Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Stop aux réseaux de mafia organisés dans le second œuvre

Unia a dénoncé Toni Décor SA qui accumule les infractions à la CCT, aux assurances sociales avec la complicité de sa fiduciaire

Accablé d'amendes, le patron de Jeton Deco SA liquide sa société en 2014. Le personnel est transféré vers une nouvelle société, Toni Décor SA, dont l'administratrice est aussi la propriétaire de la fiduciaire Genevalake Consulting SA. Aujourd'hui, quatre anciens travailleurs de Toni Décor SA réclament leurs salaires impayés ainsi que leurs cotisations sociales. La société croulant de nouveau sous les amendes, Unia craint une nouvelle mise en faillite et dénonce un réseau organisé d'escroquerie aux travailleurs et aux assurances sociales.

Le 16 mars, un nouveau scandale dans le secteur du second œuvre genevois a été révélé à la presse. Quatre anciens plâtriers-plaquistes de Toni Décor SA étaient présents lors de l'action, déterminés à récupérer leurs salaires impayés ainsi que le solde de leurs cotisations sociales versées que partiellement. «Entre les arriérés de salaire, les vacances impayées, et l'argent de l'assurance maladie qui a été touché par le patron mais pas versé à l'un des travailleurs, il y en a pour plus de 20000 francs à récupérer au total», s'indigne José Sebastiao, secrétaire syndical chez Unia. Alain* a travaillé près de trois ans et demi pour son patron: «L'argent nous était toujours donné en plusieurs fois, de la main à la main. Je tenais parce que je n'avais pas d'autre choix mais quand il n'a plus payé je suis parti. Il disait qu'il fallait attendre, qu'il n'avait pas d'argent...» Epinglée par la commission paritaire, la société devrait plus de 60000 francs d'amendes pour non-respect de la convention collective de travail et fraude aux assurances sociales. Etant donné la situation, le syndicaliste craint que Toni Décor SA se mette en faillite et exige que les travailleurs lésés obtiennent rapidement réparation.

Pas la première fois
En réalité, la crainte de la liquidation est fondée. En effet, le patron de Toni Décor SA a ouvert en 2008 l'entreprise Jeton Deco SA, malheureusement elle aussi connue par le syndicat pour de nombreuses infractions. «En 2014, nous avions quatre dossiers auprès du Tribunal des prud'hommes, raconte José Sebastiao. Le patron ne s'est jamais présenté.» Selon ce dernier, Jeton Deco SA avait aussi plus de 180000 francs d'amendes à régler à la commission paritaire suite à des constats d'infractions. «Il ne les a jamais payées. Il a liquidé Jeton Deco SA et transféré une partie de son personnel dans sa nouvelle entreprise, Toni Décor SA. C'est ce que l'on appelle un transfert frauduleux!»

Fiduciaire complice
Le secrétaire syndical a également dénoncé la complicité de certaines fiduciaires de la place dans ces faillites frauduleuses, qu'il accuse de fonctionner comme une «mafia organisée d'exploitation des travailleurs et d'escroquerie aux assurances sociales». Il nous fait effectivement remarquer que l'administratrice de Toni Décor SA est également la propriétaire de la fiduciaire Genevalake Consulting SA, qui gère Toni Décor SA. Et Genevalake s'est occupée de pas moins d'une douzaine d'entreprises qui ont été mises en faillite ces dix dernières années, rien que dans le second œuvre. «Quand il faut payer, les entreprises se mettent en faillite, rouvrent une autre société avec des hommes ou des femmes de paille et laissent une ardoise avec des salaires et des charges sociales qui seront finalement payés par la collectivité publique.»

Négociations paritaires en cours
Pour Unia, il est urgent que les choses changent. «Nous sommes en pleine négociation avec les patrons dans le cadre du renouvellement de la CCT du second œuvre romand, rappelle le syndicaliste. A eux de nous montrer s'ils sont prêts à en finir avec ce système ou s'ils veulent continuer à en profiter, car rappelons que les entreprises comme Toni Décor travaillent toutes comme sous-traitants pour les grandes sociétés du secteur.» Unia s'en prend également aux autorités fédérales qui, depuis peu, accordent un an à l'employeur pour annoncer son salarié à l'AVS. «Les entreprises profitent de ce système pour ne pas payer les charges sociales et se mettre ensuite en faillite, et l'Etat cautionne cette fraude.»

Maîtres d'ouvrage mobilisés
Le jour de l'action, la fiduciaire et le patron de Toni Décor SA restant injoignables, les anciens employés lésés, accompagnés du syndicat, se sont rendus sur les chantiers en cours pour tenter de récupérer leur argent. «L'architecte d'un chantier genevois a bloqué les factures de Toni Décor SA afin de faire pression pour que les travailleurs soient payés, rapporte José Sebastiao. Nous tentons d'obtenir la même chose sur un autre chantier. Ça avance dans le bon sens.»

Manon Todesco

 

* Prénom d'emprunt.