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Mobilisation syndicale pour les droits des quinquas

Les travailleurs âgés de 50 ans et plus sont largement fragilisés sur le marché de l'emploi. L'USS monte au créneau

Alors que la population de notre pays ne cesse de vieillir, les personnes actives de 50 ans et plus sont largement fragilisées sur le marché du travail. Quand elles ne sont pas considérées juste bonnes pour la casse... L'Union syndicale suisse (USS) mène une vaste campagne pour défendre leurs droits, mesures à l'appui. Le point sur des revendications militant en faveur d'une politique de l'emploi adaptée aux seniors, et le témoignage de travailleurs concernés.

Environ 25% de la population active a plus de 50 ans. En dépit de ce taux élevé, peu de mesures valorisent cette catégorie de travailleurs et sont susceptibles d'assurer leur maintien sur le marché de l'emploi. Au contraire. Nombre d'entreprises misent sur la carte du jeunisme, à l'image de sociétés comme Orange ou Sunrise qui enregistrent respectivement dans leurs effectifs seulement 3 et 5% de quinquagénaires. La discrimination à l'embauche fondée sur l'âge se vérifie aussi dans les statistiques sur le chômage: 40% des chômeurs de longue durée ont passé le cap des 50 ans. Et plus ils avancent en âge, plus leurs chances de retrouver un travail diminuent. Rien d'étonnant dès lors de trouver parmi les seniors un nombre important de personnes engagées à temps partiel. Mieux vaut effectivement une occupation réduite plutôt qu'aucune.

Toujours moins d'actifs âgés
Si le taux d'activité des 55 à 65 ans reste encore élevé en comparaison internationale et européenne (67,7%), une chose est claire: toujours moins de salariés se situant dans cette tranche d'âge travaillent. En dix ans, de 1990 à 2000, le nombre de personnes ayant quitté le monde professionnel entre 55 et 59 ans a doublé; pour les hommes de 64 ans, il est passé de 31,8% à 48,4%, soit un sur deux. Si le renoncement à la vie active avant la retraite repose parfois sur un choix ou se justifie par des raisons de santé, les cas d'abandon involontaires se révèlent de plus en plus fréquents. Ces informations et chiffres - issus de différentes études - ont été communiqués par l'Union syndicale suisse (USS) engagée dans une vaste campagne pour les droits des travailleurs âgés. Cette démarche se fonde sur une série de revendications en vue d'offrir un travail adapté et de qualité pour les personnes concernées.

La formation continue, une clef
«La fragilisation des travailleurs de plus de 50 ans sur le marché du travail tient notamment à la dévalorisation de leurs qualifications professionnelles et au manque de formation continue», a affirmé Andreas Rieger, coprésident d'Unia et vice-président de l'USS, lors du lancement le 26 juin dernier de la campagne pour les droits des travailleurs âgés. Dans ce contexte, il plaide notamment en faveur d'un droit à cinq jours de formation continue payée pour tous. Car si les entreprises suisses veillent dans la pratique au perfectionnement professionnel des employés au bénéfice d'une formation supérieure et remplissant une fonction de cadre, il n'en va pas de même pour les postes subalternes et, a fortiori, pour ceux occupés par du personnel âgé. «La Suisse fait figure de pays pauvre au niveau des conditions de formation continue proposées. Il y manque - hormis dans quelques rares branches conventionnées - un droit à ce type de mesures (...) Or, un tel droit est nécessaire pour les travailleurs, également pour les plus de 45 ou 50 ans dont les qualifications tendent à être dépassées.»

45 ans, déjà trop vieux...
Andreas Rieger revendique aussi pour le groupe cible le droit à un bilan professionnel gratuit et - au cas où une réorientation professionnelle serait nécessaire - à des congés correspondants. Les coûts de telles démarches doit selon lui être pris en charge par un fonds interprofessionnel pour la formation continue.
Le coprésident d'Unia demande également un droit à la non-discrimination à l'embauche, que celle-ci se fonde sur l'âge - selon une enquête de l'agence de placement Kelly, 56% des plus de 45 ans sont discriminés en raison de leur âge - ou d'autres critères tels que le sexe, la nationalité, la race ou encore l'orientation sexuelle. «Il faut donc veiller à l'inscription de ces droits des travailleurs dans des conventions collectives de travail et dans les lois, et mettre en place les moyens financiers ou les fonds de compensation nécessaires. Sinon, dans dix ans, les belles promesses et les recommandations continueront à dominer en lieu et place d'une réelle offensive de formation continue.»

Sonya Mermoud



Assurances sociales: davantage de souplesse revendiquée

En matière d'assurances sociales, l'USS a édicté une série de mesures propres à permettre aux travailleurs âgés de «rester plus facilement, ou de rester tout court, professionnellement actifs». Le syndicat réclame notamment le droit de pouvoir continuer à cotiser à 100% au 2e pilier en cas de réduction du taux d'occupation. Il revendique aussi l'égalité de traitement dans les caisses de pension. En d'autres termes, il dénonce le fait que les travailleurs âgés qui changent d'emploi avant l'âge ordinaire de la retraite puissent être mis à la «retraite forcée» par leur caisse de pension, et recevoir dès lors une rente de vieillesse réduite au lieu d'une prestation de libre passage. Pour les personnes exerçant des métiers particulièrement dommageables à la santé, l'USS demande qu'elles aient la possibilité de cesser leur activité avant 60 ans déjà et que soient instaurées des solutions de branche, comme dans le secteur de la construction. La retraite flexible assortie d'un droit à une rente AVS entière fait encore partie des revendications syndicales, comme la possibilité de prendre une retraite anticipée à partir de 62 ans dans toutes les caisses de pension.

L'ES



«On coûte trop cher»

Retrouver un travail à 50 ans et plus: une galère vécue par Christian et Monique. Témoignages

«Je coûte trop cher. Et puis, j'imagine qu'on a peur que je tombe plus souvent malade, que je sois moins motivé. Je comprends, même si cette situation me chiffonne.» Agé de 54 ans, Christian, éclairagiste et sonorisateur de spectacles, cherche depuis six ans du travail. Aujourd'hui, le Genevois est arrivé en fin de droit et dépend de l'aide sociale. Et ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé. Les mésaventures professionnelles de Christian débutent en France où il a passé 35 années. Installé d'abord comme agriculteur dans les Pyrénées, l'homme retourne ensuite à sa vocation première, celle de régisseur de spectacles. Autodidacte ayant suivi différents stages dans la ville du bout du lac et à Paris, Christian - qui a quitté ses études un an avant la fin d'une maturité scientifique - est engagé par une petite société de prestations de services. Au volant d'une camionnette, il sillonne les routes françaises et assure son et éclairage pour différentes manifestations. Six ans plus tard, son patron décide de fermer boutique, laissant son employé sur le carreau. Le Genevois rentre en Suisse et multiplie les offres d'emploi. Si son dossier est jugé intéressant, les réponses négatives se succèdent.


Petits boulots et espoir
«Le milieu culturel genevois est très petit et mon âge a constamment joué en ma défaveur. A passé 50 ans, selon les barèmes appliqués dans la branche, je devrais toucher un salaire mensuel de 7 à 8000 francs. Un jeune coûte moitié moins.» Au terme de deux ans de chômage, Christian est placé dans une radio indépendante. «C'était super, très épanouissant, mais l'emploi était limité à un an.» L'homme retourne ensuite au chômage et ni les bilans de compétences - qui entérineront ses capacités dans le domaine de travail choisi - ni les cours d'informatique qui rafraîchiront ses connaissances dans le domaine ne lui permettront de retrouver un travail. Depuis juin dernier, le quinquagénaire touche le revenu minimum cantonal d'aide sociale: 1214 francs par mois. Ce montant sert à couvrir l'ensemble de ses besoins à l'exception du loyer et de l'assurance maladie pris en charge. «Comment fait-on pour vivre avec ça? Depuis six mois, je ne parviens plus à payer mes impôts.» Pas toutefois de quoi démoraliser cet inconditionnel optimiste qui fait contre mauvaise fortune bon coeur. «Je fais des petits boulots au noir quand ils se présentent. J'espère alors qu'une porte s'entrouvrira dans laquelle je m'engouffrerai. Vu ma situation et mon âge, je suis contraint à prendre des chemins de traverse.» Christian compte désormais uniquement sur son réseau relationnel pour renouer avec le monde professionnel.

Pas même un entretien d'embauche!
Même son de cloche de Monique, 53 ans qui, elle aussi, croit surtout aux contacts personnels et au bouche-à-oreille pour trouver du travail à son âge. «Un système genre francs-maçons », précise-t-elle. Cette documentaliste bibliothécaire n'est toutefois pas aujourd'hui hors circuit professionnel. Au terme de quatre ans de chômage entrecoupé d'un an d'emploi temporaire dans une association de créativité pour les enfants, elle a retrouvé un job à temps partiel dans le domaine parascolaire. Rien à voir avec sa formation initiale où l'horizon est resté bouché. «J'ai bien envoyé une centaine de postulations. Mais en dépit de mon diplôme, j'ai toujours été éconduite. Je n'ai même pas été invitée à un entretien d'embauche. Je pense vraiment que l'âge a joué un rôle négatif. On coûte trop cher.» Aujourd'hui, Monique assure dix heures par semaine le gardiennage d'élèves de primaire durant les pauses de midi et en fin de journée. Et réalise avec eux différentes activités manuelles et ludiques. Une réorientation qui lui plaît même si la Genevoise souhaiterait dans l'idéal être thérapeute. «J'ai suivi différentes formations dans le paramédical: massages, énergie, etc. mais je ne trouve pas d'ouverture dans ce domaine pour l'instant. Et de moins en moins de soins alternatifs sont remboursés.» Dans ce contexte, Monique imagine poursuivre son travail avec les jeunes. «Il faut que j'exerce un an comme remplaçante. Après, je pourrai suivre des cours et proposer mes services pour un poste fixe.» Dans tous les cas, Monique porte un regard critique sur la société actuelle. «D'un point de vue social, elle se situe sur une pente descendante. L'économie prime au détriment de l'humain. Reste que la solidarité pour nous aider...» Et peut-être la chance... Un facteur qui ne semble pas moins aléatoire que le système qui prévaut aujourd'hui pour les quinquas et plus.

SM