Une vidéo de Thierry Porchet.
«Le personnel de vente est fatigué»
«J’ai mis le petit doigt dans Unia et on m’a pris le bras. Avec mon consentement», rigole Anne Lüthi Richard, détaillant ses différentes casquettes syndicales.
Caissière dans un magasin Coop à Signy, en terre vaudoise, Anne Lüthi Richard lutte pour de meilleures conditions de travail dans le secteur de la vente.
C’est une femme ouverte et souriante. Une personne qui, en dépit des difficultés rencontrées sur son parcours, consacre une partie de son énergie à se battre pour ses collègues et contre les injustices en général à travers ses différentes casquettes syndicales. «J’ai mis le petit doigt dans Unia et on m’a pris le bras. Avec mon consentement», rigole Anne Lüthi Richard, présidente du groupe professionnel Coop et membre d’autres comités du tertiaire. Un engagement qu’elle qualifie de naturel. «Mon père était membre de la FTMH et juge de Prud’hommes. Je me suis syndiquée dès que j’ai commencé à travailler. Je me suis alors affiliée au SIB en raison de mon métier.» La Vaudoise, âgée aujourd’hui de 59 ans, entame sa vie professionnelle comme laborantine en chimie. Une activité qu’elle apprécie, mais à laquelle elle devra renoncer. A 21 ans, elle est victime d’un accident de moto, renversée par un automobiliste. Cette collision lui laissera de graves et douloureuses séquelles. «Avec le temps, je ne supportais plus la position debout. J’avais trop mal. J’avais aussi de la peine avec ma main qui avait été fracturée lors de la chute», raconte la quinquagénaire, qui effectuera une reconversion professionnelle en management et communication. Des compétences qu’elle n’aura toutefois pas le loisir de mettre en pratique sur le marché du travail. Anne Lüthi Richard met en effet son parcours professionnel sur pause à la naissance de ses deux enfants, aujourd’hui âgés de 23 et 26 ans. «Ce savoir m’a néanmoins servi, précise-t-elle, dans le cadre de mon engagement politique comme conseillère communale à Tannay.»
Le plaisir du contact
A la quarantaine, de retour en emploi, la mère se lance comme indépendante dans la diffusion de bougies parfumées et d’articles de décoration pour le compte de l’entreprise PartyLite. Le modèle d’affaires se base sur des réunions de vente directe à domicile. «Pareil aux séances Tupperware qui s’organisaient par le passé», rigole Anne Lüthi Richard, qui confie aimer cette activité, même si elle a maintenant levé le pied. Car, parallèlement, depuis une dizaine d’années, elle travaille à temps partiel comme caissière dans un magasin Coop à Signy, dans le canton de Vaud. Un job assis, comme le lui impose sa santé. Désormais, ce sont de gros problèmes d’épaule liés à la répétition des gestes et à la charge des produits tipés qui la font souffrir. «L’assurance invalidité devrait prochainement m’accorder une rente complète», précise la travailleuse, non sans souligner qu’elle apprécie son job. «J’aime surtout le contact avec la clientèle, pourvoir la conseiller, lui signaler les bonnes affaires... et aussi les relations avec les collègues.» Des points positifs qui ne l’empêchent pas de se montrer critique sur les conditions de travail générales caractérisant la vente, conditions qualifiées de plus en plus difficiles.
Des avancées
Manque d’effectifs, cumul d’heures supplémentaires ou, au contraire, d’heures négatives, stress, polyvalence, plannings de dernière minute, déplacements d’employés à différents postes sans les consulter... La liste des doléances est longue. «Le personnel est fatigué. Quant aux salaires, on n’en parle même pas», soupire la militante, qui souligne néanmoins des avancées dans la Convention collective de travail (CCT) qui vient d’être renouvelée avec Coop. En particulier sur la question de l’amplitude des horaires et des prestations et congés parentaux. «C’est un bon accord. Et on a pu valider ou non les propositions relayées par Unia au fur et à mesure du processus des négociations. Ce sont les membres qui décident et priorisent les revendications», note, enthousiaste, Anne Lüthi Richard. Son engagement au syndicat lui offre aussi des satisfactions intellectuelles.
Bon pour les neurones
«C’est bon pour les neurones. A la caisse, il n’y a pas beaucoup de stimulus. Mon investissement au sein d’Unia m’ouvre aux réflexions, à la communication, favorise la pratique des langues», ajoute celle qui, en raison de l’origine de ses parents, maîtrise le suisse allemand. Mais bien que de nature optimiste, Anne Lüthi s’inquiète de l’avenir de la profession: «Les jeunes ne sont pas intéressés. Beaucoup arrêtent l’apprentissage en cours de route. Et pour cause. Ils sont souvent pressés comme des citrons et utilisés comme une main-d’œuvre bon marché.» De son côté, la militante va continuer la lutte pour un mieux-être des vendeuses et des vendeurs. Et notamment contre le risque d’ouverture des commerces douze dimanches par an. «Une aberration. Que ceux qui sont à l’origine de cette proposition viennent, ne serait-ce que deux jours, travailler à notre place. Ils verront ce que cela signifie...»