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Un procès clé pour la justice climatique

quatre plaignants indonésiens
© EPER

Les quatre plaignants qui réclament justice pour leur île de Pulau Pari, en Indonésie.

 

Le Tribunal cantonal de Zoug doit encore décider s’il entrera en matière dans le cadre de la plainte climatique déposée par quatre Indonésiens contre le cimentier Holcim. Récit.

C’est un procès historique qui s’est ouvert le 3 septembre à Zoug. Les débats principaux dans le cadre de la plainte climatique déposée par quatre habitants de l’île de Pulau Pari, en Indonésie, contre la multinationale suisse Holcim se sont terminés sans qu’aucune décision soit rendue. Le Tribunal cantonal communiquera sa décision d’entrer en matière, ou non, sur les revendications, «en temps voulu et par écrit», sans préciser de délai. Pour bref rappel, Pulau Pari est victime d’inondations de plus en plus violentes à cause des dérèglements climatiques. Une partie de l’île est déjà sous les eaux, et le pire reste à venir. Pour ses habitants, les activités polluantes d’Holcim ont largement contribué aux changements climatiques en raison de ses émissions massives de CO2. Ils considèrent donc l’entreprise comme coresponsable de la menace qui plane sur le territoire. C’est ainsi que, fin janvier 2023, une plainte climatique a été déposée auprès du Tribunal cantonal de Zoug contre le cimentier avec le soutien de l’Entraide protestante suisse (EPER), de l’European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) et de l’organisation indonésienne pour l’environnement WALHI.

Une question de survie
Est-ce que les plaignants obtiendront la protection juridique attendue, et donc l’accès à la justice climatique? La question reste encore ouverte. Ces derniers exigent d’Holcim une indemnisation pour les dommages déjà causés sur l’île, une participation au financement de mesures de protection contre les inondations et une réduction rapide de ses émissions de CO2. «Nous sommes optimistes, a déclaré Ibu Asmania, une plaignante présente à l’audience. Après tout, il s’agit de notre survie.»
Bien qu’une grande partie des débats se soit déroulée entre les avocats, rapporte l’EPER dans un communiqué de presse, les juges et le public ont pu entendre, pour la première fois, le témoignage direct d’une personne du Sud menacée par les changements climatiques, qui partageait sa réalité et ses revendications. «Je ressens tous les jours les effets des changements climatiques. Si notre île disparaît, où irons-nous? a demandé Ibu Asmania. Mais nous gardons l’espoir d’un avenir sur notre île. Pour nous, chaque tonne de CO2 compte. Chaque dollar compte pour les mesures d’adaptation et la réparation des dommages. Il en va de notre avenir.»

Procès inédit
C’était également une première pour un tribunal suisse, car jamais avant cela une entreprise n’avait été attaquée de la sorte pour sa responsabilité liée aux dérèglements climatiques. «Nous avons l’impression que notre situation et nos arguments ont été pris au sérieux, a déclaré Arif Pujianto, un autre plaignant, après l’audience. C’est important pour nous.» 
De son côté, Holcim conteste la recevabilité de la plainte, estimant que les habitants de Pulau Pari sont autant touchés par le changement climatique que le reste de la population mondiale, et qu’il faut donc coordonner la baisse des émissions de CO2 sur le plan mondial.
Désormais, il s’agit de permettre aux habitants d’accéder à une protection juridique et d’examiner sur le fond leurs revendications concernant la responsabilité d’Holcim. «Les changements climatiques et leurs répercussions ne doivent pas constituer une zone de non-droit dans le droit civil suisse», souligne l’EPER. 
Ailleurs, les juridictions nationales et internationales tiennent de plus en plus pour responsables les entreprises qui émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre, à l’image d’un tribunal allemand, qui a décidé récemment que les multinationales polluantes pouvaient en principe être tenues pour responsables des coûts des changements climatiques. Ou encore la Cour internationale de justice de La Haye qui a déclaré, à la suite d’une plainte de l’Etat du Vanuatu, que la protection contre les changements climatiques était une obligation du droit international. Affaire à suivre, donc. 
Plus d’infos sur: callforclimatejustice.org/fr/

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