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En route vers la mobilisation

Du 9 au 11 novembre les travailleurs de la construction mèneront des actions un peu partout en Suisse

La semaine prochaine, les maçons de toute la Suisse se mobiliseront sur les chantiers et dans la rue. La Société suisse des entrepreneurs refuse toujours de négocier des améliorations de leur Convention nationale, arrivant à échéance à la fin de l'année, en particulier pour régler la question des intempéries et renforcer la lutte contre le dumping. Ils lutteront aussi pour défendre leur retraite à 60 ans, attaquée par les entrepreneurs. Le point sur la situation en Valais, et à Genève où Implenia a été pris à partie.

«L'heure est grave. Dans 2 mois, il n'y aura plus de Convention nationale. Dans 2 mois, tous les acquis, les 5 semaines de vacances, les salaires minimums et tout le reste n'existeront plus. En Valais, beaucoup de travailleurs de la construction sont licenciés en hiver pour être réengagés ensuite. Si la convention n'est pas renouvelée, les patrons pourront embaucher aux conditions qu'ils veulent l'année prochaine!» Jeanny Morard, secrétaire régional d'Unia Valais, a dit sa vive inquiétude mercredi dernier à la trentaine de maçons du Bas-Valais réunis à St-Maurice, par Unia et les Syndicats chrétiens (SCIV), face au refus de la Société suisse des entrepreneurs d'entamer des négociations pour améliorer la Convention nationale de la construction (CN).
S'ils n'étaient qu'une trentaine, les maçons présents étaient déterminés à se battre pour défendre leurs acquis, en particulier la retraite à 60 ans, et pour trouver une solution à la question des intempéries et du dumping. Après avoir entendu Jeanny Morard d'Unia et Bernard Tissières des SCIV, ils ont adopté une résolution rappelant leurs revendications et enjoignant la SSE à «se mettre immédiatement autour de la table pour négocier un paquet global». Une résolution soumise aux autres maçons valaisans lors de rassemblements prévus ailleurs dans le canton, notamment à Sion ce mercredi 4 novembre* et à Brigue dans le Haut Valais.
«Normalement, la CN était négociée avant fin septembre», a souligné Jeanny Morard en rappelant que la SSE refuse de négocier sous un prétexte fallacieux - la mise en place par Unia à Zurich d'un système visant à mieux combattre la sous-enchère salariale. «La SSE cherche plutôt à gagner du temps pour empêcher, en cas de renouvellement tel quel de la convention comme elle le propose, que les maçons prennent des mesures de lutte pour défendre leur retraite à 60 ans», analyse-t-il en évoquant la grève. «La SSE doit cesser de tergiverser. Elle n'a pas le droit de jouer avec les nerfs des travailleurs qui ont besoin d'une protection», a lancé Bernard Tissières des SCIV.
Jeanny Morard a rappelé la situation particulière des retraites en Valais, où les maçons disposent d'un système propre avec la caisse Retabat. «En 2014, nous avons dû prendre des mesures d'assainissement de notre retraite anticipée, avec une hausse des cotisations et 6 mois de travail en plus. Mais ces mesures sont temporaires. En 2019, nous devrons revenir au niveau de la FAR (Fondation pour la retraite anticipée). C'est pour cela que nous devons être solidaires avec nos collègues en Suisse allemande et tous ceux affiliés à la FAR, car si les prestations de cette dernière baissent, les vôtres baisseront aussi», a lancé le syndicaliste.
Unia et les SCIV ont invité les maçons à participer, avec leurs collègues, à la manifestation du 11 novembre à Neuchâtel. «Si on ne bouge pas maintenant, après ce sera trop tard», témoigne Domenico Cutruzzolà, machiniste de chantier, un peu déçu de la faible participation. Si ses propres conditions de travail restent bonnes, il les voit se dégrader tout autour de lui. «Il ne faut jamais s'éloigner du social, surtout avec les élections de l'autre jour. Nous allons devoir nous battre!»

Sylviane Herranz

* Sion: rassemblement pour la Convention, mercredi 4 novembre à 18h à la salle du Grand Conseil.


L'inquiétude des chômeurs hivernaux du bâtiment

Mario* témoigne de la situation de ces très nombreux maçons disposant d'un contrat à durée déterminée, arrivant à échéance avant l'hiver pour être réengagés après la mauvaise saison. Leur nombre est estimé par Unia à 1500 sur les quelque 7000 salariés de la construction en Valais. «Ça fait 15 ans que je travaille pour la même société avec des contrats à durée déterminée. Mon contrat se termine fin octobre. D'habitude, on finissait un peu plus tard. Après, on va au chômage, et on est réengagé en février ou selon les besoins du patron. Jusque-là, on me reprenait aux mêmes conditions qu'avant, mais s'il n'y a pas de convention en 2016, je ne sais pas s'ils vont me faire le même tarif, me donner les mêmes vacances, le 13e et les autres choses. Oui, je suis un peu inquiet.»
L'ouvrier pense que les patrons profitent de plus en plus de ce système. Un avis partagé par José *, chef d'équipe, en contrat à durée déterminée depuis 4 ans. «Les patrons commencent à s'habituer à cette manière de faire. C'est plus facile pour eux d'envoyer les gens au chômage. Ça les dispense de leurs responsabilités l'hiver, quand il y a moins de travail.» José ne sait pas quand il reprendra. En janvier, en mars, en avril? «On nous appelle le vendredi, et le lundi on doit être là!»
Pour l'heure, il est sûr d'une chose: il profitera de ce chômage imposé pour participer à toutes les manifestations des maçons. «J'ai été à Zurich en juin, j'irai à Neuchâtel le 11 novembre. Bien sûr, on a peur qu'ils nous enlèvent la retraite anticipée. Car c'est une bonne chose. Le travail dans le bâtiment est dur. Il arrive un moment où on manque de force pour continuer.»

SH

*Prénoms d'emprunt


Le numéro un de la construction ne montre pas l'exemple

Implenia emploie massivement des temporaires en n'hésitant pas à licencier des ouvriers proches de la retraite, dénoncent les syndicats genevois

Entreprise numéro un du secteur de la construction et membre influent de la Société suisse des entrepreneurs (SSE), Implenia recourt massivement dans le canton de Genève à de la main-d'œuvre temporaire tout en n'hésitant pas à licencier des ouvriers proches de la retraite, dénoncent Unia, le SIT et Syna. Pour porter l'accusation, les syndicats se sont entourés de travailleurs et ont convié la semaine dernière les médias au cœur de Genève, devant le chantier de Crédit Suisse conduit par Implenia à la place Bel-Air.
Des 28 salariés employés sur le site, 15 sont des temporaires, soit plus de la moitié de l'effectif. Et il ne s'agit pas d'intérimaires engagés pour des missions de quelques semaines, la plupart sont sous contrat depuis six mois. «Implenia est emblématique, mais n'est pas un cas isolé: toutes les boîtes embauchent des temporaires. Il s'agit de les tester, sinon de les mettre en concurrence avec les fixes. Et dès qu'arrive la mauvaise saison, ils sont licenciés, ils doivent alors attendre le printemps pour espérer être réengagés. Le risque économique est ainsi reporté sur la collectivité publique», explique Thierry Horner, secrétaire syndical du SIT. «On ne peut pas construire notre vie et faire des projets», témoigne Anibal. Ce jeune maçon multiplie depuis huit ans les missions temporaires, notamment au service d'Implenia.
Second grief, le licenciement économique de travailleurs proches de la retraite. Les syndicats genevois assurent que plusieurs travailleurs âgés entre 50 et 55 ans ont été congédiés ces dernières années pour raison économique. «J'ai été licencié par Implenia il y a trois ans à l'âge de 50 ans après vingt ans de boîte. Depuis, malgré mes trente ans d'expérience du métier, je n'ai pas retrouvé de place fixe et je risque maintenant de perdre le droit à la retraite anticipée. Je croise tous les jours des gens dans le même cas», raconte Mustafa. Ironie du sort, ce chef d'équipe s'est retrouvé au mois d'août dernier à travailler durant trois semaines comme intérimaire sur un chantier de son ancien employeur.

Prix cassés
Dernier problème évoqué par les syndicats, celui de la sous-traitance. Présent à la conférence de presse, un jeune ouvrier employé comme ferrailleur sur le chantier du Ceva a touché en tout et pour tout 5600 francs pour cinq mois de travail, au lieu des quelque 30000 francs promis par la société qui l'a embauché et qui s'est déclarée depuis en faillite. «Dix autres collègues se retrouvent dans cette situation. Ils ont travaillé sous les ordres d'Implenia, mais l'entreprise s'en lave les mains», indique Thierry Horner. «On est confronté tous les jours à ce système quasi mafieux profitant aux grandes entreprises. Pour poser la ferraille, une entreprise générale prend un sous-traitant à 315 francs la tonne, alors que son prix était de 600 francs il y a quelques années encore. Après avoir empoché l'argent, le sous-traitant ne paye aucune facture et se met en faillite. La responsabilité solidaire est très difficile à faire appliquer. Il faut d'abord attaquer la société, qui est souvent en faillite ou domiciliée à l'étranger, avant de pouvoir se retourner contre l'entreprise générale», souligne le responsable du gros œuvre du SIT. Relevons qu'outre la faillite, le sous-traitant a une autre possibilité de tricher en ne déclarant et payant les salariés qu'à temps partiel, tout en les employant en réalité à temps complet.
Sollicitée par L'Evénement syndical, Implenia n'a pas donné d'explications sur ces collaborateurs licenciés à quelques encablures de la retraite anticipée. Le service de presse de la société, par contre, confirme les chiffres avancés par les syndicats au sujet du chantier de Crédit Suisse à Bel-Air. «Des travailleurs intérimaires sont utilisés sur les chantiers pour absorber les surcharges de travail. Nous respectons l'ensemble des prescriptions légales à cet égard», déclare un porte-parole de l'entreprise. En ce qui concerne la sous-traitance abusive sur le chantier du Ceva, Implenia ne se sent pas responsable et assure avoir «pris toutes les mesures nécessaires afin que le sous-traitant soit en parfaite conformité avec les réglementations de sécurité et les prescriptions de police des étrangers, ainsi qu'avec les affiliations et les paiements de toutes les charges sociales liées à son activité». «Rien n'indiquait que cette entreprise avait des problèmes financiers», ajoute le chargé de communication, qui s'abstient de confirmer ce prix de 315 francs la tonne de ferraille.

Se mobiliser à la hauteur de l'enjeu
Emploi massif de temporaires, licenciements économiques de travailleurs âgés et sous-traitance abusive: pour les syndicats, ces dérives du numéro un du bâtiment en Suisse montrent que la Convention nationale du secteur principal de la construction ne protège plus efficacement les ouvriers. «Notre menace de grève du 11 novembre a déjà produit un effet: les employeurs se disent maintenant prêts à nous rencontrer, mais ils attendent de voir l'impact des mobilisations. On est clairement dans un rapport de force», relève Yves Mugny, responsable du secteur construction d'Unia Genève. «On appelle donc les maçons à se mobiliser massivement, à la hauteur de l'enjeu.»

Jérôme Béguin

 

Les rendez-vous du 11 novembre
Unia appelle tous ses membres à se solidariser avec le combat des maçons. Voici les rendez-vous prévus en Suisse romande le mercredi 11 novembre.

Delémont: 9h: rassemblement des travailleurs à la Halle des Expositions. 10h30: départ du cortège en ville. 11h30: manifestation à la gare. 12h30-13h: retour à la Halle pour un repas offert à tous les participants.

Genève: grève générale des maçons. 7h30, rassemblement à la place des 22 Cantons (côté Necker). 9h: départ du cortège. Parcours: rue Chantepoulet, pont du Mont-Blanc, rue du Rhône, rue Robert-Céard, rue de la Croix-d'Or, rue du Marché, rue de la Confédération, rue de la Corraterie, place Neuve, bvd du Théâtre, rue Bovy-Lysberg, place du Cirque, avenue du Mail, puis plaine de Plainpalais.

Neuchâtel: journée cantonale d'actions et de débrayage dès le début du travail. 13h30: manifestation au départ à la Case à Chocs, quai Philippe-Godet 20 à Neuchâtel, en direction du centre-ville. Des maçons d'autres cantons romands seront présents.