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Vers l'ultralibération de la vente

En acceptant les motions Lombardi et Abate le Conseil national confirme la volonté du Parlement

Lors de sa séance du 19 mars, le Conseil national a clairement montré son intention de s'attaquer au commerce de détail et à son personnel en approuvant les motions Lombardi et Abate. Tandis que la première demande l'extension et l'harmonisation des heures d'ouverture des magasins dans tout le pays, la seconde vise à généraliser le travail dominical dans les zones touristiques, et cela, en contournant le vote populaire. Choquée, l'opposition dénonce un procédé antidémocratique et se prépare déjà à riposter.

La nouvelle a soulevé un tollé. Le 19 mars dernier, le Conseil national a suivi le Conseil des Etats en se prononçant en faveur des motions Lombardi et Abate, visant une nouvelle fois à déréguler les horaires d'ouverture des magasins et à étendre le travail dominical. Pour rappel, la motion Lombardi, acceptée à 126 voix contre 57, propose l'extension et l'harmonisation des heures d'ouverture des commerces de 6h à 20h la semaine et de 6h à 19h le samedi dans toute la Suisse, tout en laissant les cantons libres d'adopter des législations encore plus libérales. Un moyen de lutter contre le franc fort selon le motionnaire puisque cette mesure est destinée à freiner le tourisme d'achats dans les pays voisins, mais aussi dans les cantons proches où la législation serait plus souple. La mesure entend également réduire la concurrence face aux commerces des aéroports, des gares et des shops. La motion Abate, qui a recueilli 121 oui contre 56 non, prétend quant à elle modifier l'article 25 de l'ordonnance 2 relative à la Loi sur le travail, un processus qui ne permet pas de saisir le référendum et qui empêche donc le peuple de se prononcer. L'impact de cette motion est «grave» selon ses détracteurs puisqu'il s'agit d'élargir les zones dites «touristiques» actuelles, et par conséquent le travail dominical, afin de répondre aux besoins de la clientèle internationale fortunée.

Abattre les acquis...
Les opposants à ces textes ont vivement réagi, critiquant une stratégie visant à abattre un à un tous les acquis obtenus pour la protection des travailleurs. «Le Parlement fait sa politique en marge du peuple, dénonce Vania Alleva, coprésidente d'Unia. En votant ces deux motions, comme en approuvant l'initiative Lüscher, il ne respecte pas les votations de ces dernières années et va à l'encontre de la volonté populaire. Toutes ces dérégulations auront un effet néfaste sur les conditions de travail du personnel de vente, mais aussi pour les autres branches.» Pour le conseiller national socialiste Jean Christophe Schwaab, c'est le choc. «Il y a une volonté de prolonger la journée de travail à tout prix, sous couvert d'arguments fallacieux. Le pire, c'est qu'il nous sera impossible de saisir le référendum dans le cas de la motion Abate, et en tant que démocrate, cela me choque profondément. La droite passe par-dessus le vote populaire car elle a peur de voir sa motion rejetée, comme lors des dix précédentes votations à ce sujet. Or, passer par les urnes est le meilleur moyen de connaître les vrais besoins des consommateurs.»

Décision «extrêmement préoccupante»
De son côté, l'Alliance du dimanche, qui compte 26 membres dont des médecins du travail, des Eglises, des partis politiques, des syndicats, des associations féminines et des organisations œuvrant dans le domaine des addictions, juge la décision du Conseil national «incompréhensible» et «extrêmement préoccupante d'un point de vue démocratique». «Il est impensable qu'une détérioration aussi grave des conditions de travail soit introduite en Suisse sans consulter le peuple», relaye un communiqué. La coalition se dit même prête à engager des démarches juridiques contre l'application de la motion Abate. Mais lesquelles? «Nous sommes en train d'étudier les voies juridiques à notre disposition pour la contrer», répond Vania Alleva. Jean Christophe Schwaab est moins confiant. «Le recours par voie juridique vaut la peine d'être tenté mais il y aura très peu de marge de manœuvre, regrette-t-il. Une modification d'ordonnance opérée par le Conseil fédéral est difficilement contestable. Et sinon, il faudra se battre commune par commune...»

Plus de 60000 signatures récoltées
Pour l'instant, le calendrier reste encore flou. Concernant la motion Lombardi, le Conseil fédéral devra dans un premier temps élaborer un projet de loi qu'il soumettra à consultation. «Nous utiliserons tous les instruments possibles à ce moment-là pour nous y opposer», assure Vania Alleva. Quant à la motion Abate, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann a promis qu'il réunirait les partenaires sociaux avant son application. «Si c'est uniquement pour informer les syndicats de la dégradation de la situation des travailleurs, sans prendre en compte leur avis, ce n'est pas ce que j'appelle du partenariat social», réplique le conseiller national socialiste.
Par ailleurs, le référendum contre l'ouverture 24 heures sur 24 des stations-service a récolté dans un délai record plus de 60000 signatures. Il sera déposé auprès de la Chancellerie fédérale le 3 avril prochain. 


Manon Todesco

Lire aussi nos éditions du 12 décembre 2012 et du 6 mars 2013.