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H&M: la misère, ça rapporte!

Quelques mois après le drame du Rana Plaza au Bangladesh, survenu en avril 2013, et lors duquel plus de 1100 ouvrières et ouvriers du textile avaient péri dans l’effondrement de leur usine, H&M s’offrait un joli coup de pub. Alors que ce désastre meurtrier rappelait au monde les conditions inhumaines d’exploitation dans la production de vêtements, la chaîne suédoise annonçait qu’elle assurerait le versement d’un salaire vital équitable aux employés de ses fournisseurs d’ici à 2018. Le géant de l’habillement, dont les enseignes sont présentes dans 54 pays, travaille avec environ 900 fournisseurs, soit 1900 usines dans le monde et 850000 travailleurs. Cinq ans plus tard, H&M est épinglé par les ONG actives dans la campagne pour des vêtements propres. Public Eye présentait la semaine dernière les résultats d’une enquête* menée dans quatre pays entre mars et juin 2018. Une soixantaine d’employés, dans six usines, ont été interrogés sur leur rémunération et leurs conditions de travail. Le constat est accablant: les salaires versés sont loin du salaire équitable annoncé, et se situent largement en-dessous d’un salaire vital. C’est le cas en Turquie, en Inde, au Cambodge. Mais le pire se trouve dans les frontières européennes, en Bulgarie!

Chez le fournisseur bulgare de H&M, Koush Moda, le salaire net moyen est de 98 euros. C’est moins de la moitié du salaire minimum légal de 204 euros. Un montant lui-même inférieur au seuil de pauvreté fixé à 269 euros et bien loin du salaire vital estimé pour mener une vie décente, qui se monte à plus de 1100 euros. Pour survivre, le personnel de Koush Moda est contraint de faire des heures supplémentaires et de travailler le dimanche. En effectuant 80 heures par semaine, les personnes interrogées gagnent 259 euros par mois... Cela pour autant qu’elles résistent à ces conditions de travail, sources d’épuisement et d’évanouissements fréquents. Citée par Public Eye, une ouvrière bulgare témoigne: «Une collègue a été virée après être tombée en syncope au travail.» Une autre explique que les heures supplémentaires sont programmées par la direction, cette dernière déterminant les horaires des bus transportant le personnel.

La situation n’est guère plus réjouissante dans les trois autres pays où l’enquête a été réalisée. Démontrant que la mise en œuvre de la feuille de route de H&M pour des salaires vitaux est loin d’être une réalité. Par ailleurs, dans deux des usines visitées, les activités syndicales ont été supprimées, indique l’enquête, et tous les travailleurs interrogés craignent de s’organiser syndicalement. Surfant sur ses belles intentions de responsabilité sociale, le géant suédois a réalisé, en 2017, un juteux bénéfice de 2,6 milliards de dollars. Comme quoi, en Europe ou ailleurs, les salaires de misère, ça peut rapporter gros…

 

* Voir sur publiceye.ch ou sur ethique-sur-etiquette.org