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Manifestation à la sauce bourguignonne

Manifestants avec banderoles
© Olivier Vogelsang

Environ 150 salariées et salariés de la papeterie de Tetra Pak de Dijon ont fait trois heures de car pour défiler sur les quais d'Ouchy jusqu'au siège du groupe à Pully.

Avec le soutien d’Unia, les salariés français de la papeterie de Tetra Pak en Bourgogne sont venus manifester à Lausanne, devant le siège du groupe, contre la fermeture programmée de leur usine.

Dans la quiétude des villas cossues de Pully, le très sonore et coloré défilé des salariées et des salariés bourguignons de Tetra Pak détone. A grand renforts de tambours et de cornes de brume, les Français sont venus ce 11 avril dénoncer bruyamment la fermeture annoncée des papeteries de Dijon, devant le siège social du géant mondial des berlingots. La direction générale de Tetra Pak a en effet décidé que l’usine cesserait ses activités à l’automne prochain, pour délocaliser la production dans d’autres pays.

Partis à 6h30 de la capitale de la Bourgogne, environ 150 des 207 employés menacés de perdre leur emploi ont fait trois heures de car jusqu’à Lausanne. A Ouchy, ils retrouvent des camarades d’Unia Vaud venus en renfort. Mais le syndicat vaudois ne se contente pas d’un soutien symbolique, puisque c’est lui qui s’est chargé de la logistique locale et de la demande d’autorisation.

Sur l’air de «On lâche rien», l’hymne de toutes les manifestations de gauche en France, le cortège binational s’avance sur les quais. Les drapeaux rouges d’Unia se mêlent aux drapeaux rouges de la CGT et à ceux des autres syndicats français UNSA et CFE-CGC. Les travailleurs dijonnais arborent tous un t-shirt avec ce slogan: «Tetra Pak protège son pognon en sacrifiant les Bourguignons».

Après un peu plus d’un kilomètre, le cortège s’arrête devant le siège de la multinationale. Derrière les façades en verre fumé, on devine les silhouettes de cols blancs intrigués par le bruit. Les manifestants déposent devant la porte d’entrée leurs t-shirt de travail bleus et des berlingots peints en doré, lingots d’or factices symbolisant la richesse du groupe helvetico-suédois. Délégué syndical CFE-CGC, Mohamed Aouidat dénonce au micro une décision d’ordre purement économique: «Selon l’expertise financière que nous avons consultée, l’usine est rentable. Le seul but de cette délocalisation, c’est de faire encore plus de pognon!»

Deux cultures syndicales se rencontrent

Prenant le relais, l’avocat Ralph Blindauer, mandaté par l’intersyndicale française pour défendre les salariés de Tetra Pak, demande aux manifestants de s’abstenir d’utiliser des pétards et des fumigènes. «Ce n’est pas tellement dans la culture syndicale suisse, justifie-t-il. Ne mettons pas les camarades en difficulté. Ils ont organisé tout cela nickel chrome, comme les Suisses savent le faire.» Puis, l’homme de loi rappelle l’importance de la solidarité internationale des salariés: «Sans elle, le monde du travail est mort face au capital.» 

Pour lui, il faut que l’Etat français intervienne afin d’empêcher cette fermeture d’usine. «Nous voulons un rendez-vous à Matignon. Si l’Etat ne vient pas à nous, nous irons à lui.» Secrétaire régional d’Unia Vaud, Arnaud Bouverat assure les manifestants du soutien du syndicat et de celui de la faîtière IndustriALL, basée à Genève, rappelant qu’on a connu localement des situations similaires, avec la fermeture de l’usine Tetra Pak de Romont, en 2015, et plus récemment, celle de Vetropack à Saint-Prex, entre autres. Dominique Gigon, président de l’Union syndicale vaudoise, évoque aussi le cas de l’imprimerie de Bussigny, fermée en mars, déplorant les «mauvaises décisions stratégiques» à l’origine de toutes ces cessations d’activités industrielles, en Suisse comme en France.

Avec des qualifications très particulières, les employés de la papeterie française craignent d’avoir de la peine à retrouver du travail ailleurs. «Cette usine est très emblématique en Bourgogne, lâche un salarié, qui a 35 ans d’ancienneté. Sa fermeture inquiète toute la région.» Un de ses collègues regrette le changement de culture d’entreprise qui a eu lieu: «A l’époque, nous avions des dirigeants suédois, plus humains, qui vous disaient bonjour. Et puis, les financiers sont arrivés…»

Ambiance festive

Les travailleurs dijonnais entonnent ensuite plusieurs fois le «ban bourguignon», une tradition festive consistant à scander une mélodie en secouant les mains et en applaudissant. Suivent plusieurs chansons revendicatives et joyeuses, intermède musical qui se termine par une Marseillaise chantée à pleins poumons. «Bravo pour l’animation et pour votre mobilisation!, remercie Arnaud Bouverat. Nous avons des choses à apprendre de vous. Revenez quand vous voulez.»

Pendant qu’une délégation porte les revendications des manifestants devant un représentant de la société, le rassemblement se termine par un pique-nique géant sur les pelouses de Tetra Pak, avec sandwiches et bières offerts par Unia. «On reviendra», lance un Bourguignon.

Une vidéo de Olivier Vogelsang. 

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