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La sécurité sur les chantiers, sans baisse de salaire

Pour le renouvellement de leur convention nationale, les travailleurs de la construction donnent la priorité à la sécurité

Une vaste enquête menée par Unia auprès des travailleurs de la construction montre que leurs revendications prioritaires portent sur l'exigence d'un salaire complet en cas d'heures perdues pour raison de santé ou d'intempéries ainsi que sur une meilleure protection en cas de licenciements. Ces exigences pèseront lourd dans la balance des négociations pour le renouvellement de la convention nationale.

La convention nationale du secteur principal de la construction règle les conditions de travail d'environ 100000 salariés. Elle devra être totalement renouvelée à la fin de cette année. Dans la perspective des négociations qui précéderont cette échéance, Unia a tenu à savoir quelles étaient les préoccupations majeures et les revendications prioritaires des travailleurs sur les chantiers. A cet effet, le syndicat a lancé dans toute la Suisse une vaste enquête auprès de plus de 16000 travailleurs de la construction.

Des résultats «étonnants»
Les conclusions de cette enquête ont été dévoilées la semaine dernière dans une conférence de presse à Zurich. «Les résultats ont étonné jusqu'aux responsables du syndicat» avoue Hansueli Scheidegger, responsable Unia du secteur de la construction. Et pour cause, les revendications qui figurent en tête des priorités n'ont trait ni aux vacances et aux jours fériés, ni à des suppléments plus élevés, mais elles portent sur la protection sociale et la santé.
Les salariés interrogés ont, dans une proportion de 68,2%, plébiscité la revendication d'un salaire complet en cas d'heures perdues pour cause de maladie, d'accident ou d'intempéries. Au deuxième rang des préoccupations, avec un score de 65,8%, figure l'exigence d'une réglementation pour la protection de la santé en cas d'intempéries.
Comment interpréter ces priorités? Commençons par le problème de la santé et de la sécurité. Il faut savoir qu'un travailleur accidenté ne touche que 80% de son salaire, qu'il y ait ou non faute de sa part. Idem en cas de maladie, avec en plus le handicap de se voir totalement privé de salaire le premier jour. Il est tout à fait légitime de demander une pleine compensation, «comme cela se fait actuellement dans la plupart des branches industrielles et commerciales», souligne Hansueli Scheidegger. Pour sa part, Jacques Robert, coresponsable Unia du secteur de la construction en Suisse romande, rappelle que dans ce secteur «un travailleur sur cinq est victime d'un accident de travail chaque année» et «que les maladies professionnelles usent les corps et provoquent un taux d'invalidité effrayant». Le syndicaliste impute une partie de cette situation au fait que l'on doive souvent travailler par tous les temps sur les chantiers. «Sous la pluie, autant par froid polaire que sous la canicule, on travaille pour respecter les délais trop brefs, échapper aux pénalités de retard et satisfaire l'appât du gain des entrepreneurs.» Et quand malgré tout, les intempéries imposent aux entrepreneurs une suspension du travail pour des raisons techniques, les travailleurs se voient obligés de compenser les heures perdues. Cela débouche sur «des journées et des semaines de travail extrêmement longues et pénibles».

Le sens des responsabilités
Lorsque les interruptions de travail pour cause d'intempéries se prolongent, l'assurance chômage ne verse aux travailleurs que 80% de leur salaire, et cela après deux jours de carence. Conséquence? «Les maçons s'exposent ainsi à gagner moins, sans que leurs charges diminuent pour autant», déplore Hansueli Scheidegger. «Une telle perte n'est pas supportable pour de nombreux pères de famille. Il s'ensuit que bien souvent, des travailleurs poursuivent leur activité au péril de leur santé, pour ne pas être dans les chiffres rouges à la fin du mois.»
En conséquence, les salariés veulent une réglementation qui leur donne la possibilité d'interrompre le travail sans devoir compenser ensuite les heures perdues et sans subir de pertes de salaire. Ils veulent également pouvoir décider eux-mêmes du moment où les conditions météo ne permettent plus de poursuivre le travail.
Ces revendications portant sur la santé, la sécurité et la pleine compensation du salaire figureront au premier plan des négociations sur le renouvellement de la convention nationale qui devrait débuter ce printemps. En mettant l'accent sur la sécurité et la santé, «les travailleurs font preuve d'un réel sens des responsabilités», souligne Hansueli Scheidegger. Mais «l'échec des actuelles négociations salariales s'avère hélas un mauvais présage pour les discussions à venir. Nous constatons que les entrepreneurs se comportent parfois comme en terrain conquis. Or cette arrogance patronale ne laisse guère de marge de manœuvre à de vraies négociations, dans l'esprit du partenariat social.» Le syndicat annonce qu'il fera tout pour aboutir à un dialogue constructif débouchant sur des solutions concrètes.


Pierre Noverraz

 

 

Protection contre les licenciements

La protection contre les licenciements figure au troisième rang des priorités exprimées par les travailleurs, avec un score de 55,1%. Dans le monde économique d'aujourd'hui, et en particulier dans le domaine de la construction marqué par la pénibilité du travail, les salariés âgés de 50 ans sont les premières victimes des licenciements. «Et lorsqu'ils sont licenciés, il leur est en général impossible de retrouver du travail chez un autre entrepreneur», déplore Jacques Robert. A cela s'ajoute le fait que les conditions d'indemnisation des personnes jetées au chômage se sont encore durcies à la suite de la récente révision de l'assurance chômage. Les travailleurs interrogés demandent une protection contre les licenciements dès l'âge de 50 ans, avec l'assurance de conserver un emploi dans la branche et le droit à la retraite à 60 ans. Dans la foulée, ils exigent une protection contre les licenciements des militants syndicaux, avec réintégration obligatoire. «La Suisse, qui se targue d'être le pays du consensus social, des négociations collectives et de la paix du travail, n'accorde aucune protection contre le licenciement aux syndicalistes qui font fonctionner ce système», déplore Jacques Robert.
Les négociateurs syndicaux s'attèleront également à revendiquer la responsabilité solidaire des entreprises face aux sous-traitants, à obtenir la limitation et le contrôle du travail temporaire et de l'emploi précaire.


PN

 

Les clés de l'enquête

L'enquête d'Unia est le fruit d'un sondage très fouillé. Début 2010, un premier questionnaire est élaboré par 14 présidents du secteur, dans toute la Suisse. Il est ensuite soumis à l'examen et à l'amendement des comités de la construction des sections avant d'être remanié et affiné par les 150 délégués de la conférence professionnelle des maçons en avril dernier. Au total, 77 problèmes sont alors identifiés. Une analyse effectuée ensuite par plus de 1000 militants d'Unia travaillant dans la profession fait ressortir six points prioritaires.
Au final, ces points ont fait l'objet du jugement de 16'533 travailleurs de la construction, lesquels étaient cet automne appelés à choisir les trois points qu'ils considéraient comme les plus importants. Le résultat est donc l'addition de ces choix multiples. Il s'agit d'un classement en termes de priorités. Exemple, le taux de 27,6% portant sur la «durée du travail clairement définie», ne signifie pas que 72,4% des personnes interrogées se désintéressent de ce problème mais simplement qu'elles ne l'ont pas considéré comme l'une de leurs trois priorités. 


PN