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Avis divergents sur Prévoyance 2020

Organisé par Unia un débat sur les retraites s'est tenu au Locle

Après un premier débat entre syndicalistes en décembre dernier à Genève, le projet de réforme Prévoyance vieillesse 2020 a été à nouveau au cœur des discussions le 30 janvier au Locle. Président de l'USS et sénateur socialiste, Paul Rechsteiner a défendu le compromis négocié au Conseil des Etats face à une salle peu encline à des concessions sur l'âge de la retraite des femmes.

A l'appel d'Unia, près de cent personnes se sont retrouvées ce 30 janvier au Locle dans les locaux du syndicat. Au menu de cette journée de formation et d'échanges, un grand débat consacré aux retraites. En préambule, Doris Bianchi a rappelé les mérites de l'AVS qui, largement indépendante des fluctuations des marchés financiers, garantit la solidarité grâce à son système de répartition. La secrétaire dirigeante de l'Union syndicale suisse (USS) a aussi vanté les avantages de l'initiative fédérale AVSplus, qui sera soumise en votation le 25 septembre prochain et qui propose une augmentation de 10% des rentes AVS, soit en moyenne 200 francs en plus par mois. Si tous les intervenants ont souligné les mérites de cette initiative de l'USS, les divergences se sont cristallisées autour du projet de réforme Prévoyance vieillesse 2020 et de la version remaniée par le Conseil des Etats.

«Nous avons brisé un tabou»
Pour mémoire, la Chambre haute propose au Conseil national, qui devrait débattre en septembre prochain de la réforme, de ne pas supprimer la rente de survivant ni de réduire la participation de la Confédération aux dépenses annuelles de l'AVS comme le proposait le Conseil fédéral. A la différence du paquet présenté par Alain Berset, les sénateurs suggèrent également une légère hausse des cotisations sur les salaires (de 8,4 à 8,7% répartie à parts égales entre employeurs et employés), ainsi qu'une augmentation des rentes de 70 francs pour les futurs retraités. Le relèvement de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans et la baisse du taux de conversion du 2e pilier sont maintenus. «L'AVS est au cœur, non seulement de la prévoyance vieillesse, mais aussi de l'Etat social. Le paquet présenté par le Conseil fédéral aurait affaibli cette assurance sociale exemplaire. Toutes les propositions allant dans un sens d'affaiblissement ont été retirées», a expliqué Paul Rechsteiner en ouverture du débat. «Depuis les années 90 c'était un tabou que d'évoquer une hausse des rentes; nous avons brisé ce tabou et nous avons sur la table la première augmentation des rentes depuis 20 ans», a relevé le conseiller aux Etats saint-gallois qui a été l'un des artisans de ce compromis. «Le grand problème reste l'âge de la retraite des femmes et le 2e pilier», a regretté le président de l'USS. «Mais dans toute l'Europe le mouvement syndical est dans une situation difficile face aux projets de relèvement de l'âge de la retraite et plusieurs pays autour de nous ont réduit les rentes. Jusqu'à présent, le mouvement syndical suisse a réussi à empêcher toutes les baisses de rente, mais la situation est difficile. Au Conseil des Etats, avec Liliane Maury Pasquier, nous n'avons été que deux à nous opposer à la retraite à 65 ans. Dans les partis de gauche, il n'y a pas d'unanimité sur ce point», s'est justifié le socialiste.

«Une réforme sur le dos des femmes»
«On dit qu'il reste deux problèmes, comme si la retraite des femmes était un détail», a objecté Michela Bovolenta. «La plus grande économie de cette réforme est réalisée sur le dos des femmes. On va économiser 1,3 milliard de francs alors que les discriminations coûtent 7,7 milliards aux femmes et que le travail gratuit réalisé par celles-ci n'est pas pris en compte. Les femmes devront travailler un an de plus pour les mêmes rentes et celles qui bénéficient d'un 2e pilier subiront aussi la baisse du taux de conversion.» Pour la secrétaire centrale du Syndicat des services publics (SSP), «c'est ouvrir la porte à la retraite à 67 ans pour tous que réclame la droite depuis des années».
Faut-il d'ores et déjà rejeter Prévoyance vieillesse 2020? Vu le renforcement de la droite lors des dernières élections, il n'y a guère de chance que le Conseil national améliore la réforme dans un sens progressiste. Pour Michela Bovolenta, c'est une évidence: «Notre position doit être d'augmenter les rentes, mais on doit également s'opposer à toutes les tentatives d'augmenter l'âge de la retraite des femmes. Et dire oui au compromis, c'est l'accepter. Travailler une année de plus est une ligne rouge que les syndicats ne doivent pas franchir. On doit se battre et dire qu'on ira jusqu'au bout.» Paul Rechsteiner estime, lui, qu'il faut attendre que le projet soit finalisé, soit au printemps 2017, pour que l'USS, ses unions locales et leurs délégués décident de leur position.

«Baisser le 2e pilier, une absurdité»
Second «problème», la réduction du taux de conversion (utilisé pour calculer les rentes sur le capital épargné) de 6,8% à 6%, alors qu'en 2010 le peuple avait balayé une baisse deux fois moins importante. «C'est une absurdité!», s'est exclamé Aldo Ferrari. «Toutes les théories des milieux économiques en faveur de cette solution sont à côté de la plaque: si l'on baisse les rentes, on réduit la consommation et on scie la branche sur laquelle on est assis.» Siégeant dans les conseils de plusieurs fonds de pension, le vice-président d'Unia a assuré que «les caisses sont aujourd'hui dans une très bonne situation». S'il faut maintenant consolider notre système de retraite, «la facture ne doit pas être réglée par les seuls salariés». «Depuis une quarantaine d'années, on n'a pas touché aux cotisations de l'AVS», a-t-il noté. Aldo Ferrari a aussi insisté sur les qualités des deux premiers piliers, «un système souvent cité en exemple dont nous avons la chance de bénéficier».
Ce plaidoyer a fait bondir Denis de la Reussille. «La création du 2e pilier a été une erreur historique», a lâché le président de la ville du Locle et conseiller national du Parti suisse du travail-POP. Rappelons que le système des trois piliers résulte du contre-projet opposé à l'initiative de 1972 du PST-POP «pour de véritables retraites populaires». Aujourd'hui, le PST-POP et Solidarités réfléchissent d'ailleurs au lancement d'une nouvelle initiative fédérale visant à fusionner progressivement la LPP dans l'AVS afin qu'à la faveur de la répartition et de la solidarité les rentes se montent à au moins 4000 francs. «Le 2e pilier est un modèle pour un homme qui travaille toute sa vie, ce n'est pas un bon système pour une femme qui doit interrompre sa carrière. Il faut entamer un débat sur ce point et le mener jusqu'au bout», a lancé Michela Bovolenta. «On peut débattre des 1er et 2e piliers, mais ce n'est pas le bon moment», a rétorqué Aldo Ferrari. «Ce qui intéresse les travailleurs, c'est le montant des rentes, peu importe qu'elles proviennent du 1er ou du 2e pilier. Et moi je préfère que les rendements du capital aillent dans les poches des ouvriers plutôt que dans celles d'Ebner, Blocher et autres.»

«Au chômage, c'est la croix et la bannière»
Le débat a été suivi d'une douzaine d'interventions du public, la majorité d'entre elles critiquant la retraite des femmes à 65 ans. Boulangère avant de travailler dans un cinéma, Gabrielle Putzschler a livré un témoignage poignant: «A l'âge de 56 ans, je me suis retrouvée au chômage. Lorsque je postulais, les chefs d'entreprise me disaient que j'avais de bons certificats, mais qu'ils n'engageaient que des moins de 50 ans. Une amie m'a dit que des dossiers comme le mien, elle en voyait tous les jours passer directement à la poubelle... C'était la croix et la bannière et je n'ai retrouvé un travail à 40% qu'à l'âge de 60 ans. Je partage donc entièrement les propos de Michela Bovolenta», a dit la militante. Denis de la Reussille a confirmé les difficultés que rencontrent les seniors sur le marché du travail: «Ce que l'on constate, du moins dans les régions frontalières, c'est la difficulté pour les salariés de plus de 55 ans qui sont au chômage de retrouver un emploi. Certaines personnes de plus de 55 ans que nous engageons en ville du Locle n'ont aucune chance de trouver un travail ailleurs», a expliqué le président de la Mère Commune, avant d'avertir: «En retardant d'une année la retraite, on va reporter les charges sur les cantons et les communes. En seulement 10 ans, les charges d'actions sociales sont déjà passées de 10 à 110 millions dans le canton de Neuchâtel.»

«Les atouts de l'AVS nous feront gagner»
Pour finir, Paul Rechsteiner a appelé à une forte mobilisation en faveur de l'initiative AVSplus dont le succès dans les urnes dépend de l'engagement des syndicats et des syndiqués. «Nous gagnerons si notre mouvement est capable de défendre les grands atouts de l'AVS», a conclu le président de l'USS.
Avant de consacrer leur après-midi à des groupes de travail, les participants à la journée ont pu profiter d'un apéritif offert par la ville des Montagnes neuchâteloises et d'une paella préparée par Anne et Fabien, qui, espérons-le, ne prendront pas leur retraite militante de sitôt.

Jérôme Béguin

 

Organisé par l'Union syndicale du Jura bernois, un autre débat sur l'avenir de la prévoyance vieillesse se tiendra le jeudi 18 février à 19h à la Salle communale de Malleray avec Thomas Zimmermann, responsable de la communication de l'USS, suivi d'un apéritif dînatoire.