences de la crise sur le monde du travail et l’usage irréfléchi de la notion d’absentéisme appliquée à des salariés ayant contracté la maladie. «Certes, la très forte circulation du virus à un moment donné a forcément provoqué de nombreuses incapacités de travail, du personnel soignant notamment, entre quarantaines et isolements, et contribué aussi aux fortes tensions observées quant à la charge des hôpitaux. Mais parler d’absentéisme dans ce cas, c’était occulter la gestion néolibérale de la santé publique, les économies budgétaires et le manque d’effectifs observés depuis des années.»
Le dossier de l’AEHMO regroupe des textes aux thématiques variées, centralisées sur des aspects spécifiques de la crise du Covid-19, aussi à la lumière d’évolutions et d’événements passés. A titre d’exemple, l’historien Séveric Yersin évoque les luttes anciennes qui ont consisté à contester la vaccination contre la variole à la fin du XIXe siècle; Joëlle Droux se concentre sur la souffrance au travail dans l’éducation spécialisée entre 1950 et 1970, recourant à des dessins de presse tirés d’une revue professionnelle de l’époque; David Gygax, responsable du SSP, aborde dans le cadre d’un entretien accordé à Françoise Pitteloud le syndicalisme hospitalier face à la gestion néolibérale; Diego Cabeza, du Sit, rend compte de l’introduction à Genève d’une loi d’assistance aux plus démunis, propre à aider notamment les sans-papiers, et contestée par un «référendum de la honte»... Une série de chroniques viennent encore enrichir l’ouvrage.
En temps de pandémie, AEHMO & Editions d’en bas, 2022.
Disponible en librairie ou directement auprès de l’Association sur: aehmo.org