«On veut être égales aux hommes, ni plus, ni moins!»
Opératrice en horlogerie, Maria Antonia s’active pour la préparation de la Grève féministe du 14 juin à la vallée de Joux. Entretien
Dans une semaine aura lieu la nouvelle grève des femmes. A la vallée de Joux, lieu de naissance de la première grève de 1991, les préparatifs vont bon train au sein du groupe d’intérêts femmes d’Unia. Au programme: un rassemblement entre 11h30 et 13h30 au Sentier, avec repas, prises de parole et action syndicale des horlogères. Puis, départ en bus, à 14h30, pour rejoindre la grande manifestation de Lausanne. Maria Antonia, membre du comité horloger d’Unia et du groupe d’intérêts femmes, revient sur les enjeux de cette grève et les raisons de se mobiliser. Opératrice en horlogerie dans une des entreprises de Swatch Group à la Vallée, sur le point de la quitter après son licenciement en raison d’une maladie de la main liée à son activité professionnelle, elle s’engage activement dans les préparatifs de la grève.
Votre situation actuelle vous motive-t-elle pour cette grève féministe?
Oui. Quand on voit ce qui se passe dans l’industrie horlogère, où les femmes occupent les postes les plus mal payés, où il n’est pratiquement pas possible de se former et d’évoluer vers des postes mieux rémunérés, comme ceux de régleurs, réservés aux hommes, il est important de lutter. Mon cas n’est pas isolé. On prend souvent des avertissements quand on est malade. De plus, depuis toute jeune je me bats pour l’égalité. Les femmes ont beaucoup plus de travail avec leurs tâches à la maison. Pour moi, une femme doit être l’égale de l’homme.
Quelles sont les revendications centrales à vos yeux?
Cette année, le mot principal est le respect. Dans les ateliers, lorsqu’une femme annonce qu’elle est enceinte, on entend: «Encore…» Quand un homme dit qu’il va être papa, on le couvre de félicitations!
Ensuite, il y a l’argent. C’est le nerf de la guerre. Nous effectuons des travaux sous-payés. Dans mon métier d’opératrice, il n’y a que des femmes. Un homme est venu travailler dans mon atelier comme opérateur. Il est vite reparti, en disant que c’est impossible de vivre avec ce salaire.
Nous sommes toujours victimes de cette idée que le salaire d’une femme est un salaire d’appoint pour la famille. Or, nombre d’ouvrières vivent seules avec leurs enfants, parfois sans toucher de pension alimentaire. Je sais aussi que beaucoup de femmes restent avec leur mari, même si elles subissent des abus ou de la violence. Elles ne les quittent pas vu leur petit salaire.
Y a-t-il eu des augmentations dans l’horlogerie? Lors de la grève de 2019, il avait été mentionné que les salaires stagnaient depuis 28 ans…
Personnellement, j’ai obtenu une compensation du coût de la vie, puis plus rien. Une collègue, depuis vingt ans dans l’entreprise, gagne moins qu’une nouvelle. Ça la révolte. Quand elle a demandé une augmentation, on lui a dit de chercher du travail ailleurs. A 55 ans, comment faire? L’une des revendications du comité horloger pour le renouvellement de la CCT est qu’il y ait de la transparence salariale. C’est primordial. Même dans mon entreprise, on nous a demandé de ne pas parler de nos rémunérations…
Quelles sont vos attentes pour cette nouvelle grève?
Que nous soyons beaucoup de monde dans la rue, qu’on soit toutes là, qu’ils nous voient et que ça puisse bouger au niveau des salaires. Si nous sommes nombreuses, nous pourrons aussi imposer qu’on nous respecte. Il faut que les remarques du style «Elle est encore absente, car ses enfants sont malades» cessent.
Il est également important que les hommes aient les mêmes droits que les femmes. Récemment, un papa de trois filles a voulu baisser son temps de travail à 80%, ça lui a été refusé. Ce n’est pas normal que les hommes ne puissent pas être à temps partiel. Pourtant, avec la nouvelle génération, beaucoup de jeunes papas veulent s’occuper de leurs enfants.
Mon souhait est aussi que mes filles, jeunes adultes, n’aient plus besoin à l’avenir de manifester pour l’égalité, même si je sais que c’est un peu utopique, mais c’est mon rêve.
Comment s’est organisé le 14 juin à la Vallée?
Nous avons fait un sondage pour connaître les préoccupations des gens. Nous aurons bientôt les résultats. Une des questions concernait le harcèlement, pour savoir qui en a été victime ou témoin, et si les personnes réagissent ou ont peur de le faire. Beaucoup pensent que ça ne vaut pas la peine d’agir, que ça ne sert à rien. Il faut briser cette croyance. C’est pareil avec ceux qui disent qu’il n’est pas utile de manifester le 14 juin. Au contraire, c’est comme cela que nous pourrons changer les choses.
Que dire justement à ces femmes qui hésitent à participer?
Je dis que l’union c’est la force, que plus on est, plus on montre que nous sommes ensemble et unies, plus nous pourrons imposer le respect de nos droits. Pour moi, l’égalité est le maître-mot. Les hommes disent parfois que les femmes veulent plus. Non, on veut être égales aux hommes, comme des êtres humains, avec notre diversité. Ni plus, ni moins!
Les inscriptions pour le rassemblement du 14 juin au Sentier, avec repas gratuit, et pour le bus aller-retour à Lausanne sont ouvertes jusqu’au 9 juin, par téléphone au 076 472 10 56, sur le site: vaud.unia.ch/14juin