Bribes de son histoire, quotidien et actualité régionale servent de matériau de base aux spectacles de l’humoriste Jean-Louis Droz. Un Valaisan qui joue aussi de son apparence
Pour ceux qui ne le connaissent pas, l’étonnement sera probablement au rendez-vous. Car si Jean-Louis Droz porte un nom courant dans le canton aux treize étoiles, son physique détonne. Dreads noirs tombant en cascade dans le dos et peau basanée, le sympathique Valaisan de 39 ans fait voler en éclats les idées préconçues. Et quand, amusé, il force le trait en exagérant l’accent du crû, le contraste, encore, se renforce. Un pied-de-nez aux clichés et une situation qu’exploite volontiers sur scène ce natif de Colombie. Tout en contribuant, indirectement, à l’intégration d’autres. «Je sers une bonne cause», sourit Jean-Louis Droz. Adopté alors qu’il était bébé, l’humoriste a grandi aux Arlaches, un hameau de 32 âmes dans le val Ferret, aux côtés d’une petite sœur provenant, pour sa part, d’Inde. Enfant un rien turbulent, il a déjà cette gaieté qui l’escorte au quotidien et sait pourquoi il est, en apparence, différent des siens. «Ma famille adoptive n’a jamais entretenu de mystère sur mes origines. J’ai toujours été serein sur cette question. Si j’ai fait par la suite la connaissance de mon père et de ma mère biologiques, les Droz sont mes parents, le village de ma jeunesse, mon chez-moi, mes racines», précise l’homme qui vit aujourd’hui à Monthey avec son épouse et ses trois enfants de 5, 7 et 9 ans. Ce cercle constitue, avec ses amis et les choses simples de la vie, le socle de son bonheur. Un concept qu’il associe encore au mot équilibre.
Affaire d’équilibre
«C’est une quête permanente. Trouver le juste équilibre entre le navire familial, les projets, les relations amicales. Tout va tellement vite. Il faut trouver du temps pour réfléchir, parler, s’aimer», note Jean-Louis Droz, soucieux de bien faire «son boulot de mari et de père» tout en menant sa carrière d’humoriste. Une vocation que le gai luron a embrassée un peu par hasard. Au terme de sa scolarité obligatoire, le Valaisan rêve de faire de la musique, initié à l’âge de 7 ans au cornet à pistons puis au trombone. «Je jouais dans une fanfare», raconte celui qui a aussi appris l’euphonium. Mais l’idée de se lancer dans cette voie en professionnel ne convainc guère ses parents. Jean-Louis Droz fréquente alors une école de commerce qu’il ne finira pas, avant d’entamer un apprentissage de menuisier, marchant sur les traces de son père. Son CFC en poche, il effectue avec trois autres personnes un voyage en Amérique latine et relie Quito, la capitale de l’Equateur, à Ushuaïa, au fin fond de l’Argentine. Un voyage au profit d’une organisation humanitaire locale – les kilomètres parcourus à force de mollets générant des dons – qualifié d’«initiatique». Le jeune homme qui n’a alors pas encore 20 ans s’ouvre à d’autres horizons et cultures, découvre précarité et conditions d’existence difficiles dans les pays traversés, et tombe amoureux d’une des participantes de l’aventure qui deviendra sa femme en 2011. «Depuis notre rencontre, on ne s’est plus quittés», confie Jean-Louis Droz qui rentrera de ce périple avec un regard particulièrement bienveillant sur son Valais d’accueil. «J’ai alors mesuré la chance que j’avais de vivre ici.»
Le goût de la scène
De retour dans nos frontières, le bourlingueur travaille pour une entreprise de menuiserie locale et rejoint, avec son trombone, un groupe de reggae de Vouvry. L’enchaînement de répétitions, concerts et même la production d’un album ne lui permettent plus, quelques années plus tard, d’assumer de front ses obligations professionnelles et son engagement musical. «J’ai arrêté, la mort dans l’âme.» Mais l’homme a goûté à la scène. Et l’envie d’y remonter ne va plus le quitter. En 2007, il suit un module des cours de formation d’artistes Florent à Paris et, encouragé par ses professeurs, décide de tenter sa chance. Le 28 décembre de cette même année, date de son anniversaire, il réserve une salle dans son village. Son spectacle, présenté trois soirs durant, affiche complet, vu par 600 personnes. Parmi elles, le manager de Yann Lambiel qui décide de le prendre sous son aile. Puis, tout s’enchaîne même en l’absence de son promoteur, décédé peu de temps après leur rencontre. Le menuisier, monté sur les planches – fil rouge de ses premiers sketches – est lancé. Son réseau s’étoffe. Et le succès est au rendez-vous. Le comique puise son inspiration dans son histoire, les clins d’œil du quotidien et l’actualité régionale. Et conquiert un public essentiellement valaisan, même si des percées romandes déjà se profilent. Certaines représentations sont aussi enrichies par des séquences vidéo où il interprète différents personnages. Si Jean-Louis Droz estime qu’on devrait pouvoir rire de tout, il prend garde toutefois à ne pas choquer ou froisser, privilégiant les chemins de traverse, le second degré. Et bannissant toute forme de vulgarité.
Les jours sans
D’une nature optimiste, l’artiste avance confiant dans la vie, et les autres. Pour l’accompagner sur son parcours, une bonne dose d’insouciance – qu’il considère comme un atout – et, bien évidemment, la joie inhérente à sa personnalité. Ce qui n’empêche pas l’amuseur de faire montre de sérieux. De se fixer des objectifs. De connaître trac et doute. Ses loisirs, le Valaisan les consacre volontiers à la randonnée et à la musique, et se réjouit de la renaissance du groupe de reggae dans lequel il jouait autrefois. «Dix ans plus tard, tous quadras avec des gosses, on relance la machine», pouffe Jean-Louis Droz qui, très positif, connaît aussi des jours sans... «Ces matins où je me réveille tard, et fatigué, où il n’y a pas l’étincelle, où je ne mesure pas la chance que j’ai.» Alors, comme répondra le comique, questionné sur le mot de la fin: «Autant en rire»...
L’humoriste se produira le 27 mars à 20h30 au Hameau-Z’Arts, à Payerne.