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Une politique à la dérive

La forteresse européenne continue de produire des tragédies aux frontières d’un continent qui se vante d’être le berceau des droits humains. Dans la nuit du 13 au 14 juin, plus de 600 personnes ont disparu dans les fonds de la Méditerranée après le naufrage de leur embarcation surchargée. Les corps d’au moins 79 migrants ont été retrouvés. 104 naufragés ont pu être secourus. Que des hommes. Les femmes et les enfants, une centaine selon certains, étaient bloqués dans la cale du bateau. L’horreur à tous les niveaux. Les appels à l’aide avaient pourtant été transmis un jour avant la catastrophe. Sans que personne ne bouge.

Aujourd’hui, gardes-frontières grecs et agence européenne Frontex se renvoient la balle. Mais qu’importe, c’est une même politique qui est à l’origine de ce naufrage de masse, de ceux qui l’ont précédé et de ceux qui sont survenus depuis. Une politique de repli sur soi de l’Europe, à laquelle participe la Suisse, partenaire à l’accord de Schengen. La libre circulation oui, mais à l’intérieur des frontières européennes. Sur le pourtour, on construit des murs, des enceintes de barbelé. On oblige les migrants fuyant les guerres, la famine et la misère à emprunter des routes de plus en plus dangereuses, en particulier les voies maritimes. Au passage, des passeurs sans foi ni loi offrent le «paradis» à des tarifs exorbitants.

L’Europe fait preuve d’une terrible hypocrisie. L’agence Frontex, dont il a été démontré qu’elle pratiquait le push-back, manœuvre consistant à repousser les embarcations des migrants vers les eaux territoriales d’autres pays comme la Turquie, s’est dite «bouleversée» par ce naufrage au large du Péloponnèse... La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a appelé pour sa part à «continuer le travail pour empêcher ce genre de tragédie». Le travail? Quel travail? Offrir des milliards d’euros à la Turquie pour qu’elle reste la gardienne de l’Europe, bloquant les réfugiés afin qu’ils ne parviennent pas à ses frontières? Pactiser avec le président tunisien contesté pour qu’il gère la surveillance de la migration? Lui qui, ce printemps, s’en prenait aux personnes originaires de l’Afrique subsaharienne vivant dans son pays pour attiser racisme et xénophobie?

L’Europe, comme la Suisse et les autres Etats dits «occidentaux», sont pourtant à l’origine d’une situation mondiale où se creuse le fossé entre riches et pauvres, où les guerres et les conflits sont alimentés par de puissants intérêts économiques. Tant que régnera le système capitaliste basé sur le profit à tout prix, sans égard pour ceux qui produisent les richesses à la sueur de leur front, l’exode de populations se poursuivra. Avec ses drames humains, connus ou qui resteront à jamais inconnus. Un exil exacerbé davantage encore par le dérèglement du climat, et la faim qui prend une ampleur inégalée jusque-là. Pourtant, la planète a les moyens de nourrir toute la population. Elle a les moyens d’offrir une vie digne à chacune et à chacun de ses habitants. Or le profit l’emporte sur l’humain. Combien de milliards de francs sont-ils dépensés aujourd’hui pour nourrir l’industrie de l’armement et de la mort? Combien de milliards viennent-ils gonfler les poches des gros actionnaires? Il suffirait d’un pourcentage minime de ces sommes pour venir en aide aux plus vulnérables. Il suffirait d’un système basé sur la paix, la solidarité et la coopération des gens qui travaillent pour que chacun puisse subvenir à ses besoins. Et ne pas devoir choisir entre la mort chez soi et l’espoir d’un avenir meilleur en prenant les routes de l’exil, au péril de sa vie.

Il est temps que la Suisse dénonce l’accord de Schengen et refuse de s’associer à cette politique meurtrière. Il est temps que notre pays accueille ces migrants qui ne demandent qu’une chose: avoir un travail et une vie digne pour eux et leurs enfants.