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Quand Philip Morris maltraite ses sous-traitants

Immeuble administratif
©DR

Le siège de la multinationale Philip Morris International à Lausanne. 

La multinationale casse le contrat qui la liait à une entreprise spécialisée dans le test de produits. Ce qui laisse 80 personnes sans perspectives de réembauche ni mesures d’accompagnement.

Leur fonction est cruciale dans le développement de nouveaux articles, mais leur statut au sein de l’entreprise est particulièrement fragile. Ils sont environ 80 et constituent un panel chargé de tester, dans des conditions contrôlées, le goût et les textures des produits de la multinationale Philip Morris. Cigarettes et tabac chauffé, notamment, passent ainsi entre les mains et les papilles de ces travailleuses et travailleurs spécialisés. Leur destin professionnel a basculé brutalement le 25 avril dernier, lorsque le géant américain annonçait qu’il mettait un terme au contrat qui le liait depuis onze ans à leur employeur, le sous-traitant SAM Sensoring and Marketing, société du groupe international Eurofins. Testeurs et préposés aux laboratoires se retrouveront ainsi sur le carreau dès le 31 juillet prochain. 

Absence de bonne volonté
La situation est particulièrement critique dans le siège Lausannois de SAM. D’autant que la plupart des employés concernés évolue à un très faible taux d’activité et que ce travail, comme le souligne le syndicat Unia dans son communiqué, «même précaire, permet à des personnes souvent en situation financière fragile (…) d’être dans la vie active et de générer un revenu qui est en partie déduit des aides touchées. Ces personnes montrent ainsi leur volonté de se prendre en charge». Une volonté qui, sur un tout autre terrain, semble manquer chez les employeurs. Car l’entrepris SAM – active tout particulièrement en Allemagne et qui n’avait qu’un seul contrat en Suisse romande – disparait certes du paysage local, mais elle est remplacée par une nouvelle, MMR, qui occupera le même site et les mêmes locaux. Cette dernière refuse pour l’heure d’accorder une reprise des employés et ne veut pas non plus entrer en matière pour ce qui est des mesures d’accompagnement pour les licenciés. 

«Au sein du panel de testeurs, il y a des employés qui ont une longue ancienneté et perçoivent certaines prestations salariales, note Fiona Donadello, secrétaire syndicale de la branche industrie d’Unia Vaud. On peut raisonnablement soupçonner MMR de vouloir éviter l’embauche de ce personnel et de privilégier l’engagement d’une main-d’œuvre qui coûterait moins cher.» En attendant, l’entreprise a adressé à tout le personnel sortant un courrier électronique tard dans la soirée du 14 juillet, qui sonde la situation professionnelle et l’état de santé de chacun. Ce premier pas n’assurant pas pour autant une réembauche automatique. Une partie des destinataires pense déjà à déposer sa candidature. Une autre partie hésite, sonnée par la brutalité de la démarche de Philip Morris et par l’absence d’écoute face aux requêtes des salariés. «On se sent complètement lâché alors qu’on a été fidèle à la boîte et qu’on a fait notre boulot de manière très consciencieuse, souligne Etienne*. La motivation en a pris un coup. Et en plus, on ne sait pas vraiment à quel genre d’environnement nous aurons affaire chez MMR. L’ambiance entre nous était franchement  bonne chez SAM. J’ai l’impression que tout cela a été abîmé irrémédiablement.» 

Confiance cassée
Sa collègue Evelyne*, treize ans d’ancienneté, fait le même constat. «Avec le refus de nous considérer comme des interlocuteurs qui méritent des réponses, Philip Morris a cassé le rapport de confiance. Pour travailler dans la sérénité, j’ai besoin d’avoir un environnement sécurisé où il n’y a pas de coups bas, où on répond aux légitimes interrogations du personnel. Aujourd’hui, nous nous battons de manière collective pour que les plus précaires puissent s’en sortir avec des solutions convenables. Malheureusement, en face on ne va pas dans la même direction: MMR n’a pas contacté les collaborateurs qui n’ont pas d’adresse e-mail, par exemple. Il se trouve que ceux-là sont les employés qui ont le plus besoin de ce travail. Et il se trouve aussi que nous avons fourni tous les éléments permettant de les contacter autrement que par ce biais.»   

Les échanges entre Unia et MMR se poursuivent, «mais notre interlocuteur se décharge en renvoyant le dossier à Philip Morris, constate Fiona Donadello. Or, Philip Morris, qui se soustrait à ses responsabilités, doit assumer son rôle, car c’est elle l’entreprise qui met fin au contrat et c’est elle qui donne les ordres.» En refusant que la précarité soit la norme pour les sous-traitants, Unia rappelle que «Philip Morris et MMR ont les moyens d’organiser une transition responsable pour l’ensemble du personnel.» Il appelle à l’ouverture immédiate du dialogue avec les salariés concernés ainsi qu’une garantie de leur reprise par le nouveau sous-traitant. Il exige enfin la mise en place de mesures de soutien pour les personnes licenciées. 

*Noms connus de la rédaction

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