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Criminalisation du travail syndical

L'entreprise alimentaire Barbey SA demande 3,5 millions de dédommagement à Unia et dépose plainte contre un secrétaire syndical

Suite à une grève de deux jours et demi en 2010, Barbey SA demande 3,5 millions de dédommagement à Unia. En outre, l'entreprise alimentaire de Granges-Marnand a porté plainte contre le secrétaire syndical en charge du dossier pour diffamation. Un recours vient d'être déposé contre la décision du Ministère public qui a donné raison à Barbey SA. Pour Unia, c'est une attaque frontale contre le travail syndical et le droit de grève.

«C'est une attitude crasse d'une entreprise qui viole les libertés syndicales et se permet de mener une attaque contre les droits des salariés.» C'est en ces termes que Jean Kunz, secrétaire syndical à Unia Vaud, a introduit la conférence de presse sur l'affaire qui oppose le syndicat à Barbey SA. C'est que la direction de l'entreprise alimentaire de Granges-Marnand, qui ne demande pas moins de 3,5 millions de dédommagement à Unia, suite à une grève de deux jours et demi en 2010, a déposé une plainte pénale contre le secrétaire syndical en charge du dossier, Pierre-André Charrière.
L'histoire commence en 2009 déjà. Plusieurs salariés se plaignent alors que leurs heures de travail sont trafiquées par la direction: elles sont comptabilisées non pas en fonction des heures effectuées mais de celles déterminées par la direction selon les tâches à effectuer. Lorsque le syndicat tente d'entrer en dialogue avec Barbey au printemps 2010, la direction rétorque, en substance, que les travailleurs n'ont qu'à travailler plus vite.
A ces «tricheries sur la timbreuse», s'ajoutent d'autres violations de la loi sur le travail comme, entre autres, des temps de repos quotidien non respectés et du travail de nuit sans autorisation.

Deux jours et demi de grève
Le 29 avril 2010, le personnel se réunit avec le syndicat. S'ensuit le licenciement d'une employée en poste depuis 20 ans, l'envoi d'un avertissement à une salariée et la libération de l'obligation de travailler d'un membre du personnel, particulièrement actif dans le mouvement, qui avait déjà donné sa démission. Suite à son refus de quitter son poste, la direction le fera même expulser manu militari par deux gendarmes.
Face à ces représailles et au refus de la direction d'entrer en négociation, le personnel débraye du 25 au 27 mai, pendant deux jours et demi. Les résultats? «Les principaux abus, dont la triche à la timbreuse, ont cessé», explique Pierre-André Charrière. Le secrétaire syndical ajoute que tous les salariés qui ont déposé plainte devant le Tribunal des prud'hommes ont gagné, et ont été dédommagés (entre 3000 et 15000 francs). En outre, les plaintes pénales déposées par Barbey à l'encontre de trois employés, particulièrement actifs pour faire respecter leurs droits, ont été balayées. Mais la direction n'en est pas restée là. «Ensuite, ils ont déposé plainte contre moi pour diffamation et le juge m'a condamné», explique Pierre-André Charrière.

Violation des droits syndicaux
Suite à cette ordonnance de condamnation pénale pour diffamation du Ministère public du Nord vaudois (30 jours-amendes avec deux ans de sursis), un recours a été déposé auprès de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal. Jean-Michel Dolivo, l'avocat mandaté par Unia, relève: «Les considérants du juge sont particulièrement arbitraires. Cela représente une forme d'acharnement contre Pierre-André Charrière et Unia. Si la condamnation est maintenue, cela signifierait que tout travail syndical devient répréhensible. Cette condamnation pénale est très choquante puisqu'elle revient à interdire la défense des salariés même lors de violation d'horaires et de durée de travail.» Et de rappeler que le syndicaliste n'a fait que rapporter les propos véridiques des ouvriers, confirmés par l'Inspection du travail dans son rapport du 26 mai 2010.

Droit de grève attaqué
Parallèlement, Barbey a ouvert un procès civil, le 11 novembre, auprès de la Chambre patrimoniale cantonale. La direction de l'entreprise ne demande pas moins de 3,5 millions pour dédommagement suite aux deux jours et demi de grève. Un calcul virtuel puisque la quasi-majorité du montant repose sur les bénéfices qu'aurait pu engranger l'entreprise pendant 5 ans si un de ses clients n'avait pas cessé sa collaboration suite, selon Barbey, à la grève.
Au-delà des chiffres, l'attaque de Barbey SA représente pour Unia une violation inadmissible du droit de grève. Jean Kunz, secrétaire régional à Unia Vaud: «Nous nous battrons jusqu'au bout contre ces attaques, tant sur le plan juridique que syndical. La grève est un droit garanti par la Constitution. C'est malheureusement encore une bataille permanente que d'expliquer que la grève est un acte citoyen et responsable. Plus largement, nous sommes soucieux du respect des droits syndicaux attaqués aussi ailleurs, comme à Tesa par exemple. Il y a aujourd'hui une peur réelle des salariés.»

Aline Andrey