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La militance chevillée au corps

Portrait de Tiago Branquino.
© Olivier Vogelsang

Tiago Branquino rêve de la fin du capitalisme et du productivisme au profit d’un travail utile à la collectivité et d’un mode de vie à taille humaine.

Plusieurs événements se dérouleront le 27 octobre dans le cadre de la Grève pour l’avenir. Actif dans l’organisation de la rencontre, Tiago Branquino s’engage encore sur de nombreux autres fronts

Le flegme caractéristique de la personnalité de Tiago Branquino contraste avec la multiplicité de ses activités. Professionnelles et militantes. Politiques et culturelles. Et très souvent imbriquées. Eclairagiste indépendant, le jeune homme de 32 ans se charge également du secrétariat de Décroissance Alternatives à Vevey, une formation politique qu’il a rejointe naturellement, marchant dans les pas de sa mère active dans la structure qui l’a précédée. «J’ai un peu baigné dans cette atmosphère. Et rapidement pris conscience des injustices et des rapports de classe», indique Tiago Branquino. Le trentenaire s’occupe aussi de l’administration, de la coordination et de la production des Trois petits points, dont il est l’un des fondateurs. Cette association regroupe une septantaine d’artistes romands et français issus du théâtre et du cinéma, en particulier du court métrage. Parallèlement, il s’implique sans compter dans la coordination de la Grève pour l’avenir. L’an dernier, il a par ailleurs été élu à la coprésidence de la faîtière des compagnies vaudoises où il s’engage activement pour l’amélioration des conditions de travail des artistes et des personnes gravitant dans le domaine… «Je me sens à ma place au service d’une cause, d’un collectif», se justifie presque cet hyperactif posé, prenant le temps des réponses. Un calme qu’il attribue à sa capacité de concentration et au fait qu’il n’a pas non plus fait de sa vie privée une priorité. Et puis, le Veveysan, Portugais de par son père, confie son intérêt pour l’éclectisme. Cette polyvalence, il y a déjà goûté en marge de ses études de mathématiques à l’EPFL qu’il n’a pas terminées.

Dialogue pluriel

«J’ai abandonné après trois ans et demi. Je ne me suis pas vraiment retrouvé dans ce milieu académique élitiste. Et j’ai frôlé le burn-out», raconte celui qui bossait à 60% à côté de son cursus. «Je travaillais comme aide-infirmier – j’ai effectué mon service civil en psychiatrie. Je donnais aussi des cours de maths privés. Et je me suis par ailleurs parallèlement formé au métier d’éclairagiste au Rocking Chair, une salle de concerts veveysane.» L’homme aura aussi effectué par la suite, entre autres, nombre de remplacements dans les écoles du secondaire. La multiplicité des expériences de Tiago Branquino, son ouverture, facilite le dialogue avec des personnes de milieux divers. Dans ce même esprit rassembleur de la Grève pour l’avenir. «Même au travers de mes amitiés, je me suis frotté à différentes réalités. J’ai côtoyé des travailleuses et des travailleurs de plusieurs corps de métiers. La Grève pour l’avenir se base sur les points de convergence, tend à jeter des ponts», ajoute l’activiste, citant à titre d’exemple les synergies avec les syndicats sur les questions de bien-être, de santé au travail et de qualité de vie, sur la nécessité de ralentir les rythmes de production, de mettre un frein à la surconsommation. «Le prochain rendez-vous du 27 octobre à Lausanne réunira des représentants d’associations différentes – Public Eye, 43m2, XR, des organisations de travailleurs, dont Unia, de maisons de quartier… Nous misons sur un brassage des publics, désireux d’éviter l’entre-soi», ajoute Tiago Branquino, très investi dans cette tâche.

Bonheur utopique

«Sans enfants, vivant en colocation avec sept autres personnes, je mène une vie qui me permet de m’engager. C’est un privilège de pouvoir consacrer du temps et de l’énergie aux valeurs défendues.» Les siennes portent sur la lutte contre l’exploitation des ressources et des êtres humains au nom du profit. S’il ne nourrit pas d’espoir aveugle quant au futur, il estime qu’il faut au moins essayer d’améliorer les choses. «J’ai de la chance comparé à nombre de jeunes. Je m’accommode de l’idée de la fin de l’humanité. Je crois à une amplification des catastrophes, à l’effondrement, mais je refuse d’être résilient pour autant. Notre seul moyen de défense passe par une organisation en collectivité pour éviter la violence, la barbarie, le fascisme.» Rien ne fait d’ailleurs plus peur au militant que cette dernière menace. Partisan d’une écologie radicale, Tiago Branquino se bat contre la mobilité individuelle, «sauf si des raisons professionnelles la justifient». Cet activiste, revendiquant une non-binarité de genre, trouve auprès des personnes qui l’entourent, «d’une grande bienveillance», l’énergie à son engagement. Sa vision du bonheur reste à ce jour une utopie, puisqu’elle mise sur «la fin du capitalisme et du productivisme au profit d’un travail utile à la communauté et d’un mode de vie à taille humaine». Le mélomane et cinéphile n’en est pas moins heureux, «dans une grande mesure», se ressourçant dans les concerts, les spectacles, les films et le choix d’activités qui font du sens. Même si, indique le Vaudois, la culture reste un domaine particulièrement précaire.

Fan d’impro

Ses loisirs, Tiago Branquino les consacre aussi à faire du rap, à écrire des nouvelles et des poèmes et à l’improvisation théâtrale. Une dernière démarche qu’il conseille à tous. «On développe une capacité spontanée de s’exprimer en public, de rebondir sur des idées extérieures», s’enthousiasme le comédien amateur qui, questionné sur un talent rêvé, lorgne sur un terrain plus technique. «J’aurais aimé disposer de davantage de connaissances informatiques, bénéficier de plus d’outils pour mieux comprendre et maîtriser le domaine. L’intelligence artificielle constitue un véritable enjeu de société. Les Etats sont très en retard en matière de législation sur le sujet», dénonce celui qui a été biberonné aux jeux vidéo. Quant à son maître-mot, Tiago Branquino prend le temps de la réflexion, hésitant entre «plusieurs mantras». «Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes», finit par répondre le militant, rattrapé par son engagement politique et ses convictions profondes, comme autant de balises sur son parcours...