Auteur, musicien et journaliste, Pat Genet mène de front une carrière artistique et un travail qui, plus que d’assurer sa seule subsistance, lui offre un certain équilibre
C’est un oiseau nocturne. Un être attaché à ces «moments suspendus, hors du temps» et à l’illusion que, les autres dormant, il accède alors à quelque chose qui leur échappe. C’est un «nébuleux mélancolique» comme il se définit lui-même qui cultive néanmoins la capacité d’émerveillement de l’enfant. A 36 ans, Pat Genet, crinière rêveuse et silhouette longiligne, partage sa vie entre un travail de rédacteur web au quotidien Le Nouvelliste et une passion pour la création à laquelle il s’adonne généralement la nuit. Journaliste professionnel à la ville, le trentenaire cumule les casquettes à la scène, évoluant comme auteur, chanteur et bassiste. Le Valaisan a mis le pied à l’étrier avec l’écriture, découvrant à l’âge de 17 ans l’œuvre de Rimbaud et rédigeant ses premiers vers, à la suite d’une rupture amoureuse. Depuis, la plume n’a plus quitté le studieux collégien plus enclin à occuper les premiers rangs qu’à végéter au fond de la classe, à côté du radiateur...
Plusieurs lectures
Dès 2003, des artistes tels qu’Aliose, Pascal Rinaldi ou encore Thierry Romanens recourent aux talents de parolier de Pat Genet, un genre différent mais qu’il a aussi apprivoisé. Le trentenaire mène également ses propres projets. En 2017, il publie, aux Editions Cousu Mouche Animal Torpedo, un recueil de poèmes. Cette même année, il fonde, avec l’auteur et musicien Régis Savigny rencontré dans le Jura au cours d’un stage consacré à leur art, le groupe d’electro-rock Ostande. Ce nom se réfère à la ville belge éponyme, sans en respecter toutefois l’orthographe. Il fait écho à l’émotion que ressent Pat Genet devant ces villes balnéaires du nord, hors saison. «Une ambiance âpre» teintée d’une certaine tristesse qui émeut le Valaisan. Ostande est aussi la résultante d’une histoire amoureuse contrariée avec, à la clef, des textes jugés trop personnels pour être confiés à d’autres. «Mon acolyte écrit également mais, en général, il s’occupe plutôt de la musique», précise l’artiste engagé encore dans d’autres formations et privilégiant les chansons offrant plusieurs lectures. Portes ouvertes à l’universel et à l’intime où les relations humaines au sens large servent de fil rouge. Où l’ordinaire se teinte de poésie. Où le temps, un instant, s’arrête pour nous rappeler d’être. Rien ne ressource davantage d’ailleurs l’auteur que de se détendre, un café à la main, sur son balcon surplombant une rue marchande de Martigny, à observer le ballet des passants... Un pas de côté, à distance du monde.
Scandaleux à plus d’un titre
Confiant sa peur de voir les hommes se couper de leur part d’humanité, inquiet quant à l’avenir de la planète, Pat Genet ne se laisse pas pour autant paralyser par ses craintes. Et se réjouit des mouvements sociaux en cours. «On assiste aujourd’hui à des réveils en masse. Des soulèvements aux quatre coins de la Terre. Nombre de personnes se lèvent pour protester. Crient leur ras-le-bol d’être pressées comme des citrons, jetées à la rue, dénoncent des guerres qui ne sont pas les leurs...» énonce en vrac, grave, Pat Genet mentionnant aussi au passage le drame de la migration, la misère de camps surpeuplés, le suicide de gosses de l’exil. «Un geste d’adultes si tenté qu’il se justifie. De quoi mesurer la désillusion, la désespérance», s’indigne, choqué, l’artiste qui malgré tout, conserve foi en l’homme. Sa capacité à prendre de la distance, à mettre de la légèreté dans les moments les plus graves l’éloigne en effet d’un pessimisme tranché, comme son souci de rester connecté à l’enfant qu’il était. «Si je suis heureux? Dans le contexte actuel du monde, ce serait scandaleux de répondre par la négative, mais tout aussi scandaleux de s’en satisfaire», répond Pat Genet qui, questionné sur une couleur de prédilection, opte pour le gris. «Elle me correspond. Je peux passer du blanc le plus lumineux au noir le plus profond», explique le jeune homme aux nombreux tatouages: un corbeau illustrant sa face sombre, un dessin infantile d’une fillette comme un clin d’œil à sa définition du bonheur – «c’est un rire d’enfant» – ou encore un carré imparfait, «à l’image des êtres».
Tout vivre
A la veille de la sortie d’un CD d’Ostande, Pat Genet rêve de remuer le cœur de son public: «J’espère, à travers mes contributions artistiques, inciter les personnes à regarder en elles et en direction des autres, à se dépasser.» Fan de Nicolas Bouvier, conquis par Bashung, les Pink Floyd et Noir Désir, l’auteur et journaliste ne changerait pas une virgule à sa vie s’il fallait la réécrire. Une existence et un parcours professionnel déjà riches. Pat Genet a travaillé pour différents périodiques et bénéficie d’une expérience de plusieurs années au théâtre du Passage à Neuchâtel où il a rempli la fonction d’administrateur de la compagnie du même nom et de chargé de communication. Le Valaisan a en outre œuvré pour le compte de Sion Festival. En 2015, il a rejoint les rangs du quotidien valaisan. Un emploi apprécié par le licencié en lettres, qui l’aide aussi, précise-t-il, à trouver un équilibre et une certaine discipline. Nécessaire pour cet homme-orchestre qui, facilement pris dans le tourbillon de ses passions, peine à ralentir. «J’ai tendance à courir partout. A vouloir tout vivre», confie cet auteur d’une grande sensibilité qui, attentif à cette «vie qui met du sel dans notre café» – une formule empruntée à Thierry Romanens – privilégie une «poésie du quotidien». «J’écris pour mieux mourir... L’écriture est une compagne à part entière. Si un jour je suis isolé, je pourrai toujours m’appuyer sur elle. Je ne serai jamais complètement seul. Vertigineuse pour certains, la solitude m’est nécessaire pour plonger en moi. Je l’apprécie et j’aime les gens tout à la fois.»
Ostande se produira le 20 mars à 18h30 dans le cadre du festival Voix de Fête à Genève.