Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Un café au goût de pauvreté

Quelque 200 cultivateurs ont brûlé des sacs de café estampillés «Plan Nescafé», manifestant leur colère face à des prix d’achat qui ne couvrent même pas les coûts de production.
© Damian Sanchez / Public Eye

Quelque 200 cultivateurs ont brûlé des sacs de café estampillés «Plan Nescafé», manifestant leur colère face à des prix d’achat qui ne couvrent même pas les coûts de production.

Public Eye relaie la colère et le désespoir de cultivateurs de café dans la région mexicaine du Chiapas accusant l’acheteur, Nestlé, de payer des prix couvrant à peine leurs coûts de production. Une pétition a été lancée

Sacs de récolte en feu, banderoles dénonçant l’absence d’éthique de Nestlé et la pauvreté dans laquelle il maintient les cultivateurs: plusieurs actions de protestation ont récemment été organisées par des producteurs de café au Chiapas. Ces événements ont été rapportés par Public Eye qui a réalisé en février dernier un reportage sur la situation des caféiculteurs et des caféicultrices dans cet Etat au sud du Mexique. Une région qui concentre 40% de la production de café du pays et compte quelque 180000 agriculteurs. Fin mars, l’ONG a médiatisé les résultats de son enquête étoffée de témoignages. Selon cette dernière, Nestlé paie des prix d’achat trop bas, permettant à peine de couvrir les coûts de production. Et ce en dépit de son Plan Nescafé qui promettait aux familles l’adoptant un revenu plus élevé et une vie meilleure. La multinationale, précise Public Eye, incite depuis plus de dix ans les exploitations agricoles du Chiapas à abandonner la culture du café arabica, cultivé traditionnellement dans cette région, au profit du robusta, vendu à des prix inférieurs sur le marché mondial. La société a en effet besoin de cette variété pour produire son café en poudre, Nescafé, et, en 2022, elle a ouvert au Mexique une nouvelle usine dans ce but capable de traiter 40000 tonnes de café vert par an.

 

Politique agressive

Quand l’ONG s’est rendue sur place, elle a assisté à des actions de paysans et de paysannes qui brûlaient des sacs de café estampillés «Plan Nescafé», à proximité de la ville de Tapachula, près de la frontière avec le Guatemala. Une banderole était imprimée d’un «Nestlé, entreprise sans éthique, appauvrit le Chiapas». «Pourtant, le café acheté dans cette région par le géant agroalimentaire de Vevey est présenté comme provenant d’une production “responsable”», dénonce Public Eye dans un communiqué. Le Plan Nescafé prévoit des formations pour ses adhérents qui reçoivent par ailleurs des plants de robusta à haut rendement afin d’augmenter la productivité et leurs revenus. En théorie... «Dans les faits, Nestlé pratique une politique d’approvisionnement très agressive (...). Les prix consentis sont même plus bas que ceux de l’an dernier, si l’on tient compte de l’inflation, et ce malgré le fait que le cours du robusta en Bourse ait augmenté de 50% pendant cette période.» Concrètement, peut-on lire dans le reportage, le prix d’achat par kilo lors de cette saison de récolte – 26 pesos mexicains (environ 1,40 franc) – devrait au moins s’élever à 35 pesos mexicains (environ 1,80 franc en février dernier), voire 40 à 50 pesos pour pouvoir vivre correctement. «Au Chiapas, six mois seulement après la récolte, de nombreuses familles de petits producteurs n’ont déjà plus assez d’argent pour se nourrir. Le faible prix reçu pour le café est la principale cause de cette pauvreté généralisée, qui peut avoir des conséquences dramatiques, comme le travail des enfants et d’autres violations de droits humains.»

 

Asymétrie de pouvoir

Interpellée par les producteurs, la multinationale n’est pas entrée en matière sur leur revendication, soit un prix minimal permettant au moins de couvrir les coûts de production. Et a argué, dans un premier temps, que la question ne relevait pas de sa compétence, mais des sociétés intermédiaires locales... «Cette attitude illustre bien l’asymétrie de pouvoir entre le leader du secteur et ses fournisseurs.» Les cultivateurs concernés ont depuis lancé une pétition demandant que Nestlé achète leur café à un prix suffisant pour vivre. Ils dénoncent les conséquences de la politique de l’entreprise, avec des familles qui basculent dans la misère et le risque que des jeunes tombent dans les griffes de bandes criminelles en essayant d’aider financièrement leurs proches. De son côté, Public Eye a relayé les réponses formulées par Nestlé interrogé en amont de la publication de son enquête. La multinationale estime en substance que «les producteurs de café devraient gagner un revenu suffisant pour maintenir un niveau de vie décent pour eux et leurs familles», mais qu’il n’existe toutefois pas de «solution simple» sur un marché dépendant de l’offre et de la demande. «Le groupe n’a pas de garantie minimale, mais offrirait “les prix les plus compétitifs sur un marché ouvert” et, “selon l’origine et la qualité requise, un supplément pour le café provenant de sources responsables”», rapporte Public Eye, précisant encore que Nestlé ne s’est pas prononcé sur la situation rencontrée au Chiapas et les protestations des cultivateurs. La multinationale, selon l’ONG, s’est limitée à communiquer sur le nombre de producteurs de café participant au Plan Nescafé, à savoir plus de 7000, affirmant que la démarche «aide les communautés actives dans la culture de café à augmenter leur productivité, à réduire les coûts des intrants et à améliorer leurs conditions de vie»...

Les bébés du Sud rendus accros au sucre

 

Public Eye lance une pétition demandant à Nestlé de mettre fin à sa pratique «injustifiable et néfaste» d’ajouter du sucre dans les aliments pour bébés distribués sur les marchés africain, asiatique et latino-américain, notamment dans ses produits Cerelac et Nido, marques parmi les plus vendues du monde. Les résultats de l’enquête «Comment Nestlé rend les enfants accros au sucre dans les pays à revenu plus faible» montrent notamment que la quasi-totalité des céréales ou des laits en poudre à destination des pays du Sud contiennent des sucres ajoutés, alors qu’en Suisse et en Europe, ce n’est pas le cas. «Un double standard injustifiable et problématique d’un point de vue éthique et de santé publique, en particulier au regard de l’épidémie d’obésité dont sont victimes les pays à plus faible revenu», souligne Public Eye. En 2022, l’OMS a appelé à bannir tous les sucres ajoutés de la nourriture pour les moins de 3 ans.

Pour plus d’informations et signer la pétition, aller sur: publiceye.ch