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Combat d’arrière-garde

Bâton dans les roues des poussettes des futurs papas. Bien que déjà revu à la baisse, le modeste congé paternité de dix jours adopté par le Parlement devra encore être validé dans les urnes. Porté par l’UDC et des membres des Jeunes libéraux-radicaux et du PDC – belle unité au sein du parti de la famille! – le référendum vient en effet d’aboutir, muni de plus de 55000 signatures. Une récolte de paraphes au demeurant controversée, des personnes chargées de ce travail ayant usé de tactiques trompeuses et d’arguments fallacieux pour remplir leurs listes. Une triche dans le jeu démocratique contre laquelle s’est élevé le Parti socialiste neuchâtelois qui a décidé de faire recours, remettant en question la validité du référendum. A raison, même si un précédent concernant une affaire similaire portant sur la norme pénale contre l’homophobie n’a pas donné de résultats... Quoi qu’il en soit, la démarche des opposants refusant ces dix jours de relâche envisagés pour les futurs pères relève d’un combat d’arrière-garde. Et les raisons financières évoquées, d’une mesquinerie crasse. Certes, ces «vacances» qui heurtent tellement les référendaires coûteront quelques francs mensuels aux employés et patrons, impliquant un relèvement des cotisations sociales de 0,05 point – le montant total étant évalué à 230 millions de francs annuels.

Certes, l’ensemble des travailleurs actifs, sur la base d’une solidarité fondamentale à toute société un tant soit peu évoluée, devront aussi y contribuer. Mais ce congé n’est pas un «luxe» comme le soutiennent ses détracteurs. Approuvé par les deux tiers de l’Assemblée fédérale, il a déjà été amputé de dix jours par rapport à l’initiative originale. Ses auteurs ont en effet préféré la retirer à la faveur du contre-projet parlementaire, craignant que le processus ne s’éternise. Ils ont joué la carte de la prudence et de la raison au regard du chemin parcouru: si des Conventions collectives de travail ou des règlements internes peuvent se montrer plus généreux, le Droit des obligations prévoit aujourd’hui un seul jour de libre pour les pères, à la naissance de leur enfant. Un jour unique, comme pour... un déménagement. On mesure la force de la politique familiale menée jusqu’à présent par nos autorités. Mais justement, pour l’UDC et consorts – entre ceux qui pensent seulement à leur portemonnaie et les autres rétrogrades entendant graver ad aeternam dans le marbre une répartition des rôles d’un autre âge – l’Etat n’a pas à se mêler de cette affaire. Malgré une baisse de la démographie aussi clairement liée aux manques de possibilités et d’infrastructures dans le domaine. Et alors que fleurissent d’ores et déjà des propositions de congés parentaux bien plus audacieuses. Les groupes féministes misent sur 38 semaines. Rien d’exagéré dans une société en retard de plusieurs guerres sur la question de l’égalité, du partage des tâches et de la charge mentale.

Rappelons que l’opulente Suisse est aujourd’hui l’un des seuls pays en Europe à refuser aux papas un peu de temps pour prendre soin de leur bébé. Et, partant, aux mamans qui, déjà discriminées sur le front des salaires, se débattent pour concilier vie professionnelle et vie familiale. Le congé paternité leur offrira une bouffée d’oxygène bienvenue. Tout en jouant un rôle fondamental dans la construction et le développement de liens entre le nourrisson et ses deux parents, compte tenu de l’importance de la prime enfance dans le processus. A la veille de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, on se dit qu’il en faudra encore des mobilisations pour faire bouger certaines mentalités pas sorties du berceau...