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Des femmes au bout du pinceau

Portrait d'Aliaa Essam.
© Olivier Vogelsang

Aliaa Essam, heureuse dans sa vie de peintre...

Artiste peintre d’origine égyptienne, Aliaa Essam, installée à Genève, consacre l’essentiel de son œuvre à représenter des femmes, écho à sa fibre féministe

La beauté conjuguée au féminin, versions jeunisme et mensurations de rêve, n’intéresse pas Aliaa Essam. Ses modèles à elle intègrent une palette de femmes de tous les âges, croquées dans leur quotidien et échappant au diktat d’images promues par la publicité. Une maman prend soin de son enfant; une lectrice, détendue, se concentre sur son ouvrage, confortablement installée sur son canapé, dans son foyer; de vieilles dames dégustent, complices, une glace; un groupe de baigneuses profitent du bord de mer, indifférentes à leurs rondeurs... L’artiste immortalise sur ses toiles des femmes ordinaires. Universelles. Avec leurs défauts et leur éclat propre. Dans des activités de tous les jours. Aux «sujets parfaits», cette sympathique Egyptienne de 40 ans, installée à Genève depuis plus d’une décennie, privilégie l’authenticité et des scènes de vie auxquelles chacun peut s’identifier. «L’idée de peindre des femmes dans leur routine s’est imposée naturellement. Quant à la beauté, il s’agit d’une notion pour le moins variable», note Aliaa Essam, soucieuse également de valoriser l’indépendance, l’«autosuffisance» de ses protagonistes. Une manière d’exprimer sa fibre féministe à laquelle ses origines ne sont certainement pas non plus étrangères. «Dans mon pays, beaucoup de femmes n’ont pas accès à la liberté, ne peuvent pas exercer leurs droits fondamentaux. Mes tableaux reflètent peut-être aussi inconsciemment cette réalité.» Des œuvres où le thème de la plage revient par ailleurs de manière récurrente. «Ce qui m’attire dans ce décor? La lumière, le mouvement, les couleurs et les contrastes, l’ambiance», précise cette amoureuse du soleil et de l’eau, qui recourt à toutes les techniques. Et s’adonne avec bonheur à son art depuis l’enfance.

Alarme mentale

«Gamine, je consacrais déjà mes loisirs à dessiner. Il faut dire que ma grand-mère et ma mère ont ouvert la voie. Toutes deux peignaient», raconte la Genevoise d’adoption, qui a terminé son cursus artistique au Caire et œuvré professionnellement dans le domaine, avant, en 2008, de s’envoler pour Madrid. Un départ motivé par son mariage avec un Espagnol. «J’ai rencontré celui qui est devenu mon mari dans la capitale égyptienne. Il étudiait l’arabe. Nous nous sommes ensuite installés dans son pays.» Un an plus tard, le couple gagne la ville du bout du lac en raison de la grave crise économique secouant l’Espagne. Aliaa Essam et son époux y ont chacun décroché un travail. «J’ai été engagée par l’ONU, au bureau des droits de l’homme. J’occupais un poste dans l’administration», relate la polyglotte qui, outre l’arabe, maîtrise l’anglais, le français et l’espagnol. Cinq ans plus tard, l’employée donne toutefois sa démission. Non pas par désintérêt pour son job mais parce qu’elle ne dispose plus assez de temps pour se consacrer à sa passion. «Chaque jour, j’entendais mentalement une alarme m’alertant sur le fait que je ne me trouvais pas à ma place. Que je devais réaliser ce pourquoi j’étais faite dans la vie: peindre! J’ai économisé et quitté alors mes fonctions.» Un acte courageux qu’Aliaa Essam n’a regretté à aucun instant et une vocation menée avec beaucoup de rigueur et d’exigence. Et d’un point de vue de la discipline horaire et au niveau des résultats qu’elle souhaite atteindre.

Pas de mal du pays...

«Quand je débute un tableau, c’est comme une lune de miel. Puis, surgissent les problèmes à résoudre en termes de lumière, de composition, etc., comme dans les mathématiques. Il faut parfois tout détruire et repartir de zéro. Je touche au moment parfait quand, peignant, je m’oublie», affirme la jeune quadragénaire déterminée et persévérante qui, pandémie oblige, vend aujourd’hui essentiellement ses toiles en ligne. Non sans rêver d’exposer davantage dans des temps meilleurs. Et d’évoluer encore dans sa carrière.

Bien intégrée dans la Cité de Calvin, Aliaa Essam aime y vivre. «C’est une ville géniale réunissant nombre de nationalités, ouverte à la différence, aux idées plurielles. J’espère disposer un jour du droit de vote, participer à la vie politique», lance, enthousiaste, l’artiste, qui ne ressent pas le mal du pays mais plutôt de la nostalgie liée à des souvenirs de l’enfance et de l’adolescence et au temps qui passe. «Rien ne me manque de ma culture d’origine à l’exception de certains de ces moments-là. Ni la nourriture, ni des lieux, ni des parfums... Une grande partie de ma famille a d’ailleurs quitté l’Egypte. Ma patrie, ce sont mes attaches, les personnes que j’aime.»

 

Freiner la consommation

Spontanée, pleine d’énergie, les sentiments bien tranchés – «J’adore ou je déteste, mais je me gère» – Aliaa Essam confie, sans aucune hésitation, être heureuse: «Le bonheur, c’est de savoir simplifier. Il s’exprime dans des petites choses et sous réserve, évidemment, qu’on soit en bonne santé.» Un dernier point capital, cette native du Bélier confiant sa peur de la maladie et de la souffrance qu’elle craint aussi pour ses proches. Si rien n’irrite plus cette féministe que l’injustice et toutes formes de discriminations – et, en particulier, les inégalités entre hommes et femmes – elle peut compter sur son mari pour partager les tâches ménagères. Et, partant, dégager aussi du temps pour ses loisirs, comme le sport ou encore la lecture.

En ce début d’année, en guise de mot de la fin, Aliaa Essam formule ses vœux: santé et accès au vaccin anticoronavirus pour tous, mais aussi réduction de la consommation. «Une des leçons à tirer du Covid-19 est la nécessité de respecter la nature. Il nous faut impérativement limiter nos achats, nos voyages, consommer en conscience et se montrer davantage créatifs.» Un chemin sur lequel elle s’est engagée avec fougue, sans retour en arrière possible. «Si je n’étais pas peintre, je serais... peintre», sourit celle qui n’imagine pas la vie privée de ses pinceaux même si, demain, les femmes qui peuplent ses toiles cèderont peut-être un peu de terrain à d’autres protagonistes...

Découvrir le travail d’Aliaa Essam sur:

aliaaessam.com

instagram.com/aliaa_essam_art