«On ne va pas se laisser marcher sur les pieds»
Venus de toute la Suisse romande, les maçons sont très remontés. «Si on se retrouve sans convention, nos conditions de travail vont beaucoup changer, craint Kachlef Aledin, 30 ans, employé dans les travaux spéciaux à Fribourg. C’est injuste! Si ça continue comme ça, c’est nous qui allons devoir donner de l’argent aux patrons! On n’a pas le choix, ils nous obligent à nous mettre en grève. Mais tout ce monde qui est là aujourd’hui, ça montre qu’on est solidaires et qu’on ne va pas se laisser marcher sur les pieds. J’ai juste quelques collègues qui n’ont pas fait la grève parce qu’ils avaient peur de perdre leur travail.»
Selon Arun Plater Mendes, un grutier et coffreur de 42 ans, de Lausanne, il y a effectivement eu des menaces dans ce sens de la part de certains employeurs: «Beaucoup ne sont pas venus parce que leur patron leur a dit qu’ils seraient licenciés s’ils faisaient la grève. Malgré ça, je trouve que c’est important d’être là. Et d’être aussi nombreux, ça donne du courage pour continuer le combat. Nos droits ne sont pas respectés sur les chantiers. On fait déjà de longues semaines de travail et on voudrait encore nous faire travailler un jour de plus? Je n’ai pas beaucoup de temps avec ma famille, mes enfants, alors il n’est pas question de travailler aussi le samedi.»
Rallonger les horaires de travail, Marcos Christopher Ledesma Escamez, manœuvre de 22 ans, y est aussi fermement opposé: «Nous travaillons beaucoup et subissons beaucoup de stress. Ce rythme de travail nous casse. Le samedi et le dimanche, c’est important pour se libérer la tête du travail et se reposer. Et les patrons voudraient qu’on travaille en plus le samedi, et sans supplément de salaire? Ils en veulent toujours plus. S’ils ne reviennent pas négocier, il faut reprendre la grève. Cette forte mobilisation me donne de l’espoir.»
Ce qui ressort de nombreux témoignages, c’est la détermination à ne pas abandonner la lutte. «Si la Société suisse des entrepreneurs ne change pas de position, nous resterons mobilisés, assure Filipo Fernandes, un grutier de 43 ans. Tout le monde qu’il y a aujourd’hui, ça nous donne la motivation pour continuer. On bosse sous la pluie, dans le froid, dans la canicule. Alors on n’est pas d’accord quand les patrons disent qu’il faudrait faire des semaines de 50 heures, donc des journées de minimum 10 heures, et qu’on pourrait avoir jusqu’à 250 heures supplémentaires par an ou encore travailler le samedi sans supplément de salaire. On a aussi des familles à la maison.»
Pour Luis Gomes, maçon de 52 ans, il est crucial de préserver les acquis sociaux: «Nos collègues avant nous se sont battus pour obtenir des droits, comme celui de la retraite anticipée à 60 ans. Il faut refuser les modifications de la Convention nationale proposées par les patrons. J’espère que notre mobilisation les fera changer d’avis. Si ce n’est pas le cas, il faudra continuer la grève. Nous méritons d’être mieux payés. C’est un métier qui use. On porte de lourdes charges, on est toujours à genoux. Je viens d’être opéré du genou et j'ai déjà été opéré des deux poignets.»
Bien qu’il soit retraité, Jorge Almeida, ancien soudeur de 67 ans, est venu manifester par solidarité avec la profession. «Pour une fois qu’il y a une Convention qui n’est pas trop mal, les patrons voudraient la démanteler. La construction, c’est un travail d’équipe, donc c’est important d’être solidaires pour défendre nos droits. Les conditions de travail sont encore plus difficiles aujourd’hui que quand je travaillais encore. On a dû souvent se battre pour obtenir des améliorations, alors il faut tout faire pour les garder.» AG