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Stop aux renvois Dublin

Un refuge une vaste manifestation la résistance prend forme contre l'inhumanité du système d'asile en Europe

Alors que des migrants meurent par centaines en Méditerranée, un mouvement de résistance contre le système inhumain de Dublin s'organise en Suisse et en particulier à Lausanne où un refuge a été ouvert pour cinq requérants menacés de renvoi.

«Les bateaux coulent... la Suisse refoule!» Samedi dernier, 1000 à 1500 personnes ont manifesté à Lausanne pour exiger un moratoire sur les renvois de requérants d'asile vers l'Italie ou d'autres pays européens, en application du règlement Dublin. Partis du refuge de St-Laurent qui accueille cinq requérants érythréens et éthiopiens menacés d'être renvoyés, les manifestants ont dénoncé le cynisme de la Suisse refoulant des réfugiés, alors que des centaines de migrants périssent en mer en tentant de franchir la Méditerranée et que l'Italie accueille déjà des dizaines de milliers de personnes fuyant la guerre et la misère.
Le règlement Dublin, auquel la Suisse a adhéré il y a 10 ans en même temps qu'elle souscrivait à l'accord Schengen, prévoit qu'un réfugié dépose sa demande d'asile dans le premier pays européen dont il a foulé le sol. S'il poursuit son périple vers un autre Etat, il peut être renvoyé à tout moment. Ce système engendre «une sinistre loterie sur des destins humains», relève le Collectif R, à l'initiative du refuge de St-Laurent et de la manifestation.
Lors d'une conférence organisée par ce collectif il y a trois semaines dans la salle paroissiale faisant office de refuge, Aldo Brina, du Centre social protestant de Genève, expliquait comment, avec le système Dublin et sa base de données Eurodac, recueil d'empreintes digitales, les migrants étaient estampillés dès leur arrivée. «Les gens ne sont plus des êtres humains, ils sont des caisses de marchandises, comme un paquet DHL que l'on renvoie vers l'Italie. C'est de la gestion de stock et de flux, une déshumanisation totale. Pourquoi?» a-t-il lancé.

Précarité extrême pour les «Dublinés»
Parmi les nombreux intervenants de la soirée - intitulée «Dublin et droits humains: un accord impossible?» - Fernando Vasco Chironda était venu d'Italie pour parler de la situation des migrants renvoyés dans ce pays, les «Dublinato» ou «Dublinés» comme il les nomme. Représentant d'Amnesty International Italie, le militant a souligné les difficultés extrêmes auxquelles les «Dublinés» sont confrontés à leur retour dans un pays marqué par la crise, où les trois quarts des migrants n'ont pas de toit. Divisés en deux catégories, entre ceux inscrits à leur arrivée dans Eurodac et ceux n'ayant que transité par l'Italie, les «Dublinés» se retrouvent la plupart du temps sans droits. Ainsi, un «Dubliné» déjà inscrit en Italie ne peut pas accéder à un logement dans un centre de requérants, l'Etat considérant qu'en quittant ce pays, il refusait tout soutien. «Souvent, les "Dublinés" sont débarqués dans un aéroport. Là, ils n'ont rien, ni à manger, ni soins. C'est une violation de leurs droits fondamentaux. Normalement, ils ne devraient pas y rester plus de 24 ou 48 heures, mais certains y passent des semaines entières. Avec le risque aussi qu'un policier zélé les renvoie vers leur pays d'origine. Entre 2013 et 2014, il y a eu 2000 renvois de "Dublinés" depuis l'Italie.»

«Il faut changer Dublin»
Sans aide, les «Dublinés» vivent dans des conditions désastreuses. «Comme ils ne savent pas où aller, on les retrouve dans la rue. En plus de ne pas être aidés, ils ne sont pas intégrés, et complétement marginalisés. La conséquence? Ils repartent en France, en Suisse, en Allemagne. Puis sont à nouveau renvoyés en Italie... Ou alors, ils finissent dans un nouvel esclavage moderne, à la récolte des tomates, des olives, des oranges. Et alimentent les réseaux mafieux que le gouvernement dit vouloir combattre mais qu'il crée lui-même avec cette politique.» Et Fernando Vasco Chironda de plaider: «Il faut changer Dublin. Ces migrants sont venus chercher de l'aide et un peu de tranquillité dans nos pays, il faut la leur donner, dans le pays de leur choix.»
Un vœu que le Collectif R entend matérialiser pour tous les réfugiés menacés de renvoi par la Suisse. Hier, mardi 12 mai, une résolution demandant que notre pays use de son droit de souveraineté lui permettant de traiter les demandes d'asile de ces migrants devait être discutée au Grand Conseil vaudois.


Sylviane Herranz