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Travailler 24h sur 24 ? Non !

Unia et l'Union syndicale suisse s'opposent à la libéralisation de travail de nuit et du dimanche dans les shops des stations

Parce que l'initiative Lüscher visant à autoriser le travail de nuit et du dimanche dans les magasins des stations-service est un pas de plus vers une flexibilisation générale du travail, parce que les vendeuses refusent de sacrifier leur liberté et leur vie sur l'autel du profit, les syndicats avertissent que le lancement du référendum contre ce projet sera sérieusement examiné.

La liberté, ce n'est pas être disponible 24 heures sur 24 pour aller travailler, ni pouvoir acheter n'importe quoi à n'importe quel moment du jour et de la nuit. Vendredi dernier, le syndicat Unia et l'Union syndicale suisse (USS) ont tenu une conférence de presse pour dénoncer une nouvelle attaque aux conditions de travail des salariées et salariés de la vente, qui vient s'ajouter aux nombreuses déréglementations qui ont d'ores et déjà eu lieu. Cette nouvelle frappe est due au conseiller national libéral-radical genevois Christian Lüscher, lequel demande, dans une initiative parlementaire déposée en 2009, de libéraliser complètement le travail dans les shops des stations-service situées sur les autoroutes et les grands axes routiers. Il entend les autoriser à engager du personnel la nuit et le dimanche sans aucune autorisation. Cette initiative avait été déposée après que le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) avait interdit à trois shops de stations BP de la région zurichoise d'ouvrir entre 1h et 5h du matin, une décision confirmée par le Tribunal fédéral cet été. Ce dernier a considéré qu'aucune nécessité économique ne pouvait être justifiée pour une telle dérogation à la Loi sur le travail dont le but est de protéger les travailleurs (voir L'ES du 11 août 2010).

Cheval de Troie
«L'intervention Lüscher est un cheval de Troie, dans une stratégie patronale visant à étendre les heures d'ouverture des commerces, au détriment des conditions de travail et de vie du personnel de vente», a lancé lors de la conférence de presse Vania Alleva, responsable du tertiaire à Unia, argumentant que la «Communauté d'intérêt du commerce de détail suisse», dont font partie Migros, Coop, Denner, Manor, préconise des horaires d'ouverture du lundi au samedi jusqu'à 20h, des nocturnes et des ouvertures dominicales. «Nous ne faisons ici que défendre l'attitude claire du personnel directement concerné. Lors des assemblées et des enquêtes menées par le syndicat, près de 100% des personnes travaillant dans la vente se prononcent à chaque fois contre toute nouvelle extension des horaires d'ouverture des magasins. Car le personnel de vente n'en connaît que trop les conséquences», a-t-elle ajouté. Des conséquences catastrophiques en matière de vie familiale et de vie sociale, mais aussi pour la santé, comme l'a indiqué Jean Christophe Schwaab, secrétaire central de l'USS: «De nombreuses études médicales ont ainsi montré que le travail de nuit peut causer entre autre des troubles du sommeil, du rythme cardiaque, de la digestion, du stress et augmente les risques de cancer.»

Enjeu de société
Le syndicaliste met aussi en garde contre le fait que l'élargissement des horaires ne restera pas confiné au commerce de détail. Livraisons, nettoyages, infrastructures, à terme de plus en plus de services seront soumis à la «loi de la jungle». «Élargir les horaires de quelques commerces vise donc à faire petit à petit sauter les barrières limitant le travail nocturne et le travail dominical, afin qu'ils deviennent "nécessité économique" pour de nombreuses branches, et, partant, pour la totalité de l'économie.»
Lundi dernier, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national a examiné l'initiative Lüscher et l'a acceptée à 18 voix, soit l'ensemble des représentants bourgeois, contre 8 (5 socialistes, 2 Verts et 1 POP). Bien que l'initiative doive encore passer devant la commission du Conseil des Etats, puis en plénière au Parlement, vraisemblablement en décembre, ce vote atteste que le vent de la libéralisation continue à souffler sur le Parlement. Et qu'une nouvelle bataille référendaire semble inéluctable.
Ainsi, André Daguet, conseiller national et ancien membre du comité directeur d'Unia, a averti que face à cette «attaque frontale contre la réglementation sociale de la durée du travail, et contre le droit du travail mis en place au fil des décennies par les syndicats et le Parti socialiste au prix d'âpres luttes», la question du référendum sera examinée, d'autant qu'au-delà de la question des heures d'ouvertures des shops, il s'agit d'un véritable «enjeu de société».
Pour sa part, Joël Varone d'Unia Genève a dit la solidarité des clients avec les salariés de la vente, comme en témoigne le succès du référendum contre l'extension des heures d'ouverture des magasins à Genève, qui a recueilli près de 15000 signatures alors qu'il en fallait 7000. De nombreux votes cantonaux ou communaux ont par ailleurs eu lieu sur la question ces dernières années. Et une grande majorité des projets de libéralisation ont été rejetés.

Sylviane Herranz