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Place financière : les revendications des salariés

L'union syndicale suisse exige des mesures pour une place financière stable et durable

Alors que la discussion bat son plein en Suisse sur la stratégie à adopter en matière de place financière, l'Union syndicale suisse a présenté la semaine dernière à Berne le point de vue des salariés et les revendications et exigences qui en découlent.

Stabiliser les marchés financiers, contrôler ses acteurs, dépasser le secret bancaire sans que les employés des banques n'en paient le prix fort? L'Union syndicale suisse (USS) a présenté jeudi dernier à la presse la position des salariés face à ces questions. La faîtière syndicale a d'abord brossé un tableau éloquent de la situation actuelle qui voit refleurir partout bonus et profits*.
Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS, a rappelé que ces bonus et profits dans les grandes banques n'existent que grâce aux mesures de sauvetage des Etats et a dénoncé le fait qu'au lieu de résoudre les problèmes, «les grandes banques et les banques d'investissement font tout pour pouvoir recommencer à réaliser des affaires comme avant la crise. Les cadres s'octroient à nouveau des milliards de bonus liés au cours des actions. Les transactions avec des dérivés et sur des marchés considérés il y a peu encore comme toxiques vont reprendre. Les directions des banques annoncent vouloir à nouveau obtenir des rendements de capitaux propres de 15 à 20%. Et les chefs des grandes banques tentent de saboter les réglementations qui s'imposent maintenant de toute urgence en Suisse, ainsi qu'au plan international. Difficile d'imaginer pareil culot et pareille arrogance!» Il a rappelé qu'à l'échelle mondiale, 20% environ du PIB ont été affectés à la stabilisation de la conjoncture. Rien que pour le secteur financier, 5 billions de dollars ont été mis à disposition et 2 billions effectivement injectés. «Sans programmes de sauvetage, les actionnaires et les obligataires des banques auraient essuyé de lourdes pertes. Or la situation s'est maintenant inversée: ce sont eux qui, avec les grands managers, profitent de ces programmes. Les programmes de sauvetage d'hier sont de fait les bénéfices d'aujourd'hui et de demain.»

Pour la création d'une commission d'enquête
L'économiste a également soulevé le problème de l'absence d'indépendance des autorités fédérales, empêchant de prendre des mesures efficaces pour contrer les risques. Il donne comme exemple le fait que la commission d'experts «too big to fail - trop grandes pour faire faillite», est composée pour moitié de représentants du secteur financier et des multinationales. Face à cette dépendance des autorités, l'USS soutient la création d'une Commission d'enquête parlementaire (CEP) qui devrait permettre de créer les bases pour une véritable indépendance. Cela en faisant d'abord toute la lumière sur les événements et les abus ayant causé la crise et sur les interventions réalisées dans le cadre du droit d'urgence, a précisé le président de l'USS Paul Rechsteiner. Si ce dernier considère que le refus de la décharge aux ex-dirigeants de l'UBS pour 2007 est un petit pas en avant, il estime toutefois que l'«on ne peut de toute façon pas s'en remettre aux organes de la banque pour répondre aux questions décisives», d'où l'importance de la commission d'enquête.

Fonds propres et interdiction des dérivés
Le soutien à la CEP est la première des quatre revendications présentées par l'USS jeudi passé. La seconde est l'exigence de nouvelles mesures visant à limiter les risques des grandes banques, notamment par de nouvelles prescriptions sur les fonds propres. Mais ces mesures ne suffiront pas, a indiqué Paul Rechsteiner, qui demande la disparition au plan légal «des pratiques qui ont presque détruit le système financier. Il s'agit d'interdire tous les dérivés qui sont devenus des "armes financières de destruction massive" (Warren Buffet).» L'USS demande encore que, dans la perspective du long terme et de la durabilité, la place financière ne mise plus sur la fraude fiscale et les capitaux dissimulés.

Taxer les bonus
En troisième lieu, l'USS demande que des mesures soient prises à l'encontre des salaires excessifs des grands groupes et des grandes banques. Paul Rechsteiner a lui aussi dénoncé les profits ayant généré de tels salaires en 2009, cela grâce uniquement aux «énormes interventions de sauvetage menées par l'Etat». «Il est donc d'autant plus grave de voir les directions des grandes banques - indépendamment des pertes subies - se remplir à nouveau les poches comme jamais auparavant», a-t-il lancé en ajoutant qu'une action contre ces excès n'est pas uniquement dans l'intérêt de la démocratie et de l'économie, mais également dans celui de la grande majorité des salariés du secteur financier qui sont les victimes de ces pratiques. L'USS exige d'abord des mesures fiscales pour «récupérer ces superprofits non mérités», et demande le retour à des salaires fixes modérés pour supprimer le risque systémique de managers mus uniquement par les bonus qu'ils pourront empocher.

Partenariat social dans les banques
La quatrième revendication de l'USS est la participation des employés du secteur bancaire et financier et de leurs représentants à la réflexion stratégique. L'USS exige en particulier le renforcement du partenariat social dans ce secteur et le respect de la convention collective de travail. Denise Chervet, secrétaire centrale de l'Association suisse des employés de banque, a rappelé que seules 43 banques sur les 320 de Suisse sont soumises à la convention collective du personnel bancaire et que la moitié du personnel bancaire en bénéficie, ce qui est notablement insuffisant. Elle rappelle qu'en Allemagne, en France et dans les pays nordiques où existe un fort partenariat social, les bonus ont été moins élevés qu'en Grande-Bretagne ou aux USA où les syndicats sont absents des banques. «Le dialogue social couplé avec une saine réglementation légale permet donc une meilleure maîtrise des risques pour le bien de tous les acteurs salariés, clients, banque et société», a souligné la syndicaliste.
Le président de l'USS a encore mis en garde sur le fait que les décisions à prendre, qui sont d'abord politiques, ont une portée qui dépasse largement le secteur financier. Et que les non-décisions, qui sont aussi des décisions, permettront «de laisser ceux qui ont presque conduit le système financier à sa ruine décider de l'évolution future». 


Sylviane Herranz