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«J’ai essayé de donner envie aux gens de s’engager»

portrait
© Olivier Vogelsang

Figure du syndicalisme neuchâtelois, Christian Weber vient de quitter la présidence d’Unia Région Neuchâtel après sept ans de travail fructueux. 

S’il fallait mesurer l’engagement d’un militant à l’aune des titres qui l’accompagnent, Christian Weber serait sans doute sur les plus hautes marches de l’échelle. Figure du syndicalisme neuchâtelois, ce membre d’Unia au sourire discret, au verbe mesuré et réfléchi, pourrait être appelé tout simplement «Monsieur le Président». Etiquette qu’il réfuterait sans doute dans un élan de modestie. Mais les faits qui jalonnent son long parcours au sein de l’organisation disent cela: l’homme a beaucoup présidé. Dans son environnement professionnel, tout d’abord, en guidant la commission du personnel d’Ismeca, entreprise implantée dans sa ville d’adoption, La Chaux-de-Fonds, spécialisée dans les équipements pour l’industrie des semi-conducteurs. Puis, en incarnant le même rôle au sein du comité horloger d’Unia Région Neuchâtel. Puis encore, en assurant la présidence de… Unia Région Neuchâtel. Toutes ces fonctions, et d’autres encore, présentes dans les rouages moins visibles du syndicalisme, appartiennent désormais au passé. 

A l’occasion du dernier congrès d’Unia, qui s’est tenu à Brigue en octobre dernier, Christian Weber a passé la main et a tourné plusieurs pages à la fois. Tout juste s’il garde aujourd’hui le titre de vice-président de la plus haute charge régionale, ce qui permet d’accompagner au mieux la période de transition. Se retire-t-il pour autant de toute activité militante? Pour rien au monde. Plusieurs instances – comité régional, comité de l’industrie… – verront encore passer sa silhouette sèche, celle d’un grand amateur de la montagne qui a longtemps fait partie du Club alpin du Locle. «Je vais aussi m’activer au sein des retraités d’Unia, qui sont très actifs et ne se réunissent pas pour faire des apéros», glisse-t-il, sourire en coin. 

Une relation contrariée

Pour retrouver ses premières amorces d’activités syndicales, il faut remonter le temps de quelques décennies. Et à vrai dire, le natif d’Ajoie a connu une approche passablement contrariée de cet univers. Il y a eu, dans cette séquence, une timide prise de conscience à l’adolescence, tandis qu’il se forme à Porrentruy pour devenir radioélectricien, métier disparu depuis. «J’étais extrêmement mal payé et je trouvais injuste qu’on fasse du profit sur mon dos, alors que j’étais déjà très productif.» Plus tard, au mitan des années 1970, le secteur horloger, omniprésent dans la région, traverse une crise profonde. Le jeune adulte s’en inquiète et il trouve par ailleurs les positions de la FTMH bien trop molles par rapport à la gravité de la situation. «Toute cette séquence a fait que, pendant un certain temps, je n’ai pas eu une image positive des syndicats.» 

Tout change de manière brusque dans les années 1990, et il n’a pas fallu grand-chose pour que sa vision bascule radicalement. «Un jour, un dirigeant d’une organisation patronale a soutenu à la radio que les syndicats ne servaient plus à rien. Cette phrase a représenté un tournant: le lendemain, je me suis syndiqué, sans devenir un militant actif, mais en étant désormais solidaire de ces collègues qui étaient déjà membres de la FTMH.» C’est ainsi que sa vocation de représentant du personnel s’est ouverte à lui, sollicitée même – et c’est un paradoxe – par les hauts cadres d’Ismeca, où il a été employé durant 25 ans. «J’ai rencontré dans mon parcours un directeur financier qui trouvait bien qu’il y ait une représentation syndicale au sein de l’entreprise. Il avait besoin d’un interlocuteur fiable. On s’est donc organisé et, quelque temps plus tard, on a convaincu la direction d’adhérer à la convention collective de travail.»

Talents de négociateur

Ce fut un premier succès et une expérience qui lui a permis de se mettre à l’aise face aux employeurs. D’autres événements, parfois douloureux, se sont enchaînés au fil de son parcours chez Ismeca. «Il y a eu notamment la délocalisation en Malaisie d’une partie conséquente de l’entreprise. Une opération qui pouvait se justifier, sachant que c’était là-bas qu’il y avait la plus grande partie de ses fournisseurs, de ses clients et de ses concurrents. Mais la décision a laissé sur le carreau des dizaines d’employés. Il avait été prévu qu’elle se fasse sur un long terme, au début des années 2000, mais une erreur de budget a précipité les affaires et, en six mois, tout a été liquidé.» Au sein d’Unia, Christian Weber garde en particulier le souvenir des pourparlers qui ont abouti aux deux derniers renouvellements de la Convention collective de travail du secteur horloger.

Grand baroudeur – dans sa jeunesse, il a traversé à deux reprises le Sahara occidental en voiture, avant de faire le tour de l’Anapurna, de parcourir l’Inde, le Népal et d’autres pays encore – le syndicaliste a su mettre à profit ses talents de négociateur. En sachant saisir l’humain derrière les fonctions des patrons et des hauts cadres. En se tournant vers son passé, et en particulier ses sept ans de présidence de la région Neuchâtel, il dresse un bilan positif. «J’ai toujours essayé de donner envie aux gens de s’engager, de porter partout le message syndical. En toute modestie, quand j’observe la nette amélioration de la fréquentation des réunions syndicales, je pense avoir réussi dans cette mission.» 

Une vidéo de Olivier Vogelsang.