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La force tranquille

«Je suis fille d'officier de police, mon père m'a appris à être courageuse, honnête et, surtout, à connaître mes droits et mes devoirs», déclare Suzanne Zaslawski, qui se bat notamment en faveur de l’égalité salariale.
© Thierry Porchet

«Je suis fille d'officier de police, mon père m'a appris à être courageuse, honnête et, surtout, à connaître mes droits et mes devoirs», déclare Suzanne Zaslawski, qui se bat notamment en faveur de l’égalité salariale.

Opératrice en horlogerie, militante d’Unia et femme de conviction, Suzanne Zaslawski est candidate à l’exécutif de la Ville du Locle

En arrivant au Locle, en sortant de la gare, on ne peut pas rater cette grande affiche du Parti ouvrier populaire (POP) accrochée devant le Remontoir, l’ascenseur incliné reliant le centre-ville. Elle présente les candidats et les candidates du parti de gauche aux élections communales du 21 avril. Suzanne Zaslawski est l’une d’entre elles. 

Cette opératrice en horlogerie et militante d’Unia est née et a grandi au Cameroun. Après une formation de secrétaire comptable, elle travaille dans une banque de développement. C’est là qu’elle rencontre un Suisse qui va devenir son époux. En 2007, le couple s’envole vers notre pays et pose ses valises dans le canton de Neuchâtel. La jeune femme entame alors une nouvelle formation – en horlogerie –, en suivant des cours du soir tout en travaillant en journée dans les services hôteliers d’une maison de retraite. Après l’obtention de son diplôme, elle doit patienter quelques années avant de décrocher un emploi, l’horlogerie suisse connaissant alors un creux.

Elle est finalement engagée par une société de La Chaux-de-Fonds évoluant au sein d’un grand groupe et spécialisée dans les aiguilles, les appliques de cadran et les glaces de montre. Dix ans plus tard, elle y est toujours. «Je n’aime pas trop changer, je suis une personne fidèle», sourit-elle. L’ouvrière est employée au «visitage», soit au contrôle qualité des aiguilles passées à la «galvano», où elles ont été recouvertes d’une fine couche de métal. Elle inspecte 2000 pièces à la loupe tous les jours. Autant dire qu’un tel poste exige de la concentration. 

«Je dis ce que je pense»

L’horlogerie, on le sait, accuse du retard dans la marche vers l’égalité. Les différences salariales entre femmes et hommes se montent dans la branche à près de 25%, contre 18% en moyenne, selon l’Office fédéral de la statistique. Les horlogères ont donc de bonnes raisons de se mobiliser avec la Grève féministe. Dans la Métropole horlogère, le 14 juin 2023 a été marqué par le rassemblement de 150 ouvrières à l’appel d’Unia. Il a fallu un certain courage à ces horlogères pour enfiler ce jour-là le T-shirt rose du syndicat. Elles ont été entraînées par un groupe de travail d’une trentaine de salariées employées dans trois sociétés qui ont élaboré un cahier de revendications abordant l’égalité salariale, le mobbing, les horaires et le temps de travail. Les salariées demandant notamment que les analyses sur l’égalité salariale soient présentées de manière transparente au personnel. Ces revendications ont été transmises aux directions des entreprises. Suzanne Zaslawski était en première ligne.

«Certains pensent que je prends des risques, mais moi, je n’ai pas cette impression. J’ai grandi dans des conditions un peu difficiles, mais je pouvais m’exprimer. Je suis fille d'officier de police, mon père m'a appris à être courageuse, honnête et, surtout, à connaître mes droits et mes devoirs. J’ai commencé à défendre les salariés au Cameroun. Je discutais avec la direction de la banque dans laquelle je travaillais en disant que ceci ou cela n’était pas normal et on mettait tout ça en ordre. En Suisse, les gens ont des droits, mais ils ne le savent pas forcément. Je dis ce que je pense à la direction, j’ai des idées bien arrêtées, mais je le dis avec respect, et, même si on ne s’entend pas, il y a tout de même un échange», explique celle qui participe au comité industrie d’Unia Neuchâtel et à la conférence professionnelle de l’horlogerie et de la microtechnique du syndicat. «J’ai une collègue qui me dit souvent que je suis une force de la nature.» Une force tranquille et avenante.

«Quand j’ai une conviction, je dois la porter»

«C’est quelque chose qui est en moi, quand j’ai une conviction, je dois la porter, mon adhésion au POP était, dès lors, logique. Pour moi, le POP et Unia partagent les mêmes valeurs, c’est le même combat.» Aux dernières élections communales, la popiste a été élue au Conseil général, le législatif du Locle-Les Brenets. Elle est secrétaire du bureau, ce qui ouvre la possibilité, si elle est réélue, d’accéder dans quelques années au perchoir.

La Locloise bat en brèche les clichés que traîne la Mère Commune: «Le Locle n’est pas un trou!… s’amuse-t-elle. Nous avons ici une qualité de vie; les enfants ont la chance de pouvoir grandir loin des nuisances des grandes agglomérations; nous disposons d’une richesse culturelle si l’on pense, par exemple, au Musée des Beaux-Arts ou à celui de l’horlogerie. Avec les fresques monumentales de l’Exomusée, nous avons créé un musée à ciel ouvert dédié à l’art urbain.»

Et puis, tout proche, il y a ces pâturages et ces forêts. «J’apprécie les randonnées, on se fait du bien dans la nature. J’aime beaucoup lire aussi, c’est en lisant qu’on apprend. Je prépare ainsi mes interventions au Conseil général. Je suis aussi active dans les associations africaines, histoire de ne pas oublier d’où je viens.»

«L’humain est prioritaire»

En plus du législatif, Suzanne Zaslawski est lancée par le POP au Conseil communal, dont son parti occupe deux des cinq sièges. Si elle est élue à l’exécutif, cette membre de l’Association de développement du Locle veut travailler à l’extension des zones mixtes réduisant les déplacements entre les résidences et les lieux de travail, mener des politiques en faveur de la jeunesse, des aînés et des personnes précarisées.

«Nous bénéficions au Locle d’allocations pour les personnes âgées et nous nous battons face à la droite pour les conserver. La 13e rente va mettre un peu de beurre dans les épinards», se réjouit-elle. Le 3 mars, pour le résultat des votations, elle est descendue à Neuchâtel au stamm d’Unia. «Il fallait que j’aille fêter ça, j’avais fait des stands, suivi une formation avec Pierre-Yves Maillard et parlé à beaucoup de gens.»

«Pour moi l’humain est prioritaire, les droits humains sont prioritaires, il faut les défendre à tout prix!»