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«Je suis soulagée»

La travailleuse derrière une pancarte Unia "Du respect".
© Olivier Vogelsang

«C’est une première avancée» affirme la serveuse licenciée. Unia espère que cet exemple encouragera d’autres femmes à lutter.

Soutenue par Unia, une mère obtient une indemnité d’un mois de salaire pour licenciement discriminatoire. Une victoire d’étape rare. Témoignage

«Ce verdict a embelli ma journée.» A la suite d’une bataille entamée il y a bientôt deux ans, Aleksandra Jovic a accueilli avec soulagement la décision du Tribunal des prud’hommes de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois tombée le 5 juin dernier. Celui-ci condamne son employeur actif dans la restauration à la dédommager d’une indemnité d’un mois de salaire pour licenciement discriminatoire. L’homme devra aussi lui verser plusieurs milliers de francs résultant de calculs erronés sur ses rémunérations. «C’est une première avancée», ajoute la serveuse et mère célibataire de bientôt 31 ans, tout en restant prudente. Pas sûr que son ancien patron ne fasse en effet appel de ce jugement. Unia attend de son côté de connaître les motivations de la justice, le montant des arriérés de salaire en faveur de la plaignante étant inférieur à celui réclamé. Le syndicat apprécie néanmoins à sa juste valeur cette victoire d’étape. «C’est rare», note Marie Maillefer, juriste à Unia, soulignant le courage et la détermination de la travailleuse. «Je l’ai aussi fait pour mon fils et pour inciter toutes les femmes à se faire respecter et au besoin à lutter.» Un combat qui aura connu nombre d’épisodes et de rebondissements.

Analyse des risques légale

Les démêlés entre Aleksandra Jovic et son employeur commencent à l’annonce de sa grossesse, début 2021. La jeune femme, employée depuis deux ans dans l’établissement vaudois, demande, à la suite de conseils de son gynécologue, une analyse des risques sur son lieu de travail. «J’avais constaté des problèmes d’eau, de câbles électriques, de graisse dans les escaliers, de hotte de ventilation en panne», raconte l’ex-serveuse, ajoutant qu’elle refusera par ailleurs de soulever un sac de pommes de terre de 30 kilos en raison de son état. La requête de la future mère, précise Tamara Knezevic, secrétaire syndicale Unia en charge du dossier, est parfaitement légale et le patron tenu de la satisfaire. Dans l’intervalle, le gynécologue met Aleksandra Jovic en arrêt maladie un mois, le temps que les dangers soient évalués. Une interruption susceptible au besoin d’être prolongée de quatre semaines supplémentaires soit jusqu’à fin avril 2021, dans l’attente que le restaurateur réagisse. Ce dernier se borne alors à procéder à une auto-évaluation des risques, conclut qu’il n’y en a pas et ne paie pas le mois d’avril à son employée.

Deux licenciements annulés

Deux semaines après son accouchement au début septembre, une audience de conciliation n’aboutit pas. La situation s’envenime. Unia intervient. Aleksandra Jovic se trouve toujours en congé maternité lorsque l’employeur la vire pour le 15 décembre 2021. «Un licenciement juridiquement nul», indique Tamara Knezevic, qui le fait annuler. Comme elle le fera pour le second licenciement prononcé, cette fois-ci pour le 15 janvier 2022, celui-ci intervenant alors que la serveuse est toujours en incapacité de travail, en grande détresse psychologique et émotionnelle. A noter que ce diagnostic est mis en doute par son patron. Il réclame alors l’expertise d’un médecin indépendant qui le validera. La troisième fois, l’entrepreneur atteint son but, congédiant Aleksandra Jovic pour la fin avril 2022. Il se défendra toutefois de s’être séparée de la travailleuse en raison de sa grossesse, évoquant une restructuration, et cela quand bien même il aura engagé une nouvelle personne pour la remplacer.

Sexisme récurrent dans la branche

En mettant son nez dans cette affaire, Unia découvre plusieurs irrégularités. Se pose notamment la question de l’APG, existante finalement, mais aussi de milliers de francs soustraits aux rémunérations dues à Aleksandra Jovic. «Je ne m’en étais pas rendu compte. Il manquait des petites sommes qui se sont additionnées», s’indigne Aleksandra Jovic, d’autant plus choquée qu’elle s’était donnée sans compter dans son travail. «L’employeur, précise Tamara Knezevic, reconnaîtra d’ailleurs durant l’audience les responsabilités assumées par sa collaboratrice. Et évoquera des calculs erronés dus à des méconnaissances comptables.»

Au-delà de ce cas, la secrétaire syndicale dénonce le sexisme dans la branche et l’absence de dispositif, en dépit de statistiques accablantes, pour le combattre. Elle rappelle encore que le secteur compte une majorité de femmes, mal payées et dans des situations souvent précaires. Et insiste sur la nécessité de renforcer la loi sachant «qu’une personne sur sept perd son emploi à cause de sa maternité». En conclusion, la représentante d’Unia espère que l’exemple donné par Aleksandra Jovic encouragera d’autres femmes à lutter. «La bataille a été longue, mais elle en a valu la peine.» Un commentaire partagé par la maman notant encore qu’elle n’a réclamé que ce qu’on lui devait.

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