La liberté de réunion pacifique n’est pas un acquis inébranlable à Genève

Le défilé du 14 juin 2024 à Genève de la Grève féministe a fait l’objet de longues négociations avant que la police et les magistrats de la Ville et du canton n'autorisent enfin le parcours prévu initialement.
Le cinquième rapport annuel de la Coordination genevoise pour le droit de manifester dénonce une situation tendue à travers des exemples éloquents.
C’est un rendez-vous annuel important que donne aux citoyens de son canton la Coordination genevoise pour le droit de manifester (CGDM). Articulé autour d’une poignée de pages, le rapport établi et divulgué par cette entité nous renseigne sur l’état de santé d’un pan important de la démocratie: celui qui se rattache à la liberté de réunion pacifique sur le domaine public. En 2019, année de naissance de la CGDM, l’initiative s’est rendue vite essentielle, à un moment où le droit défendu connaissait déjà une régression alarmante, puisque l’application d’une loi restrictive remontant à 2008 portait ses premières atteintes. Qu’en est-il aujourd’hui? L’association qui regroupe partis, acteurs de la société civile, collectifs de toute sorte et syndicats – dont Unia – brosse un paysage pas tout à fait apaisé en la matière. Les projecteurs sont tout particulièrement braqués sur deux points identifiés comme critiques.
Tentative d’interdiction
Le premier est relatif aux manifestations de soutien au peuple palestinien. Déjà très présente durant l’année 2023-2024 cette question a généré, selon les rédacteurs du rapport, des crispations croissantes: «Encore que le Canton de Genève n’ait pas posé d’interdictions générales de manifester pour cette cause, des mesures de répression injustifiées ont été prises et se sont poursuivies entre mars 2024 et février 2025». Dans le relevé de cas concrets on trouve celui du 12 janvier 2024, lorsque la magistrate de la Ville Marie Barbey-Chappuis (Centre) a tenté sans succès de faire interdire une manifestation, alors même que le canton n’avait émis aucun avis contraire. Tout cela avec, en toile de fond, une diatribe juridique pour déterminer qui de la Ville ou du canton est habilité à délivrer les autorisations.
L’autre point critique est incarné par le projet de loi déposé par le PLR, visant à exclure toutes les manifestations du centre-ville, des voies du tram et du U-lacustre. Secrétaire permanent de la CUAE (faitière de l’Université de Genève) et membre du comité de la CGDM, Emiliano Zanelli relève que «sous couvert de défense des commerçants, le projet de loi du PLR est une attaque frontale contre le droit de manifester, qui vise à nous empêcher de nous mobiliser là où les gens se trouvent, appauvrissant ainsi le débat public». L’association promet d’ores et déjà de combattre par tous les moyens les visées du parti bourgeois.
Sanctions injustifiées
Entre les deux grands dossiers évoqués, le rapport aligne nombre de cas de répression de participants. Il recense et décrit les interdictions, les restrictions et les sanctions prononcées de manière injustifiée. Des mesures qui ont frappé notamment la Grève féministe en juin 2024, le Cartel intersyndical en mai 2024 à la suite de faits remontant à octobre 2022, ou encore le Comité Urgence Palestine (CUP), qui a reçu 15 amendes entre novembre 2023 et février 2024. Dans sa dernière partie, le document répertorie également les points positifs ayant marqué l’année. Ils sont à mettre sur le compte de l’encadrement policier des manifestants, proportionné, dans certain cas discret et dans d’autres carrément invisible. Dans plusieurs situations, cette surveillance à distance a contribué à détendre l’atmosphère des rassemblements.
En conclusion, la CGDM tient à rappeler la non-conformité au droit international que suscite le cas genevois, compte tenu des intimidations relevées dans les cortèges et des restrictions que continuent d’imposer le département cantonal concerné et certaines communes.