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Migros: l'irresponsabilité sociale

Mensonges, mauvaise foi, Migros attaque Unia qui dénonce sa politique antisyndicale et les péjorations de la CCT

«Un pas en avant, dix pas en arrière.» Il y a quinze jours, Unia dénonçait les détériorations graves et antisociales contenues dans la nouvelle CCNT Migros. Dénonciations aussitôt démenties par Migros. Le syndicat répliquait en maintenant l'ensemble de ses accusations. Unia avait également dénoncé la politique antisyndicale de Migros ainsi que le résultat misérable des négociations salariales. Là, Migros se tait...

Le syndicat Unia ment-il, comme l'a prétendu le président du conseil d'administration de Migros, Claude Hauser, à la radio et à la télévision après la dénonciation par Unia, le 13 novembre dernier lors d'une conférence de presse, des graves dégradations contenues dans la nouvelle Convention collective nationale de travail de Migros (CCNT)? Le syndicat avance-t-il «exclusivement des arguments fallacieux», comme le prétend un communiqué du géant orange daté du même jour?
Unia estime que, malgré le petit pas en avant que représente le congé paternité de 4 semaines, dont seules deux sont payées, de grands pas en arrière ont été faits dans la nouvelle CCNT, signée uniquement par la SEC (Société suisse des employés de commerce), l'ASPB (Association du personnel de boucherie) et la commission du personnel Migros, Syna ayant claqué la porte cet été, dénonçant l'attitude de Migros durant les négociations.
Textes à l'appui, Unia prouve que ses affirmations sont vraies et maintient sa position. Le syndicat a publié sur son site internet une réponse ferme aux démentis de Migros, basée sur la comparaison de la nouvelle CCNT 2007-2010, à l'ancienne, dont la FCTA était signataire. Voici quelques exemples.

Situation des mères détériorée
Dans la nouvelle CCT Migros, ce qui n'était pas le cas dans l'ancienne, il peut être exigé que les prestations en cas de maternité soient remboursées. Dans l'ancienne CCT, il était «conseillé à la collaboratrice de faire part de sa grossesse au début du 5e mois de celle-ci au plus tard». L'article 45.2 de la nouvelle CCT dit que l'employée «doit faire part de sa grossesse aussitôt qu'elle en a connaissance». Cela signifie que le responsable d'une filiale devrait être informé après un test de grossesse positif, ce qui est illégal et clairement une atteinte au droit de la personnalité de l'employée.
La nouvelle CCT prévoit que la durée du travail pourra être prolongée jusqu'à 43h, à l'exception du commerce de détail. Dans l'ancienne CCT, la fourchette était de 39 à 42h et de 39 à 42h30 pour la gastronomie, les loisirs et la logistique. De nouvelles normes indiquent encore que l'augmentation du nombre d'heures pourra être «rémunérée ou non par un supplément de salaire». Quant à l'indemnisation des heures supplémentaires, elle permettra de travailler chaque semaine 59 minutes gratuitement.

Vacances, salaires, etc.
L'article 25 de l'ancienne CCT prévoyait que «les vacances sont fixées d'un commun accord». Dans la nouvelle, le «commun accord» a été biffé. La nouvelle CCT permettra aussi de déroger, par des conventions complémentaires d'entreprise, aux prescriptions sur le temps de travail, le salaire, le 13e salaire ou encore les vacances.
L'article 36.2 de l'ancienne CCT prévoyait que «les parties contractantes se réunissent chaque année pour négocier une éventuelle adaptation des salaires». La nouvelle CCT stipule que les parties se réunissent «périodiquement, en règle générale chaque année». Les salaires ne seront donc plus systématiquement discutés ou adaptés chaque année.

Absence de représentativité
Lorsque Unia parle du manque d'ancrage de la CCT auprès du personnel, qui n'a pas été consulté ni informé des négociations, et de l'absence d'indépendance des commissions du personnel, Migros contre-attaque en disant que la FCTA ne comptait que 100 à 150 membres. Des chiffres «intentionnellement faux», répond Unia. Car les syndiqués Unia chez Migros sont plus de 2000, et rien que cette année, 200 nouveaux membres ont adhéré.
«Cette révision de la CCNT Migros montre bien pourquoi Migros a éjecté de sa convention collective Unia, qui est de loin le plus grand syndicat du commerce de détail» relève Robert Schwarzer, coresponsable Unia de la branche, car Migros «n'aurait jamais pu faire avaler à Unia toutes ces diminutions de prestations!» Et le syndicat de prier instamment le géant orange de renoncer à détériorer sa CCT et d'étudier avec Unia les moyens d'étendre les prestations et de conclure une CCT réellement dans l'intérêt de ses salariés.
Par ailleurs, Migros n'a pas daigné répondre aux deux autres questions soulevées lors de sa conférence de presse: le non-respect des droits syndicaux (voir ci-dessous) et le refus de relever les bas salaires et d'accorder une compensation générale du renchérissement lors des négociations salariales.

Sylviane Herranz



Muselière inacceptable

Trois questions à Catherine Laubscher Paratte, coresponsable Unia du commerce de détail.

Migros n'a pas répondu aux critiques d'Unia sur le non-respect des droits syndicaux ni sur les négociations salariales. Est-ce révélateur?
Sur les questions salariales, Migros est convaincue que seules les augmentations individuelles sont valables. Notre enquête au Tessin sur les hausses obtenues en 2006 montre que 67% des employés ont reçu entre 0 et 50 francs. Cela prouve que les augmentations ont été infimes pour les bas salaires. Chez Coop par contre, en 2 ans, nous avons obtenu une augmentation de 6% pour les salaires minimaux les plus bas. Quant aux droits syndicaux, c'est «faites ce que je dis et pas ce que je fais». Migros exige, et c'est une bonne chose, de ses fournisseurs un code de conduite qu'elle est incapable d'appliquer elle-même. A moyen terme, les consommateurs, déjà sensibles aux aspects écologiques, seront aussi touchés par les conditions sociales. Avec sa position, Migros se fiche non seulement des syndicats et des travailleurs, mais aussi des consommateurs.

Dans ses interventions, à la télé et à la radio le 13 novembre, le président du conseil d'administration de Migros, Claude Hauser, attaque Unia en disant qu'Unia n'avait jamais signé une aussi bonne CCT que celle de la Migros. Qu'en est-il?
La CCT Migros n'est pas la pire, mais pas la meilleure non plus. Par exemple, au niveau des salaires minimaux, elle est nettement en dessous de celle de Coop. Que l'on soit dans ou hors d'une CCT, on ne peut que réagir lorsqu'il y a une détérioration de la CCT, d'autant plus que nous sommes dans une conjoncture économique favorable et que dans une branche aussi précarisée, les conditions de travail devraient être améliorées.

A la radio, Claude Hauser a déclaré que, pour Migros, «il aurait été logique que Unia reprenne la place de la FCTA, mais pour nous il était indispensable que Unia reconnaisse la convention comme la FCTA l'avait signée. Or cela n'a pas été le cas, par conséquent nous avons été amenés à résilier l'accord qui nous liait à ce syndicat»...
Cela ne s'est pas du tout passé comme ça. Unia a clairement informé Migros qu'elle reprenait le flambeau de la FCTA et qu'elle s'engageait à reprendre et respecter toute la CCT qui liait la FCTA à Migros. Le problème fut que la direction de Migros décida alors, par le biais d'un protocole additionnel daté de janvier 2005, d'ajouter de nouvelles conditions à l'entrée d'Unia dans la CCT Migros, à savoir une clause d'interdiction absolue de faire état publiquement de toutes divergences de vue par rapport à Migros. Cette clause était une muselière. Une muselière syndicalement inacceptable!

Propos recueillis par SH



Code de conduite? En Suisse aussi!

Migros viole les droits syndicaux. Le syndicat mondial Uni Global Union réagit

«Migros fait obligation à ses fournisseurs de respecter des conditions de travail socialement correctes.» Qui écrit cela? Non, ce n'est pas Unia. C'est Migros elle-même, qui, sur son site internet, se vante d'avoir imposé son code de conduite à d'autres grandes entreprises commerciales européennes, sous l'abréviation BSCI.
Et que dit ce code de conduite sous son point 1 intitulé «Liberté d'association et négociation collective»:
  • «Le droit des travailleurs et travailleuses de créer des syndicats, de se syndiquer ainsi que de mener des négociations collectives est reconnu (Conventions 87 et 98 de l'OIT).»
  • «Les représentants des travailleurs ne feront l'objet d'aucune discrimination et auront accès à tous les lieux de travail où ils doivent pouvoir se rendre pour remplir leur tâche de représentation (Convention 135 de l'OIT).»

Six tribunaux désavouent Migros
Ce qui est bon pour les autres ne l'est pas pour Migros qui, ces dernières années, a déposé trois plaintes au Tessin et à Bâle contre des syndicalistes d'Unia qui distribuaient des tracts et refuse de reconnaître Unia comme partenaire social. Lors de la conférence de presse, Andreas Rieger, responsable du tertiaire à Unia, a indiqué que les six tribunaux de 1re et de 2e instance qui ont statué sur ces plaintes ont désavoué Migros sur la base notamment de la liberté de coalition ancrée dans la Constitution fédérale. Pour Andreas Rieger, l'empêchement systématique des activités syndicales est aussi une «violation crasse des conventions de l'OIT». Le syndicaliste exige de Migros qu'elle applique son code de conduite dans ses propres murs et accepte de discuter avec Unia d'une CCT allant dans l'intérêt des travailleurs.

Uni Global Union: inacceptable!
L'attitude de Migros a fait bondir Uni Global Union, organe faîtier mondial des syndicats du tertiaire, dont Unia est membre et qui a son siège à Nyon. Il dénonce, sur son site internet, l'attitude de Migros qui signe une CCT avec elle-même et refuse de discuter avec Unia, violant ainsi les dispositions de l'OIT qu'elle exige pourtant de ses fournisseurs. Uni Global Union va intervenir auprès des instances du BSCI afin de discuter du cas Migros. L'organisation syndicale mondiale estime que, tant que les relations avec Unia ne seront pas normalisées, la crédibilité de ce code de conduite sera remise en cause.

SH