Nouvel instrument de mesure de l'égalité salariale chez Tornos
L'entreprise de Moutier teste ce système en collaboration avec le personnel et Unia.
Depuis plus de dix ans, la loi sur l'égalité interdit les discriminations salariales fondées sur le sexe. Pourtant les inégalités persistent et se sont même légèrement creusées encore davantage l'année dernière. Les statistiques officielles font actuellement état d'un écart de salaire allant de 18 à 22%. On est loin, très loin, du principe inscrit dans la Constitution en 1981 qui exige «un salaire égal pour un travail de valeur égale».
Un logiciel fiable
Pour contribuer à corriger cette situation, la Confédération et les partenaires sociaux ont lancé en mars de l'année dernière un projet baptisé «Dialogue sur l'égalité des salaires». Une commission tripartite composée du Seco (Secrétariat d'Etat à l'économie), des syndicats et du patronat est chargée de mettre à disposition des entreprises des instruments leur permettant de mesurer les écarts de rémunérations entre hommes et femmes et de les corriger. Point fort de ce projet: un programme informatique nommé «Logib». Ce logiciel, particulièrement bien adapté aux entreprises employant plus de 50 personnes, a été développé sur mandat du Bureau fédéral de l'égalité. Il repose sur la méthode appliquée pour contrôler le respect de l'égalité salariale entre femmes et hommes dans les marchés publics de la Confédération. «Cet outil simple et très efficace permet aux employeurs de faire eux-mêmes le point de la situation, de voir s'il existe des inégalités et d'y remédier», explique Fabienne Blanc-Kühn, membre du comité directeur d'Unia. Responsable de ce dossier pour la branche de l'industrie des machines (MEM), la syndicaliste se bat depuis une année pour inciter les entreprises à adopter ce système, via la signature d'une convention par laquelle les employeurs s'engagent, en collaboration avec les partenaires sociaux, à œuvrer en faveur de l'égalité salariale. Or Swissmem, l'organisation faîtière du patronat de l'industrie MEM, n'a cessé de traîner les pieds, si ce n'est les mettre contre le mur, au motif qu'elle diffuse parmi ses membres un autre outil d'analyse salarial, le système «Landolt et Mächler».
Comparaison nécessaire
«La direction de Swissmem nous a toujours affirmé que son système était capable de déceler les inégalités salariales et qu'il n'y avait donc pas besoin d'en adopter un autre», note Fabienne Blanc-Kühn. «Nous avons quelques doutes à ce sujet. Et le seul moyen de vérifier si cette affirmation est exacte ou non, c'est de la confronter à la comparaison pratique avec un autre système, tel celui du logiciel Logib qui a tout de même l'aval de la Confédération et des partenaires sociaux. Mais le problème est que Swissmem a toujours trouvé mille et un prétextes pour ne pas le faire: on nous répète continuellement que les entreprises n'ont pas le temps, pas la volonté, ou que ce n'est pas le bon moment, pas le bon endroit...»
Œuvre de pionnier
Pour sa part, Tornos n'a pas tergiversé. «La direction a rapidement été convaincue du bien-fondé des instruments offerts par le Dialogue sur l'égalité des salaires», se félicite Fabienne Blanc-Kühn. Le géant suisse de la machine-outil, qui compte environ 600 salariés, a associé à sa démarche la commission d'entreprise et le syndicat Unia. «Nous participons aux séances de mise en place de ce système qui aura le mérite de clarifier les choses», note Daniel Heizmann, président de la commission d'entreprise Tornos. «Je ne pense pas que l'on va trouver de gros problèmes. En production, il y a très peu de femmes et celles qui font des métiers autrefois exclusivement masculins, comme les mécaniciennes, ont actuellement des rémunérations identiques à celles des hommes. En revanche, ce système pourra peut-être faire avancer les choses dans l'évaluation des fonctions et de la pénibilité des tâches. C'est un exercice d'ouverture et de transparence. Certaines entreprises refusent de le faire en affirmant qu'il n'y a pas de problème avec le système d'analyse de Swissmem. C'est un peu facile. Chez Tornos, on accepte de vérifier cela, en faisant un test grandeur nature qui nous permettra d'en avoir le cœur net.»
Si l'entreprise de Moutier fait œuvre de pionnier, alors qu'en raison de la crise elle traverse une période de lourdes difficultés marquée par un important chômage technique, c'est qu'elle a su jauger les avantages à s'engager dans le «Dialogue sur l'égalité des salaires». Le logiciel et les conseils sont gratuits, le contrôle volontaire des rémunérations représente un atout dans la motivation du personnel, une image de marque pour l'entreprise et un gage de cohésion. «Tornos a ouvert la voie et nous espérons que d'autres entreprises vont s'inspirer de cet exemple», souhaite Fabienne Blanc-Kühn.
Pierre Noverraz