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«Les salaires réels ont baissé!»

Les chiffres de l’Enquête suisse sur la structure des salaires provoquent la discorde entre syndicats et patrons. Pour l’Union syndicale suisse, un rattrapage salarial est plus qu’urgent

Le 19 mars dernier, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a présenté lors d’une conférence de presse sa dernière Enquête suisse sur la structure des salaires, rendant compte des données de 2022. Des représentants syndicaux et patronaux étaient également présents.
Dans les grandes lignes, l’OFS s’est montré plutôt satisfait, notamment d’un salaire médian pour un poste à 100% qui s’élève à 6788 francs contre 6665 francs deux ans plus tôt, en 2020. «La pyramide générale des salaires est restée relativement stable entre 2008 et 2022», constate l’OFS, qui précise que les 10% des salariés les moins bien rémunérés ont gagné moins de 4487 francs par mois, alors que les 10% les mieux payés ont gagné plus de 12178 francs. Là aussi, l’écart entre les salaires les plus bas et les plus hauts est stable.
Globalement, dit l’OFS, les salaires ont augmenté à tous les niveaux, mais la hausse la plus forte se note surtout chez les bas et les hauts revenus.
Par ailleurs, entre 2020 et 2022, on remarque peu d’évolution au niveau des disparités régionales et selon le secteur d’activité. Zurich a toujours la palme de la rémunération la plus élevée et le Tessin est toujours à la traîne. Les branches qui paient le plus sont l’industrie du tabac (13299 francs par mois), le secteur banquier (10491 francs), l’industrie pharmaceutique (10296 francs) et l’informatique (9412 francs). En bas de la pyramide, on retrouve le commerce de détail (5095 francs), la restauration (4601 francs), l’hôtellerie (4572 francs) et les services à la personne.

Divergences d’appréciation

Si les patrons se réjouissent d’une situation «extrêmement stable», l’Union syndicale suisse (USS) ne fait pas la même lecture des chiffres de l’enquête. Car, si le salaire médian a bien augmenté, les salaires réels ont, quant à eux, baissé de 0,8% en deux ans à cause du renchérissement, ce qui inquiète les syndicats. «Dans le passé, les salaires réels augmentaient au même rythme que la productivité du travail, soit d’environ 1% par an, remarque la faîtière dans un communiqué. Ce n’est hélas plus le cas. Le renchérissement n’est même plus compensé depuis la fin de l’année 2021, alors que jusque-là un tel mécanisme allait de soi dans le partenariat social suisse. Et comme les primes d’assurance maladie sont en forte hausse, une part croissante des ménages n’arrive plus à joindre les deux bouts.»

L’USS prend le cas de l’industrie chimique, des équipements électriques et des métaux où les salaires réels ont chuté de plus de 2% entre 2018 et 2022, ou encore les salaires moyens du personnel des services postaux et de courrier. «En 2022, ils étaient plus bas en valeur nominale qu’en 2010.» «L’érosion des conditions de travail dans la branche est effrayante, et une bonne convention collective de travail serait plus que jamais nécessaire.» 

Pour l’USS, la pandémie de Covid ne peut pas tout excuser, et un rattrapage salarial s’impose lors des prochaines négociations. 

Moins d’inégalités salariales

Ce sur quoi tout le monde est d’accord et se réjouit, c’est la réduction de l’écart des salaires entre hommes et femmes. On ne peut pas encore parler d’égalité, certes, mais la différence calculée sur les salaires médians était de 9,5% en 2022 contre 10,8% en 2020 et 11,5% en 2018. Pour ce qui concerne le salaire moyen, cette différence s’élève toujours à 18%. 

Les chiffres de l’OFS montrent toutefois que les femmes sont toujours celles qui occupent le plus souvent les emplois les plus précaires: en effet, plus de 62% des postes dont le salaire mensuel brut est inférieur à 4500 francs sont occupés par des femmes. De même, si elles sont de plus en plus à gagner plus de 16000 francs brut par mois, elles ne représentent que le quart de ces emplois très bien payés.

L’USS salue les efforts visant à améliorer les salaires des femmes dans les entreprises et les CCT, et pour aller plus loin, appelle à une vraie «revalorisation des métiers dits féminins», notamment à travers des CCT prévoyant de bons salaires minimums.

5000 francs, c’est un minimum!

Entre 2020 et 2022, la proportion d’emplois à bas salaires n’a pas bougé. «Certaines personnes diront que c’est positif, réagit l’USS. En réalité, la Suisse devrait se fixer des objectifs plus ambitieux. Mais ces dernières années, les employeurs ont, hélas, fait la sourde oreille à toute proposition d’amélioration dans ce sens. Il n’y a donc eu ni augmentation salariale ciblée, ni nouvelle CCT de grande envergure prévoyant de bons salaires minimums.» Voilà pourquoi, d’après les syndicats, les électeurs optent toujours plus pour des salaires minimums cantonaux. 

Ce qui les inquiètent vraiment, c’est que près d’une personne sur trois touchant un bas salaire a mené à bien un apprentissage. «C’est un vrai problème de société, car on voit que dans bien des cas, l’apprentissage ne suffit plus pour vivre. Dans les années à venir, la Suisse devra donc bien réfléchir à la manière dont elle entend assurer l’avenir de cette formation. D’un point de vue syndical, un salaire mensuel de 5000 francs à l’issue d’un apprentissage constitue un minimum.» Ce sera l’une des revendications de la manifestation nationale pour les salaires qui aura lieu le 21 septembre à Berne. 

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