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La double vie de Svetlana

Portrait de Svetlana Staline.
DR/IMAGE TIREE DU FILM

Svetlana Staline, la fille du dictateur soviétique, a toujours cherché à s'affranchir de sa filiation.

Dans son dernier documentaire, le réalisateur genevois Gabriel Tejedor raconte l’histoire de Svetlana Staline, la fille du Petit Père des peuples. Une femme résolument moderne et libre.

C’est une existence en deux temps, partagée entre deux mondes, communiste et capitaliste. Une étonnante destinée qui conduit Svetlana Staline du sommet de l’Empire soviétique à la pauvreté et à la solitude d’un home du Wisconsin, aux Etats-Unis, en fin de vie. Dans son dernier documentaire, Naître Svetlana Staline, le réalisateur et journaliste genevois Gabriel Tejedor, 46 ans, retrace la trajectoire de l’unique fille du Petit Père des peuples. Cette femme libre, résolument moderne, cherche à s’affranchir de sa filiation. Elle n’hésite pas à s’opposer à son père, se marie plusieurs fois, embrasse la religion orthodoxe et prend, en 1967, le chemin de l’exil, laissant derrière elle ses deux enfants. Gabriel Tejedor dresse le portrait de cette réfugiée qui passera par la case helvétique avant d’obtenir le passeport américain. Cet accueil provisoire s’effectue à la demande du président Lyndon Johnson, redoutant de froisser le Kremlin et soucieux de ne pas compromettre la signature d’un traité de désarmement nucléaire. Au-delà de la biographie de l’embarrassante protagoniste pour les deux Blocs, le film ressuscite une page d’histoire sur fond de purges staliniennes, de guerre froide et d’enjeux géopolitiques. Et s’appuie sur des images d’archives, des interviews et des animations rendant la démarche aussi vivante que captivante.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la vie de Svetlana Staline? 

J’ai réalisé ce film durant la pandémie de Covid et après avoir lu Opération Svetlana, de Jean-Christophe Emmenegger. L’auteur, accédant à des documents déclassifiés, a raconté la fuite de la fille de Staline et en particulier son séjour en Suisse. Une histoire méconnue que j’ai trouvé passionnante. 

Que vous inspire cette femme?

Je trouve sa trajectoire de vie, son aspiration à la liberté fascinantes. Elle se montre très forte dans une société pourtant très masculine, corsetée. Elle ne fait pas ce qu’on attend d’elle, ose agir, sans compromis. Son histoire se révèle rocambolesque. En pleine guerre froide, elle toque à la porte d’une ambassade des Etats-Unis, va vivre cachée dans des couvents fribourgeois, multiplie les aventures amoureuses... J’avais envie de raconter ce récit en images.

Qu’avez-vous pensé du rôle joué à l’époque par la Suisse?

Les services secrets helvétiques étaient complétement dépassés. Leur réaction s’est révélée très suisse dans le bon comme dans le mauvais sens du terme. Avec un côté amateur et en même temps sympathique. Une certaine innocence. Et cela alors que le KGB, des médias du monde entier, sans oublier les admirateurs de Svetlana Staline étaient à leurs trousses. La neutralité est aussi questionnée: la Confédération s’est alignée sur les USA qui lui ont imposé la présence de la réfugiée. 

Pourquoi avoir aussi utilisé dans votre film des animations?

Durant ses quarante premières années en URSS, Svetlana Staline vivait en partie cachée pour raisons d’Etat. Il n’existe donc quasi pas d’archives filmées et peu de photos. Les animations servent à pallier le manque d’images et à donner une unité visuelle au film. Elles ont été réalisées sur un mode avant-garde soviétique, avec des collages, des à-plats de couleurs, etc., et ont une portée suggestive, symbolique. 

Vous avez déjà tourné plusieurs longs métrages sur l’ex-URSS? Comment expliquez-vous cette attirance?

Difficile de le dire. C’est un espace géographique vaste, varié. Je n’ai pas de lien particulier avec la Russie, mais je parle la langue. J’y suis allé 25 fois. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est la capacité des personnes à exprimer leurs émotions, sans filtre. Au terme de quinze minutes de discussion avec une babouchka, la conversation va s’orienter sur l’amour, la guerre, la déportation, on ira peut-être le soir danser... C’est une population pleine de vie. Mes films racontent le parcours de personnes qui tentent d’exister face au système. Mon enthousiasme s’est toutefois étiolé depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. J’ai moins envie de retourner en Russie de peur de retrouver des amis, des connaissances qui cautionneraient la démarche ou qui n’oseraient pas se montrer ouvertement opposés. 

Un nouveau projet de film en cours?

Je prépare un documentaire sur la Bulgarie et plus particulièrement... sur l’influence russe dans ce pays. K

Naître Svetlana Staline, calendrier des projections: firsthandfilms.ch/fr/naitre-svetlana-staline

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