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«Ces droits de douane ne doivent pas servir de prétexte à des licenciements»

horloger en train de travailler sur une pièce de montre
©Thierry Porchet

L’industrie horlogère risque de payer un lourd tribut à la suite de la hausse des droits de douane aux Etats-Unis.

Pour Yves Defferrard, responsable du secteur Industrie chez Unia, les taxes à l’importation fixées par l’administration Trump doivent rendre vigilants aux actions des employeurs et à la manière dont le Conseil fédéral mène les négociations.

Quelle a été votre première réaction face à ces droits de douane de 39% pour l'industrie?

Ces droits de 39% sont bien sûr très contrariants, car ils pénalisent l'industrie suisse de manière unilatérale et arbitraire. Mais nous ne devons pas céder à la panique. Je connais l'industrie suisse depuis trente ans et j'ai déjà vécu plusieurs crises. L'ensemble de l'économie d'exportation est touché par la force du franc suisse. Nous ne parlons ici que des exportations vers les Etats-Unis, qui représentent 17% des produits exportés. Ce chiffre est important et a souvent été exagéré ces dernières semaines.

 

L'association patronale Swissmem parle néanmoins d'un «scénario catastrophe». Est-ce excessif?

En tout cas, la situation n'est pas aussi catastrophique que le décrivent Swissmem et les milieux entrepreneuriaux. Ils veulent profiter de la crise et réclament une déréglementation, c'est-à-dire une augmentation du temps de travail, moins de contraintes et moins d'impôts. C'est le programme classique de la droite. Cela ne va pas!

 

Vous ne craignez donc pas la perte de dizaines de milliers d'emplois?

S'il y a des licenciements, nous analyserons la situation en détail et nous nous battrons si nécessaire. Les droits de douane ne doivent en aucun cas servir de prétexte à des licenciements et à la délocalisation de la production. Heureusement, nous disposons en Suisse du chômage partiel. La caisse de chômage prend ainsi en charge une grande partie des salaires des entreprises qui connaissent temporairement des difficultés. Avec les employeurs, nous demandons que la durée maximale de perception soit portée de 18 à 24 mois. Pendant cette période, de nouveaux débouchés peuvent également être trouvés afin de réduire la dépendance vis-à-vis des exportations américaines.

 

L'industrie suisse devrait-elle se résigner à ces nouveaux droits de douane?

Non, il faut absolument poursuivre les négociations avec les Etats-Unis, mais sans délocalisation d'emplois et sans promesse d'investissements de plusieurs milliards aux Etats-Unis. De plus, il existe encore une marge de manœuvre dans l'application des droits de douane. Certaines entreprises ont constitué des stocks aux Etats-Unis ou peuvent réduire la charge douanière grâce au tariff engineering

 

Qu'est-ce que le «tariff engineering»?

On peut évoquer, par exemple, les prestations de services ou les droits de licence et de marque. Ils ne sont pas soumis à des droits de douane s'ils peuvent être distingués des produits exportés. Les grandes entreprises disposent de leurs propres services pour réduire ainsi leur charge douanière. Les petites et moyennes entreprises sont désavantagées à cet égard. La Confédération devrait veiller à ce qu'elles puissent également bénéficier des conseils appropriés de la promotion des exportations financée par l'Etat. 

 

Et comment Unia peut-elle soutenir les travailleurs et les travailleuses de l'industrie dans cette situation?

Nous sommes très proches de nos régions et nous venons d’organiser une rencontre nationale pour les représentants du personnel de l’industrie, afin de montrer comment les commissions du personnel peuvent négocier avec les directions et d’informer sur les possibilités de chômage partiel.

 

Et quelles sont les revendications politiques d'Unia auprès du Conseil fédéral?

Avec l'USS, nous demandons une rencontre entre les partenaires sociaux et le gouvernement. Le Conseil fédéral ne doit pas chercher des solutions seul ou uniquement avec les employeurs. La conduite des négociations avec la «Team Switzerland» et la participation unilatérale des intérêts des entreprises et des financiers est inacceptable! Les syndicats doivent absolument être impliqués. 

 

Les syndicats réclament depuis longtemps une politique industrielle publique: y a-t-il encore de l'espoir?

Dans le canton de Vaud par exemple, nous avons déjà convoqué des assises de la place industrielle cantonale et, à Genève, nous menons également des discussions avec les dirigeants d'entreprises industrielles et le gouvernement. Dans le cas de Stahl Gerlafingen et de Swiss Steel, le Parlement a également assuré, au niveau national, le soutien de l'Etat à une industrie clé. 

 

Pourtant, le Conseil fédéral ne mène toujours pas de politique industrielle active...

Non, malheureusement! Une véritable politique industrielle nécessiterait de réfléchir à ce qui doit être fait à court, moyen et long terme. Il faut une volonté politique de préserver le secteur industriel en Suisse. Et il faut une analyse approfondie avec les partenaires sociaux sur les entreprises et les produits indispensables à la Suisse. Avec la guerre en Ukraine, nous sommes toujours dans une situation très fragile, et le Covid a également montré à quelle vitesse des problèmes d'approvisionnement peuvent survenir. Nous n'avons pas seulement besoin d'un Office fédéral de l'agriculture, nous avons enfin besoin d'un Office fédéral de l'industrie. Et il faut un fonds pour les industries qui sont importantes pour nous.

 

Existe-t-il des modèles pour ce type de fonds souverains?

Oui, le Japon et Singapour disposent de fonds souverains solides. Aux Etats-Unis également, les entreprises industrielles sont financées par l'Etat. En Suisse, nous avons également une entreprise financée par l'Etat et semi-privée: il s'agit du fabricant d'armes Ruag. Pourquoi cela est-il possible dans le domaine militaire et pas dans celui de la protection du climat? Et pourquoi continuons-nous à investir des milliards dans les actions d'entreprises américaines avec notre Banque nationale au lieu d'investir dans la transition écosociale et dans l'emploi en Suisse? Ce sont des questions que nous devons nous poser aujourd'hui! Et le Conseil fédéral doit enfin apporter les bonnes réponses. 

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