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Glencore accusé de dépouiller les Congolais

Des ONG dénoncent les activités de Glencore en République démocratique du Congo

Action de Carême, Pain pour le prochain et Etre partenaire ont mené une enquête sur les activités de Glencore en République démocratique du Congo. Ces ONG accusent la multinationale basée à Zoug de dépouiller le pays en ayant conclu des contrats au rabais et en payant des impôts minimaux. Elles dénoncent aussi les abus répétés en matière de droits humains, relevant la situation de précarité dans laquelle évoluent les mineurs artisanaux et les conditions de vie détériorées des communautés environnantes. Les œuvres d'entraide annoncent en outre avoir lancé une pétition demandant au Conseil fédéral d'obliger les entreprises à faire preuve de responsabilité sociale.

Acquisition de concessions de grande valeur pour une bouchée de pain, paiement d'impôts minimaux, violations graves des droits humains, atteintes à l'environnement... Les conclusions tirées par l'étude pilotée par Action de Carême et Pain pour le prochain sur les activités de Glencore et en particulier sur sa filiale Katanga Mining Limited (KML) en République démocratique du Congo (RDC) sont pour le moins affligeantes. Se basant sur une enquête de terrain et des recherches effectuées en Suisse, les ONG accusent la société basée à Zoug et figurant parmi les leaders mondiaux de l'extraction minière avec un chiffre d'affaires annuel de 145 millions de dollars, de dépouiller la RDC et de n'avoir aucun égard pour les travailleurs. Le point avec Chantal Peyer.

QUESTIONS/REPONSES

Que révèle l'enquête de terrain?
Les quatre chercheurs d'Afrique du Sud que nous avons mandatés, dont un partenaire congolais, ont mis en lumière de graves problèmes en matière de droits humains. Le premier concerne la situation des mineurs artisanaux auprès desquels se fournit indirectement KML, la filiale de Glencore, recourant à des intermédiaires. Dans les mines artisanales, les conditions de travail sont déplorables. Les mineurs creusent des trous et des tunnels parfois presque à mains nues et sans aucun équipement de sécurité, pour des salaires dérisoires. Les accidents sont très fréquents. Au Katanga, le travail des enfants est par ailleurs monnaie courante. Ils sont plus de 30'000 employés aux abords des mines pour nettoyer les minerais, creuser la terre à force de leurs bras ou transporter des sacs de plus de vingt kilos...

Quelle est la situation dans les mines industrielles directement exploitées par KML?
Le rapport révèle de larges lacunes en matière de sécurité. La mine souterraine de Kamoto, propriété de KML, serait l'une des plus dangereuses du Katanga. Sur le site, les prescriptions en matière de prévention sont peu respectées et les panneaux d'information quasi inexistants. Entre 2009 et 2010, trois accidents mortels ont été recensés. En plus, les travailleurs ne disposent pas de vêtements adéquats pour les protéger des dangereuses radiations d'uranium. Autre facteur déplorable, propre à renforcer la précarité, les contrats à court terme: 30 à 40% des employés sont logés à cette enseigne.

L'étude évoque aussi des difficultés avec les communautés environnantes. De quelle nature sont-elles?
Environnementales d'abord. KML n'ouvre pas un dialogue crédible avec les communautés vivant autour de ses mines et dont les résidus polluent les cours d'eau et la nappe phréatique. Autre dommage constaté: les dégâts causés aux maisons des villageois en raison des explosions répétées qui ont lieu dans les mines à ciel ouvert avoisinantes. Si KML affirme mener des projets humanitaires, aucune démarche systématique n'est entreprise auprès des communautés.

Vous accusez aussi Glencore d'avoir acheté des concessions au rabais...
Les contrats ont été décrochés en 2005, sous le régime de Joseph Kabila, dans des circonstances entachées de corruption. L'attribution des gisements a été défavorable à la partie congolaise. Dans le joint-venture créé avec KML, l'ancienne entreprise d'Etat Gécamines ne possède plus que 25% des parts, malgré la mise à disposition de réserves considérables de cuivre et de cobalt et la cession de deux usines de transformation des minerais. Les retombées minières pour la population congolaise ne sont que très minimes. Ce qui signifie concrètement que la filiale de Glencore exploite l'un des sous-sols les plus riches de la planète, utilise des usines de la Gécamines, consomme l'électricité restreinte d'un pays, use les routes précaires du Katanga et pollue l'air de la région sans avoir à reverser une contrepartie équitable à la partie congolaise.

La société paie tout de même des impôts
Selon la Banque mondiale, la RDC devrait toucher entre 200 et 400 millions de dollars d'impôts du secteur minier en lieu et place des 30 à 90 millions perçus. Glencore affirme de son côté s'acquitter de 61 millions de dollars... Nous doutons fortement de ce montant. En effet, dans les comptes 2010 de KML, aucune rubrique indiquant le paiement d'une taxe conséquente sur le bénéfice... A l'instar de Glencore, KML dispose d'un réseau de filiales dans trois paradis fiscaux: les Bermudes, les îles Vierges et l'île de Man. Et bien que KML soit en passe de devenir le plus grand producteur de cuivre de RDC, il ne paiera, selon ses propres projections de mars 2010, pour la période 2010-2013, que des impôts minimes, soit un million de dollars par an. Quant aux royalties, la filiale a prévu d'en verser aucune pour 2010 et 6 millions pour 2011. Loin des 61 millions de dollars cités par Glencore... 


Propos recueillis par Sonya Mermoud


Mobilisation pour des entreprises responsables!
Action de Carême et Pain pour le prochain ont lancé une pétition demandant au Conseil fédéral d'adopter des politiques étrangères et économiques cohérentes. «Nous souhaitons qu'un vrai débat s'ouvre sur la responsabilité sociale des entreprises suisses afin qu'elles s'engagent à respecter les droits humains à l'étranger» précise Chantal Peyer, de Pain pour le prochain. «Nous désirons également que les transnationales fassent preuve de davantage de transparence financière. En d'autres termes qu'elles déclarent leurs filiales dans le monde, les versements effectués aux gouvernements concernés ou encore le nombre de personnes qu'elles emploient.»
La récolte de signatures aura lieu jusqu'au 30 avril prochain.

SM

Pour lire le rapport ou signer la pétition: www.droitalimentation.ch

 



Glencore s'indigne
De son côté, dans une réponse faite aux médias, Glencore a rejeté les accusations des œuvres d'entraide. L'entreprise affirme n'avoir aucune relation avec les mineurs artisanaux ou leurs intermédiaires. Elle relève aussi que tous les employés de KML bénéficient de formation et de mesures sécuritaires. Comme elle assure prendre sérieusement en compte les questions environnementales et sociales. La société cite plusieurs de ses réalisations dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la réhabilitation d'infrastructures diverses... Enfin, elle réfute les allégations des ONG en matière d'impôts, chiffrant à 61 millions de dollars ceux de 2010.

SM