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En Algérie, le syndicalisme mène en prison

Ali Mammeri
©DR

Ali Mammeri a été arrêté sur son lieu de travail en mars 2025 par des policiers en civil.

 

Enlevé, torturé par les forces de l’ordre, puis condamné à 15 ans de prison, Ali Mammeri paie cher son engagement. Un cas parmi des centaines d’autres, qui suscite l’indignation internationale.

Depuis quelques jours, on en sait davantage sur les méthodes employées par le régime algérien pour faire taire ses opposants ou supposés tels. Les entretiens accordés à la presse par l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, dans la foulée de sa libération et de son retour en France, ont levé le voile sur une situation dramatique, où l’arbitraire judiciaire et la peur imprègnent désormais toutes les couches du pays du Maghreb. Disparitions forcées, tortures, irrégularités dans les procédures, condamnations disproportionnées, basée sur des éléments fallacieux… Des centaines de citoyens se trouvent aujourd’hui broyés par une machine contrôlée par une présidence autocratique. Parmi les nombreuses victimes, anonymes ou célèbres, il y a Ali Mammeri. 

Défenseur des droits humains, militant du Hirak – mouvement de rue qui, entre 2019 et 2021 a manifesté publiquement son opposition au président Abdelaziz Bouteflika – l’homme est une figure du monde syndical du pays. Il a fondé et préside le Syndicat national indépendant des fonctionnaires du secteur de la culture et des arts (SNFC). L’organisation est par ailleurs affiliée à la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP). Alors qu’il s’apprêtait à publier un avis du comité d’experts de l’OIT sur les violations du droit syndical en Algérie, Ali Mammeri a disparu soudainement de la circulation, le 19 mars dernier, ne donnant plus signes de vie pendant plusieurs jours. Comme tant d’autres concitoyens, le syndicaliste a été arrêté par des policiers en civil. Il se trouvait alors sur son lieu de travail, à Oum El Bouaghi, localité reculée à environ 500 kilomètres de la capitale. 

Victime de représailles
A la suite de son interpellation, tout contact avec les membres de sa famille et de son avocat lui a été interdit. Le prisonnier a été frappé, déshabillé lors des interrogatoires et obligé par la contrainte d’avouer les accusations portées contre lui. Sept mois plus tard, le 29 octobre dernier, Ali Mammeri a été condamné en première instance à 15 ans de prison ferme par le Tribunal d’Oum El Bouaghi. Jugement contre lequel il compte faire recours. Ce qu’on lui reproche entre dans un tristement célèbre article du Code pénal, le 87bis, qui englobe de manière très large et vague des actes de «terrorisme» ou «subversifs». L’acception s’est encore élargie en 2021, par une formulation qui a attiré les critiques du Comité des droits de l’homme des Nations Unies: «La tentative de s’emparer du pouvoir ou de changer le système de gouvernance par des moyens anticonstitutionnels» et «la remise en cause de l’unité nationale». 

Dans les faits, le détenu est victime de représailles. Coupable, dans un premier temps, d’avoir voulu structurer en syndicat le secteur culturel du pays. Coupable d’avoir imaginé «une organisation nationale des droits de l’homme», aspiration considérée comme subversive. Coupable enfin d’avoir échangé avec des collègues syndicalistes des informations au sujet des manœuvres dont il était victime. Accusé d’être un terroriste, Ali Mammeri a trouvé des soutiens en dehors du pays. Une mobilisation internationale a pris forme depuis son jugement, sous l’impulsion de l’ONG basée à Genève MENA Rights Group, qui défend et promeut les droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Un appel à la libération immédiate de l’activiste a récolté l’appui de dix-neuf organisations internationales, dont Amnesty International et le Cairo Institute for Human Rights Studies. Le jugement en appel dira si cette pression aura fait fléchir les juges et les hautes instances du régime. 

Pour en savoir davantage: menarights.org et cihrs.org 

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