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Un «Manifeste du care» pour régénérer le domaine des soins

personne en EMS
© Thierry Porchet

Pour le manifeste, le care doit sortir de la logique actuelle, par laquelle l’Etat s’est progressivement soustrait à ses obligations laissant la place à des acteurs privés, motivés par des profits mirobolants.

Le document élaboré par Unia et par de nombreux partenaires préconise des mesures radicales pour améliorer le travail des soignants et la qualité de vie des patients.

En matière de soins et d’accompagnement de longue durée, un diagnostic connu et avéré se présente de manière impitoyable aux yeux de tous. Ce domaine de la santé subit depuis plusieurs décennies déjà une double contrainte. Elle est provoquée d’une part par le vieillissement des sociétés occidentales et d’autre part par une pénurie structurelle de personnel spécialisé, ce qui implique une détérioration de la qualité des services fournis aux patients. L’état de fait est plus qu’alarmant en Suisse, et il a poussé Unia à se pencher sur la question, en offrant un cadre propice aux professionnels du secteur et à plusieurs autres partenaires afin de concevoir des solutions structurelles à une crises profonde. 

Les raisons de la colère
C’est ainsi que, entre les mois de février et juillet 2024, des ateliers participatifs ont vu le jour et ont permis de réunir à la même table une vingtaine de soignantes et deux institutions chargées de coordonner les travaux. A savoir, la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) et la Haute école spécialisée de Berne (BFH). Les résultats de ces séances ont été versés dans un «Manifeste du care», approuvé à l’unanimité lors d’un colloque qui s’est tenu à Olten à la fin du mois d’août dernier. Ce document est désormais disponible, en format PDF ou en papier, en passant par un lien web spécifique*. Ses contenus comptent sur la participation historique et centrale des professionnels directement concernés. Des personnels médicaux-sociaux qui font face au quotidien à la crise de longue durée touchant leur domaine et qui sont par conséquent les plus à même d’apporter des réponses pertinentes. 
L’outil de 39 pages donne des pistes concrètes pour transformer de font en comble l’avenir du secteur. Les auteurs et autrices y décrivent tout d’abord les raisons d’une colère collective, du ras-le bol face à des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader. Epuisement physique et émotionnel, pénibilités des horaires, standardisation du travail, logique du rendement qui amenuise la place accordée au contact avec les patients… Tout un monde va contre un mur à très grande vitesse. «Malgré l’avis favorable du peuple, en 2021, sur l’initiative pour des soins infirmiers forts, rien n’a changé concrètement en quatre ans», relève Enrico Borelli, co-responsable de la branche des soins d’Unia. «Cela montre le décalage existant entre le politique, inactif depuis la votation, et les souhaits clairs de la société. Le temps est donc venu de trouver un cadre pour faire aboutir de nouvelles idées, en suscitant l’adhésion et l’alliance non seulement du monde syndical, mais aussi des associations, des acteurs de la société civile, des chercheurs et d’autres figures encore.»

Objectif 2035
Il faut donc sortir de la logique actuelle, par laquelle l’Etat s’est progressivement soustrait à ses obligations laissant la place à des acteurs privés, motivés par des profits mirobolants, par les gains d’un secteur que les investisseurs appellent «or gris». Pour changer de cap, le collectif auteur du manifeste préconise 35 mesures concrètes, applicables dans un horizon de 10 ans. En 2035, leur concrétisation mènerait vers une véritable révolution sociétale: l’accompagnement des personnes âgées serait placé au centre des préoccupations de la société et le personnel médico-social évoluerait dans des conditions dignes, avec un statut valorisé et reconnu de tous. « La réalisation du scénario que nous préconisons est d’autant plus prégnante que, selon l’Office fédéral de la statistique, la Suisse aura besoin de 900 nouveaux établissements et de 54'000 nouveaux lits d’ici 2040 », souligne Enrico Borelli. 
Concrètement, et en résumant ses arguments les plus marquants, le «Manifeste du care» se penche notamment sur la manière dont sera financé le secteur. Les instances publiques reprendront la main tandis que la solidarité entre riches et pauvres et entre générations jouera un rôle central. Les personnels médico-sociaux disposeront d’une grande marge de manœuvre, en ayant quitté la standardisation des soins et en pouvant compter sur de nombreux spécialistes dans la gestion des cas complexes. Leur formation sera par ailleurs harmonisée au niveau national tandis que les horaires de travail et le temps de récupération seront considérés comme éléments essentiels à la qualité de soins. De manière générale, le care sera axé sur les personnes et non plus sur le profit ; il fera également partie intégrante de l’enseignement scolaire, à tous les niveaux, à partir de l’école primaire. En d’autres termes, c’est tout un pan de nos vies, aujourd’hui marginalisé ou occulté, qui sera placé au cœur des préoccupations de la société. 
Ces mesures cadre, et d’autres encore, ont aussi pour but de conférer un statut attrayant aux professions du care. En suscitant des vocations et en répondant aux besoins toujours plus pressants d’une société vieillissante, la Suisse ne devra plus faire appel à une main-d’œuvre qualifiée venue de l’étranger. Et dans le même temps, le pays s’engagerait à soutenir activement le système de soins de ces régions du monde qui ont contribué avec leurs migrants à garder efficace le système de santé helvétique. «Les objectifs annoncés dans le manifeste n’ont rien d’utopique, conclut Enrico Borelli. L’organisation des alliances, la mobilisation de tous les acteurs, doivent pousser à terme les politiques à concrétiser nos aspirations.»

Pour commander ou télécharger le Manifeste, cliquez ici

Des traces indélébiles sur le corps

Infirmière à la retraite depuis une année, Nathalie F. a cumulé une longue expérience professionnelle dans le domaine des soins, en Suisse comme en France. Elle a répondu favorablement à l’enquête lancée par Unia et a ainsi contribué à l’élaboration du Manifeste du care. Elle livre les raisons de son engagement: 

«L’intérêt de cette approche réside dans son côté pluridisciplinaire: le personnel soignant, d'accompagnement, d'intendance a pu faire entendre sa voix. 

Je parle de celles et de ceux qui 24 heures sur 24, se relaient, avec des horaires souvent coupés, soignent, lavent, mobilisent, lèvent, couchent, écoutent, aident et soutiennent des patients plus ou moins dépendants. Un personnel mobilisé un week-end sur deux, voire trois week-end par mois. Cela se fait parfois dans le dénuement, car il n’y a pas assez de collègues, pas assez de matériel auxiliaire, pas assez de repos compensatoire, dans des plannings modifiés sans concertation. Et on ne compte pas la pression, le harcèlement, la discrimination pour âgisme, la mise au placard. Et il y a encore le chronométrage des tâches, basé sur une idée archaïque de la performance qui a conquis management et gestion, et transforme nos soins d’interactions humaines en valeur de produits mercantiles. Le système de facturation que nous sommes contraints d'utiliser n'est ni plus ni moins qu'un système d'exploitation qui ne dit pas son nom. 

Quand j'ai changé d'orientation et que j'ai choisi ce métier, je savais que ce ne serait pas simple. Pour avoir travaillé trente ans dans les services aigus, de nuit, de jour, puis dix ans entre soins à domicile, EMS et psychiatrie, je comprends les collègues qui lâchent l'affaire. Travailler dans des conditions difficiles, ça laisse des impacts: sommeil, squelette, santé. On m'a dit: “Ben, tu le savais que ça allait être compliqué.” Evidemment, mais je n'ai pas mesuré les traces de ces impacts: elles sont indélébiles.» 

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