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«Dans la rue, c’est surtout la chaleur humaine qui manque…»

Un livre donne la parole aux sans-abri de France et à ceux qui les côtoient

Humains dans la rue. Histoires d’amitiés avec ou sans abri est le titre d’un livre coécrit par un trio improbable: Anne Lorient qui a passé 17 ans de sa vie dans la rue, Jean-Marc Potdevin, ancien vice-président de Yahoo Europe, qui a fondé l’association Entourage, et la journaliste Lauriane Clément. Il a été publié à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté du 17 octobre. L’ouvrage contient des témoignages de sans-abri et d’anciens sans-abri, mais aussi de riverains qui les croisent. Il donne également des pistes pour agir. «Ces deux mondes qui côtoient le même trottoir et que l’on croit opposés ont tant à s’apporter… Dans la rue, c’est surtout la chaleur humaine qui manque aux personnes exclues. En tant que riverain, vous êtes essentiel et avez beaucoup à offrir, beaucoup plus qu’un peu d’aide matérielle: vous-même. Votre bienveillance, votre temps, votre attention valent bien plus que quelques pièces. Et vous, sans-abri, mettez de côté votre carapace, laissez-vous approcher, tendez, vous aussi, la main… Vous pourriez retrouver votre place dans le monde, forts de vos talents et de vos expériences», peut-on lire dans l’introduction de l’ouvrage. «La relation humaine est au cœur de la solution à la grande exclusion.»

Un réseau d’amitié

C’est pour briser le cercle vicieux de l’isolement et de la pauvreté qu’est né ce livre de la plume des trois auteurs qui se sont connus dans le cadre d’Entourage. Depuis novembre 2014, cette association œuvre à la création d’un réseau d’amitié entre voisins, avec ou sans abri, au travers de moments conviviaux, de conférences, de projections... Elle informe aussi sur le monde de la rue en rappelant notamment que seuls 14% des quelque 140000 SDF en France - leur nombre a doublé entre 2001 et 2012! - mendient. Environ 21% d’entre eux ont des problèmes d’alcool, soit quasi la même proportion que la population française en générale (18 à 19%). De surcroît, 24% des SDF travaillent (dont 20% en CDI).

Anne Lorient raconte: «J’avais au départ beaucoup de mal à communiquer avec les autres humains, SDF ou non. J’avais une idée reçue: je croyais que personne ne serait capable d’écouter mes souffrances. Alors j’encaissais sans broncher, je me croyais mourir à chaque agression et je bloquais mes émotions. Ce mal-être que je ressentais dans la rue, je le savais dur et dangereux pour moi et pour les autres. Je préférais rester dans le silence pour protéger les riverains de ma violence que je savais soudaine et sans limites (…). Ce préjugé s’est dissipé lorsque j’ai rencontré une maraudeuse du Samu social qui a pris le temps de m’expliquer que j’avais le droit de parler, de pleurer, de crier, sans que cela abîme l’autre en face, comme je le pensais.» Depuis, Anne Lorient a fait du chemin. En 2016, elle sort un livre, Mes années barbares, devient bénévole dans plusieurs associations, dont Entourage, témoigne. «Je suis le pont entre deux mondes, le soi-disant “normalˮ et celui de la rue.»

Humains dans la rue. Histoires d’amitiés avec ou sans abri, Anne Lorient, Jean-Marc Potdevin, Lauriane Clément, Editions Première Partie, 2018

 

Plus d’informations:

entourage.social

simplecommebonjour.org

 

Extraits

«L’un de mes copains a mis trois ans avant de me dire ce qui lui était arrivé. Il a perdu sa femme et sa fille dans un accident de voiture. Il ne s’en est jamais remis. On ne connaît pas la vie de la personne, on ne sait pas comment elle est tombée à la rue, donc il ne faut pas juger. On n’a pas voulu être là. Un jour, on m’a dit: “Tu salis le trottoir.ˮ» Jean-Marie

«L’indifférence des passants, c’est ça le plus dur. Tous ceux qui baissent la tête en passant à côté de nous ou qui font mine d’être sur leur téléphone, comme si on n’était rien, comme si on était invisibles.» Mika

«Je me positionnais souvent près des écoles, parce qu’en étant assise, j’étais davantage à la hauteur des enfants, et je m’apercevais qu’ils me regardaient avec beaucoup plus de bienveillance que les adultes (…). Un jour, une maman m’a même proposé de faire un baby-sitting en échange d’un accès à sa salle de bains. J’ai sauté sur l’occasion avec grand plaisir et j’ai pu en plus manger et m’amuser avec des enfants adorables qui n’en avaient rien à faire que je sois SDF.» Anne K

 

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