Briser le cercle angoissant des fins de mois difficiles, voire rompre avec la précarité: la solution des syndicats passe par une augmentation générale des salaires de l’ordre de 2% à 2,5%. Une proposition qui n’a rien d’exagéré. Et cela parce que la Suisse reste prospère, et parce que la productivité a progressé, cette dernière décennie, de 11%. Une avancée dont n’a pas profité une large frange de la classe laborieuse à l’origine pourtant de rendements plus importants. Grignotées par l’inflation, les rémunérations sont restées à la traîne. Et, après soustraction des dépenses incompressibles, dépassent pour certaines à peine le niveau de 2015. Conséquence, les ménages disposent de moins en moins d’argent pour vivre. Les primes d’assurance maladie pèsent particulièrement lourd dans les budgets. Une famille avec deux enfants doit aujourd’hui débourser en moyenne 1136 francs mensuellement pour ce poste. Et une nouvelle hausse est déjà programmée pour l’an prochain – le couperet tombera cet automne avec une désespérante récurrence. De quoi alimenter un sentiment d’impuissance et de désarroi sans fin, et inquiéter la classe moyenne et surtout les employés qui tournent déjà avec peine, à l’image du personnel de l’hôtellerie-restauration. Comme de celui des branches dites féminines, où les bas salaires sont trop souvent la norme. La situation se révèle particulièrement critique dans les secteurs du commerce de détail, du nettoyage et des services à la personne comptant un large nombre de travailleuses payées au lance-pierre ou presque. Dans ce contexte, une hausse générale des revenus se justifie pleinement. Une majoration d’autant plus nécessaire que même les employés qualifiés doivent souvent batailler dur pour s’en sortir, calculer les moindres coûts et dépenser avec parcimonie. Aujourd’hui, en moyenne, une personne avec CFC sur cinq gagne moins de 4500 francs par mois et une sur trois moins de 5000 francs. Avec peu d’espoir d’évolution. Près d’un quart des professionnels de 56 ans qui ont passé par la voie de l’apprentissage et qui bénéficient d’une large expérience n’atteignent toujours pas les 5000 francs mensuels! De quoi décourager les candidats potentiels à ce type de formation et aggraver la problématique de la pénurie de main-d’œuvre. Qui voudrait se projeter dans l’avenir en tirant constamment le diable par la queue?
Autant de raisons qui doivent pousser les employeurs à accorder des hausses significatives de salaires. Et sachant encore que l’argument des taxes douanières américaines ne saurait être brandi: les 99% de la population ne sont pas ou guère concernés par ce facteur. Dans une Suisse qui figure toujours parmi les pays les plus riches du monde, il est inadmissible que des travailleuses et des travailleurs courbant l’échine à plein temps doivent trop souvent se serrer la ceinture et voir leur pouvoir d’achat diminuer comme peau de chagrin. Seule une répartition équitable des richesses est garante de la cohésion sociale. La persistance de la prospérité passe également par des salariés disposant d’un minimum de moyens sans quoi les entreprises en paieront aussi le prix à terme. Tous les acteurs participant à ce jeu d’équilibrisme basé sur des règles capitalistes qui, à défaut d’être remises en question, fonctionnent sur la formule «je gagne, donc je consomme»...