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Eviter les sanctions au chômage, mode d’emploi

Entrée de l'ORP.
© Thierry Porchet

Etre au chômage n’est déjà pas facile. De surcroît il existe de nombreux pièges. Il est important d’être bien informé et de faire les démarches nécessaires, sous peine d’être pénalisé. Et dans ce cas, il ne faut pas non plus hésiter à s’opposer à des décisions qui ne semblent pas correctes.

Un demandeur d’emploi sur dix est pénalisé financièrement, souvent par méconnaissance de l’assurance chômage. Quelques astuces pour ne pas y laisser trop de plumes

A Genève, le Parlement a adopté en mars une motion invitant le Conseil d’Etat à modifier sa politique de contrôle des personnes au chômage et à mettre le holà aux sanctions. Entre 1000 et 1400 demandeurs d’emploi genevois sont en effet pénalisés financièrement chaque mois (lire ci-dessous). Genève n’est cependant pas une exception par rapport aux autres cantons. La Loi fédérale sur l’assurance chômage prévoit un certain nombre d’obligations et des suspensions de l’indemnisation dans les cas où celles-ci ne sont pas respectées. En 2019, le taux de sanctions au bout du lac s’établissait à 97 pour 1000 assurés, alors qu’il atteignait 101 en moyenne nationale. Un chômeur sur dix se voit, à un moment ou à un autre de l’année, privé d’une partie de son revenu, souvent par méconnaissance du fonctionnement de l’assurance. Précisons d’emblée que ce ne sont pas les caisses de chômage qui décident des sanctions, mais les offices régionaux de placement (ORP) pilotés par les services cantonaux de l’emploi. «Les caisses ne font qu’exécuter. C’est un peu pervers en ce qui concerne les caisses syndicales, car les syndiqués ont parfois l’impression d’être pénalisés par leur syndicat. Les syndicats peuvent, par contre, faire opposition, précise Alexandre Baljozovic, coordinateur de l’Association de défense des chômeurs à Genève. Vous essayez de faire de votre mieux et paf! vous recevez, du jour au lendemain, une décision de suspension avec 500 francs en moins à la fin du mois. Et il y a un effet en cascade. Répétées, les sanctions s’alourdissent et, dès la quatrième, il y a un examen d’aptitude au placement qui peut déboucher sur une suppression du droit au chômage. Les gens pensent que les ORP sont des lieux où ils vont être accueillis et accompagnés dans la recherche d’emploi. Il faut oublier un peu cette idée du service public de l’emploi. Il faut plutôt se blinder et savoir que son conseiller en placement ne va pas forcément aider, mais sera plutôt là pour vous mettre la pression.» Alors voici quelques conseils pour ne pas y laisser trop de plumes.


Commencez tout de suite les recherches d’emploi

Pour toucher les indemnités, vous devez remplir chaque mois le formulaire «Preuves des recherches personnelles effectuées en vue de trouver un emploi». Or, ces recherches doivent aussi être réalisées jusqu’à trois mois avant le début du chômage, même si vous êtes toujours en emploi. En 2019, plus d’un tiers des sanctions infligées à Genève avaient pour motif des recherches d’emploi manquantes ou insuffisantes avant la période d’indemnisation. «Au début du chômage, il y a un délai d’attente de cinq jours durant lequel on n’est pas indemnisé et qui correspond, grosso modo, à un quart des indemnités mensuelles. Si d’emblée, vous vous prenez une sanction de cinq jours supplémentaires, vous n’aurez pas grand-chose à la fin de ce premier mois de chômage. Surtout que, rappelons-le, le gain assuré n’équivaut qu’à 70% de son salaire, ou à 80% dans certains cas, par exemple si vous avez des enfants à charge», prévient Alexandre Baljozovic. «Il est impératif de commencer les recherches d’emploi dès l’annonce de son congé ou trois mois avant la fin de son contrat à durée déterminée», explique Karine Klopfenstein, juriste à l’Association de défense des chômeurs. «Dès le premier contact avec un assuré, au guichet ou par téléphone, c’est la première chose que nous disons: il ne faut pas attendre pour chercher un nouveau travail», indique, de son côté, le directeur de la caisse de chômage Unia, Daniel Santi. Les jeunes arrivant en fin d’études qui projettent de s’inscrire au chômage doivent aussi veiller à réaliser des recherches trois mois avant.

Utilisez votre réseau

«Pour remplir ces feuilles de recherches d’emploi, on peut indiquer des noms de son entourage, de son réseau. Il est possible, par exemple, de dire que l’on a téléphoné à d’anciens collègues», conseille Alexandre Baljozovic. Cela est important: il n’y a pas que les annonces publiées dans les journaux et sur les sites, les offres spontanées et les visites dans les entreprises qui sont recevables, vous pouvez ajouter les coups de téléphone et les rencontres de connaissances (cochez la case «visite personnelle»).

Présentez au moins dix recherches par mois

Combien faut-il effectuer de recherches? Sachant que le formulaire idoine contient quatorze lignes. «Pour le Tribunal fédéral, il faut présenter dix à douze recherches par mois. A Genève, l’Office cantonal de l’emploi évoque plusieurs recherches par semaine, on peut imaginer un minimum de huit par mois. Je conseille pour ma part d’en faire dix sachant qu’il faut qu’elles s’intensifient lorsque le chômage devient imminent. Ensuite, le nombre de recherches est inscrit dans le plan d’action fixé par un conseiller de l’ORP. Elles devront notamment être étalées sur l’ensemble du mois et non groupées en une courte période», détaille Karine Klopfenstein. Le nombre des recherches dépend des professions, certaines branches n’ayant que peu d’emplois à proposer, ajoute Daniel Santi. «Nous conseillons de cibler les recherches et de les élargir au besoin, mais surtout de prioriser la qualité», précise le directeur de caisse.

Conservez les preuves de vos recherches

Daniel Santi recommande de constituer un «dossier de preuves des recherches pour l’ORP». Il pourra servir à fonder une éventuelle opposition à une décision de pénalité. Photocopiez aussi la feuille de recherche d’emplois avant de l’envoyer ou de la remettre à l’ORP.

Ne craignez pas de vous opposer

«En cas de sanction, nous fournissons une explication et informons les personnes sur leur droit de recours», indique le directeur de la caisse Unia, Daniel Santi. Il est possible de s’opposer à une sanction dans un délai de trente jours. Votre secrétaire syndical ou des associations peuvent vous aider à rédiger l’opposition. «Dans le cas des recherches d’emploi, si aucune n’a été présentée, une opposition n’a cependant aucune chance d’aboutir sauf circonstances exceptionnelles. Si le nombre est insuffisant, il faut juger là des circonstances. En ce qui concerne les sanctions pour refus d’un emploi convenable, qui peuvent se monter à trente ou quarante jours de pénalité, ce qui est énorme, nous obtenons plus aisément gain de cause devant le Tribunal cantonal des assurances sociales compétent», explique Karine Klopfenstein. «Lorsque l’on évoque le refus d’un emploi, on pourrait croire qu’il s’agit d’un paresseux qui refuse un job. En réalité, des employeurs disent parfois n’importe quoi pour se débarrasser des questionnaires des ORP. Ceux-ci n’assurent pas de suivi, se contentant de pointer le motif pour lequel le candidat n’a pas été retenu», souligne Alexandre Baljozovic.

Evitez de parler de la garde de vos enfants à votre conseiller

«Il arrive souvent aux mères d’enfants en bas âge de s’entretenir avec leur conseiller de l’ORP de leurs difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale. Elles reçoivent ensuite un ordre de prouver que leurs enfants sont gardés, faute de quoi elles sont déclarées inaptes au placement. Il faut éviter de se confier sur ce point et ne pas parler non plus de ses enfants lorsqu’ils sont malades», met en garde Alexandre Baljozovic.

N’hésitez pas à demander conseil

En cas de questions ou de problèmes, n’hésitez pas à demander conseil, soit auprès de la caisse Unia, d’un secrétaire syndical ou d’une association. Les associations de défense des chômeurs sont actives dans les cantons de Genève, Vaud et Neuchâtel, mais d’autres organismes assurent aussi des permanences gratuites. En ligne, vous pouvez consulter le site guidechomage.ch édité par Le Trialogue, une association genevoise qui tient également une permanence chômage.

«Le sentiment d’injustice s’est accru»

Le Grand Conseil genevois a demandé au gouvernement du bout du lac d’adapter les exigences de l’ORP aux réalités économiques et sanitaires, ainsi que d’annuler et rembourser les sanctions infligées depuis le début de la crise. Le Conseil d’Etat doit maintenant présenter, dans un rapport, des propositions concrètes. Ce sera la nouvelle conseillère d’Etat Fabienne Fischer qui en aura la charge puisqu’elle va, ce 29 avril, remplacer Mauro Poggia à la tête du Département de l’emploi.

«Le nombre de sanctions a certes augmenté à Genève et dans d’autres cantons, mais sans que l’on puisse affirmer que les ORP ont été plus durs, estime le directeur de la caisse de chômage Unia, Daniel Santi. Le nombre de chômeurs a augmenté en proportion. Et sans doute que les demandeurs d’emploi ont été moins renseignés durant cette période: les séances d’information aux nouveaux chômeurs ont été annulées, les entretiens avec les conseillers ORP ont été suspendus et se sont tenus ensuite par téléphone. Certains, qui déposaient leur dossier directement dans les entreprises, en ont été empêchés par les fermetures et beaucoup d’offres spontanées sont restées sans réponse. Mais je crois que le sentiment d’injustice s’est accru en raison du confinement et de l’arrêt total ou partiel de l’activité.»

Pour Alexandre Baljozovic, les sanctions sont en augmentation depuis l’entrée en fonction de l’actuel directeur de l’Office cantonal de l’emploi en 2014. 17025 pénalités ont en effet été administrées en 2019, contre 6754 six ans plus tôt. «C’est devenu le seul mode d’interaction entre les demandeurs d’emploi et leurs conseillers, on ne parle plus de réinsertion, d’aide à la recherche, de perfectionnement professionnel, de quelque autre mesure que ce soit. Cela crée un climat délétère. Certains nous disent que, lorsqu’ils ont rendez-vous avec leur conseiller, ils ne mangent plus et ne dorment plus durant trois jours. D’autres renoncent au chômage et on ne sait pas très bien ce qu’ils deviennent. Si cela se passait dans une boîte privée, un tribunal jugerait qu’il s’agit de mobbing.»