En dix jours, un véritable tsunami sanitaire et social s’est abattu sur la Suisse. Les mesures visant à empêcher le développement trop rapide de l’épidémie de coronavirus se succèdent. Vendredi passé, le Conseil fédéral annonçait l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes et l’obligation de maintenir un espace social de deux mètres entre chacun. Par contre, il s’est refusé à interdire le travail là où il n’est pas indispensable. Dans notre économie libérale, le profit vaut toujours plus que l’être humain… Mais l’être humain a la capacité de se révolter! Pour preuve, ces vendeuses et ces vendeurs de Migros à la gare Cornavin de Genève, ayant débrayé ce dimanche, la direction leur interdisant de porter un masque pour se protéger et protéger les clients. Ils ont obtenu le droit de ne pas travailler dans ces conditions. Un succès pour ce personnel et pour Unia à ses côtés. Autre succès, celui de l’action «escargot» du syndicat vendredi matin au McDrive de Crissier, où des salariés entassés devaient préparer les menus sans aucun égard pour leur santé ni celle de la clientèle. Le lendemain, McDonald’s Suisse annonçait la fermeture de tous les McDrive du pays.
Sur les chantiers aussi, la révolte a grondé. Certains ouvriers ont cessé le travail. Le syndicat a été sur le pied de guerre toute la semaine. A Genève, grâce à cette mobilisation, les chantiers ont dû fermer vendredi. Vaud a serré la vis également, mais sans aller jusqu’à l’arrêt total, malgré les exigences et les appels au secours de nombreux travailleurs du gros œuvre, du second œuvre et de l’artisanat face au non-respect des mesures de précaution préconisées par l’Office fédéral de la santé publique. Dans les usines aussi, des protestations se sont élevées.
Mais vendredi, le Conseil fédéral n’a rien fait d’autre que de cautionner la poursuite du travail sur les chantiers et dans l’industrie. Il s’agit pour lui «d’éviter» les fermetures, tout en «enjoignant» les entreprises à respecter les recommandations de la Confédération en matière d’hygiène et d’éloignement social. Recommandations qui, pourtant, sont devenues des obligations pour la population. Deux poids, deux mesures… Peut-être que de nouvelles décisions auront été prises en début de semaine, alors que ce journal était mis sous presse. Peut-être que non. Vendredi, le Conseil fédéral a aussi appelé la Suva, notre assurance accident, à la rescousse. Rappelons qu’une des dispositions fondamentales de la Suva, c’est le droit de dire «Stop!» en cas de danger et de non-respect d’une règle vitale. «Aucun travail ne vaut la peine de risquer sa vie ou celle de ses collaborateurs», souligne l’assurance sur son site internet. Et en ces temps de grandes incertitudes et de grands risques pour toutes et tous, ce «droit au retrait» helvétique, bien connu des salariés français, devrait être utilisé sans modération! Reste qu’avec les pressions et les menaces de licenciement, la solidarité entre collègues est essentielle, comme l’appui du syndicat dans la lutte. La semaine passée, face à la mobilisation des ouvriers de la construction et du syndicat pour la fermeture des chantiers où prévalaient des conditions sanitaires indécentes et l’absence de règles de distance, la Société suisse des entrepreneurs a attaqué Unia, en exigeant l’arrêt d’une «politique syndicale destructrice», estimant qu’il s’agissait du «plus mauvais moment pour la lutte syndicale». Or, si l’on suit les préceptes de la Suva, les consignes de la Confédération, et le bon sens, la crise actuelle montre avec acuité que la lutte syndicale est plus nécessaire que jamais. Oui, la vie des travailleuses, des travailleurs, des êtres humains doit primer sur le profit!