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Le 15 mai 2020, une grève «pour l’avenir»

Trois jeunes engagés dans le Groupe jurassien de la grève pour le climat.
© Neil Labrador

Face à face. Des jeunes engagés dans le Groupe jurassien de la grève pour le climat. Et des syndicalistes à l’écoute, mais dubitatifs. La convergence des luttes a encore du chemin à parcourir.

Les jeunes engagés pour le climat préparent une grande journée d’action. Invités par Unia Transjurane, trois militants ont présenté la démarche

Après le succès de leur manifestation du 28 septembre dernier à Berne, les jeunes engagés pour le climat veulent intensifier la pression sur le monde politique et économique. Ils préparent, à l’image de la grève des femmes du 14 juin, une grande journée d’action pour le 15 mai 2020, la «grève pour l’avenir». A cette fin, ils cherchent à impliquer les syndicats dans cette mobilisation et à faire converger luttes sociales et environnementales. Jeudi dernier à Moutier, Unia Transjurane, à l’occasion de son assemblée des membres, avait invité trois militants du Groupe régional jurassien de la grève du climat, Gaëlle, Sophie et Joachim, à présenter leur projet.

«Nous sommes dans le déni depuis longtemps face à la crise écologique», a déclaré en préambule Gaëlle devant la trentaine de participants à la rencontre. La jeune femme a rappelé que selon les prévisions les plus pessimistes du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la température globale pourrait s’élever de 7 degrés à l’horizon 2100 si rien n’est entrepris. Le Canton du Jura ou la Ville de Delémont ont eu beau décréter «l’urgence climatique», dans les faits ces déclarations ne sont pas contraignantes. Face à cette situation, le mouvement des jeunes avance quatre revendications: «Nous exigeons que la Suisse reconnaisse la catastrophe climatique comme une crise à surmonter et que la Confédération informe la société avec compétence. Nous demandons que, d’ici à 2030, la Suisse ne produise plus d’émissions nettes de gaz à effet de serre et cela sans prévoir de technologies de compensation. La réduction des émissions devrait être d’au moins 13% par année dès 2020 et de 8% à partir de 2024. Nous voulons aussi la justice climatique. Enfin, si ces exigences ne peuvent être satisfaites dans le système actuel, nous estimons qu’un changement de système est nécessaire», a détaillé Gaëlle.

Justice climatique? Changement de système? «Les acteurs principaux du réchauffement climatique doivent faire plus d’efforts. Nous sommes de très grands pollueurs, surtout si on prend en compte les activités de la place financière à l’étranger. Il y a une injustice entre les pays, mais aussi une injustice de plus en plus évidente entre les classes sociales, qui peut prendre plusieurs formes, par exemple les atteintes à la santé. On sait que ce sont les plus riches qui émettent la plus grande quantité de gaz à effet de serre», a expliqué, de son côté, Joachim, en écartant les «mesures d’austérité verte». «L’imposition du capital et des revenus offre des moyens plus importants de financer la transition que les pseudo-taxes carbone.» Et le jeune homme de prévenir: «Si on laisse la finance et l’économie diriger le navire, on est fichu. Dans le système capitaliste, la croissance est indispensable, peut-elle être verte? On en doute. Il faut laisser les combustibles fossiles dans le sol, comme l’a dit Greta Thunberg. Cela veut dire rendre obsolètes une grande partie des infrastructures existantes et cela implique une destruction phénoménale de capital.»

La grève du 15 mai 2020 a pour but «d’envoyer un message fort», selon Sophie. «On pense que les syndicats doivent faire le maximum pour y participer, caler des mouvements sur cette date pour faciliter les convergences. Nous invitons aussi les travailleurs à s’organiser en collectif sur leur lieu de travail.»

Comment on fait?

Dans le débat qui a succédé à ces présentations, plusieurs intervenants, tout en saluant la démarche courageuse des jeunes activistes, ont fait part de leurs doutes. «Comment on fait concrètement pour changer les choses? Rappelons-nous comment Thatcher a fermé les mines de charbon et laissé des dizaines de milliers de mineurs sur le carreau ou le nombre de gens qui n’ont pas réussi à s’adapter à l’introduction des commandes numériques dans l’industrie», a lancé Daniel Heizmann, l’ancien président de la commission du personnel de Tornos et de la branche industrie MEM d’Unia. «En tant que syndicaliste, on veut bien avoir la fibre verte, mais on ne veut pas que nos collègues se retrouvent à la rue. Qu’est-ce qu’on va donner comme job? C’est un travail de longue haleine et nous devons au minimum avoir une feuille de route européenne.»

«Ce que vous évoquez sont justement les défis auxquels nous somme confrontés. Nos demandes sont à la hauteur des nécessités. Et, comme vous, nous ne sommes pas forcément optimistes», lui a répondu Sophie. «Il y a des soirs où je ne dors pas, car je me dis que c’est fichu. C’est vrai qu’on n’a pas de plan, mais nous pensons que nous nous trouvons à un tournant, que l’on a le devoir de faire quelque chose», a souligné Joachim.

«Vous êtes assez visionnaires», a dit pour sa part Eric Rufi, l’ancien président d’Unia Transjurane. «Malheureusement, je pense que les gens réagissent lorsqu’ils sont face aux effets concrets du réchauffement climatique. Un jour, on aura une décroissance, l’anticiper, c’est une bonne chose. On devra partager le temps de travail et donner un revenu à ceux qui n’ont pas de travail, mais ce n’est toutefois pas l’état catastrophique de notre planète qui devrait nous obliger à le faire.»

Infos sur la grève du climat en Suisse: climatestrike.ch/fr/

Pour les activités du groupe jurassien jura.climatestrike.ch

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