Pauvres paysans et paysannes! Forcés de se lever à l’aube et de trimer jusqu’à la nuit, souvent pour un faible revenu, ils sont pressés comme des citrons par le marché agroalimentaire et la grande distribution. Dépendant de subventions qui avantagent les gros producteurs, ils doivent faire face à la hausse des charges et, comme nous tous, du coût de la vie, alors que nombre d’entre eux sont endettés jusqu’au cou. Ils se retrouvent, en outre, frappés par le changement climatique, les sécheresses, les inondations et les ravageurs, tout en étant obligés de respecter des procédures toujours plus strictes… Et, pour ne rien arranger, ils sont mal défendus. Voyez en France, l’association professionnelle majoritaire, la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, qui a négocié avec le gouvernement et appelé à lever les barrages contre un plat de lentilles, c’est-à-dire sans obtenir d’engagements réels sur les prix et les revenus; eh bien, son président, Arnaud Rousseau, enfile plus volontiers un costard-cravate qu’une combinaison de travail. Propriétaire d’une exploitation de pas moins de 700 hectares de céréales, il est l’administrateur du groupe international Avril (Lesieur, Puget…) et d’une quinzaine d’autres sociétés. En lien direct et permanent avec le gouvernement, ce Monsieur avait, dans les discussions menées l’année dernière sur le projet de loi des finances, accepté l’augmentation des taxes sur le gazole non routier (GNR)!... qui a été l’un des détonateurs de la mobilisation en France.
L’Union suisse des paysans (USP) est du même tonneau. Alors qu’aux quatre coins de l’Europe, les tracteurs sont sur les routes et convergent vers les capitales, l’organisation faîtière s’est contentée de lancer une pétition en ligne appuyant de timides réclamations. Conseiller national du Centre, son président, Markus Ritter (C/SG) pourrait faire la pluie et le beau temps à Berne vu que ledit lobby paysan occupe 10% des sièges au Conseil national (pour seulement 2% de la population). Mais avec leurs œillères néolibérales, ces élus de droite sacrifient les agriculteurs sur l’autel du marché. Dernier exemple en date, le refus en décembre de l’initiative parlementaire pour un Ombudsman agricole et alimentaire.
Si nous voulons conserver une agriculture paysanne, il est temps d’agir, nous sommes à la croisée des chemins. La dérégulation de l’économie telle que prônée par l’USP avec Economiesuisse, l’Union patronale et l’USAM au sein de l’alliance «Perspective Suisse» ne constitue certainement pas une solution à la crise économique, sociale et environnementale que traverse l’agriculture européenne. Il faut, au contraire, comme le défend le syndicat Uniterre, renforcer les outils de protection douanière, garantir des prix couvrant les coûts de production et la hausse des charges, ou encore rémunérer correctement les prestations environnementales. Donnons aux agriculteurs et aux éleveurs les moyens de vivre dignement de leur travail!