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Dans une Suisse prospère, la pauvreté augmente

Pièces de monnaie dans un tiroir.
© Thierry Porchet

Le rapport souligne l’importance de la formation professionnelle comme facteur préventif de la pauvreté. 

Le premier rapport de monitoring publié par la Confédération documente la hausse du nombre de résidents vivant avec un revenu inférieur au minimum vital.

Ce sont deux Suisses distinctes, et leurs écarts de vitesse grandissants ne cessent de les éloigner l’une de l’autre. Côté pile, il y a le pays prospère, celui que décrivent les indicateurs macroéconomiques, faisant état d’un beau fixe presque sans partage, en particulier dans les domaines liés à la finance et à certains pans de l’industrie. Ce pays florissant jouit également d’atouts solides, sur le front sanitaire, par exemple, ou encore au niveau des prestations sociales. Le côté face de la médaille, bien moins reluisant, est fait d’une réalité qu’on invisibilise la plupart du temps et que la Confédération a placée sous les projecteurs, à travers un premier rapport de monitoring sur la pauvreté. Présentée à la presse le 1er décembre, l’enquête, estampillée par le Conseil fédéral et menée par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), repose sur quatre piliers thématiques et sur autant de tomes qu’on peut lire partiellement ou dans leur intégralité sur: monitoringdelapauvreté.ch 

Un état des lieux général est dressé dans le premier volume. On y constate que, entre 2014 et 2017, le taux de pauvreté lié aux revenus a augmenté durant ce laps de temps, se situant entre 8% et 9%. Les objectifs que s’était imposé le pays en matière de réduction de ce taux ne sont donc pas atteints. Les volumes successifs se penchent sur des aspects particuliers de la question traitée: la couverture des besoins vitaux, l’activité professionnelle et son lien avec la pauvreté, la variable cruciale liée à la formation. Un fascicule final établit la synthèse d’un travail imposant, fouillé et très documenté, qui décrit un contexte social en même temps qu’il identifie les stratégies, dresse les mesures et cerne les acteurs à même de prévenir et de lutter contre ce fléau. L’étude diversifie donc les approches et brosse un paysage où les causes qui mènent à la précarité sont de nature variée. 

 

Les six paramètres déterminants

Certes, la question des revenus, qui est la plus visible et déterminante à première vue, demeure centrale. Cette pauvreté de moyens frappe fréquemment une frange de la population bien définie: les personnes sans activité professionnelle, les familles monoparentales, les ménages avec plusieurs enfants, les personnes vivant seules, les actifs peu qualifiés ou encore les étrangers. Mais la variable financière n’est pas la seule lorsqu’on souhaite scruter dans ses détails l’état de pauvreté. Le monitoring intègre ainsi d’autres éléments déterminants, six en tout: la formation, l’activité professionnelle, la santé, le logement, les relations sociales et la participation politique. 

Les centaines de pages publiées permettent de tirer plusieurs enseignements importants. Le premier, d’ordre général, rappelle que la frontière qui sépare pauvreté et non-pauvreté n’est pas rigide. Qu’il suffirait de placer la barre des besoins vitaux 500 francs plus haut pour faire basculer des milliers d’individus dans la pauvreté et doubler ainsi le taux des précaires en Suisse. L’étude remarque encore que cet état n’est souvent pas durable chez les citoyens concernés, mais qu’il revient en moyenne durant les cinq ans qui suivent la sortie d’une situation critique. Celles et ceux qui exercent une activité professionnelle ont le moins de risques de se frotter à cette condition, puisque seuls 4% des actifs sont concernés contre environ 15% pour les inactifs. Le rapport souligne enfin l’importance de la formation professionnelle comme facteur préventif et constate que les personnes n’ayant pas de diplômes post-obligatoires sont plus exposées et présentent par conséquent plus de risques d’avoir recours à l’aide sociale. 

 

Réponses individuelles et structurelles
Un autre facteur de risque est celui du temps partiel, bien plus répandu auprès des femmes que chez les hommes. Selon les données compilées, cette catégorie de salariés a deux fois plus de chance de tomber dans la pauvreté que celle des employés à 100%. Seuls 2,8% de ces derniers sont concernés, contre 5,8% des personnes à temps partiel. Parmi les paramètres déterminants en matière de pauvreté, il faut encore isoler celui du lieu de résidence. Car dans un pays confédéral en grande partie décentralisé, les prestations et les offres à la population ne sont pas égales partout, loin de là. Cela vaut pour tout ce qui a trait à l’organisation de la formation et à son accessibilité, par exemple. Mais aussi à la disponibilité et à la qualité des offres destinées à la petite enfance, au régime fiscal, à la nature du marché du travail local ou à l’ampleur des prestations sociales existantes. 

En conclusion, le monitoring évoque les idées reçues, toujours stigmatisantes, qui accompagnent trop souvent l’état de pauvreté: l’absence de volonté de s’en sortir ou de se former, les mauvaises décisions, et encore le statut de migrant, sont utilisés comme des préjugés qui accablent les citoyens concernés. La réalité est autrement plus complexe et l’étude de la Confédération le démontre amplement. Les situations difficiles que traverse une partie de la population requièrent des réponses qui soient à la fois adaptées aux individus et adéquates sur un plan plus structurel. «Les mesures personnelles, comme le coaching, le conseil et les offres d’activation, doivent être combinées avec un accès équitable à la formation, à l’accueil institutionnel, au système de santé et aux prestations sociales. Cela permettra d’accroître la marge de manœuvre des individus et de réduire durablement les risques de pauvreté.» Un vaste chantier s’ouvre ainsi sur le front social, et la publication de l’OFAS pourra peut-être jouer le rôle d’outil précieux pour atténuer le nombre de pauvres dans le pays.

 

Pour consulter le rapport, cliquez ici

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