«J’ai voté pour l’introduction de l’AVS, je ne vous laisserai pas la détruire»
Militant syndical depuis 1946, Henri Chanson nous a quittés à l’âge de 95 ans
«J’avais 23 ans quand l’AVS est entrée en vigueur, en 1948. On a fait la fête dans notre atelier, nous étions tous contents, c’est la plus belle chose que l’on a obtenue!» C’est avec ce récit, que nous avons été nombreuses et nombreux à avoir entendu durant les années de militantisme que nous avons eu la chance de partager avec lui, qu’Henri Chanson ouvrait un article qui lui était dédié dans L’Evénement syndical en 2013. En effet, il ne se lassait pas de nous rappeler cette conquête, vécue en direct, au cœur même des ateliers des Charmilles à Genève qui occupaient à l’époque plus de mille ouvriers.
C’est là qu’à 17 ans, il entreprend son apprentissage de mécanicien de précision, complété ensuite par la maîtrise des moteurs. En 1946, durant sa dernière année d’apprentissage, il adhère à la Fédération des ouvriers sur métaux et horlogers (FOMH qui deviendra la FTMH). Membre de la commission ouvrière de Charmilles, il était aussi dizenier, chargé de collecter les cotisations, mais aussi militant du Parti du travail (PdT), ce qui lui a valu l’exclusion, en 1956, de la FOMH. Cette même année, il quitte Charmilles pour aller travailler chez Zschokke, comme mécanicien sur les machines de chantier.
Son chemin croise celui du bouillant Lucien Tronchet de la FOBB (Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment, qui deviendra le SIB avant de fusionner avec la FTMH pour créer Unia), à laquelle il adhère par la suite pour en devenir un des piliers militants: membre du comité du gros œuvre, du comité de section et de son bureau, délégué à de nombreux Congrès nationaux, mais aussi très actif au sein de l’Union syndicale du canton de Genève et de la Communauté genevoise d’action syndicale, il intervenait surtout sur son thème de prédilection: la réduction du temps de travail et, en lien avec cela, la retraite anticipée. C’est donc en toute logique qu’il a pris une retraite anticipée tôt, profitant de la caisse de pension de son entreprise, pour ensuite militer activement au sein du groupe des retraités.
Henri Chanson n’était pas seulement un syndicaliste, mais il était aussi un grand sportif. Jusqu’à récemment, il attendait avec impatience une bonne neige, pour filer du côté du Jura ou de la Haute-Savoie afin d’assouvir sa passion du ski, et le retour du printemps, pour enfourcher son vélo, avec lequel il parcourait de 5000 à 6000 kilomètres par année... Il a glané 25 médailles au Marathon de ski de fond de l’Engadine, dont une en or pour sa 25e participation en 2002!
Cette énergie, Henri Chanson l’a toujours mise à profit dans son engagement syndical. Il nous rappelait sans cesse que sa génération avait dû se battre pour chacun des acquis qui semblent aujourd’hui normaux: vacances, jours fériés, perte de gain, congé les samedis. Et il nous rappelait surtout qu’il fallait continuer à se battre pour les maintenir contre un patronat qui les remettait tout le temps en question. En 2017, lors d’un débat contradictoire qui opposait Alain Berset à la gauche syndicale genevoise, mobilisée contre l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, Henri Chanson s’est levé dans la salle pour lancer au conseiller fédéral: «J’ai voté pour l’introduction de l’AVS, je ne vous laisserai pas la détruire.» Le vote populaire lui aura donné raison.
Henri Chanson nous a quittés le 27 mars dernier.
Alessandro Pelizzari et Sylviane Herranz