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Une industrie du textile en mode antisyndical

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«Le non-respect des droits syndicaux n’est pas propre à une marque. Il s’agit d’une pratique généralisée dans le secteur de l’habillement des pays concernés en Asie du Sud», souligne Danièle Gosteli Hauser, responsable Economie et droits humains chez Amnesty Suisse.

En Asie du Sud, les pratiques antisyndicales des firmes de l’habillement empêchent d’améliorer des conditions de travail désastreuses, dénonce Amnesty International.

«Lorsque les travailleurs élèvent la voix, ils sont ignorés; lorsqu’ils essaient de s’organiser, ils sont menacés et licenciés; lorsqu’ils manifestent, ils sont frappés, se font tirer dessus et sont arrêtés.» Comme l’illustre ce militant bangladais interviewé par Amnesty International, les droits syndicaux sont systématiquement bafoués dans les usines d’habillement d’Asie du Sud. L’organisation de défense des droits humains publie ce jeudi deux rapports sur la question: Les oublié·e·s de la mode et Des patrons inflexibles. Elle y dénonce l’alliance nouée entre multinationales, Etats et fournisseurs locaux afin d’entraver toute organisation collective sur les lieux de travail. Pour inverser la tendance, Amnesty s’engage dans une campagne, en lien avec ses partenaires locaux, pour le respect des libertés syndicales dans un secteur qui emploie quelque 100 millions de travailleuses et de travailleurs, dont les trois quarts œuvrent en Asie.

Focus sur les droits syndicaux
«H&M, Adidas, Inditex, Otto, Shein, Walmart, Amazon, etc. Le non-respect des droits syndicaux n’est pas propre à une marque spécifique. Il s’agit d’une pratique généralisée dans le secteur de l’habillement des pays concernés en Asie du Sud», souligne Danièle Gosteli Hauser, responsable Economie et droits humains chez Amnesty Suisse. Dans deux études menées en parallèle, Amnesty International épingle les pratiques des multinationales de l’habillement au Bangladesh, en Inde, au Pakistan et au Sri Lanka. «Harcèlement, licenciements et violences sont monnaie courante dans un secteur où les droits humains sont sacrifiés sur l’autel du profit», résume l’organisation de défense des droits humains.
L’objectif des rapports n’est pas de décrire la situation difficile des salariés du secteur – dont 80% de femmes – déjà largement documentée, mais plutôt de «mettre en évidence la manière dont les ouvriers et les ouvrières se voient refuser la liberté d’association», explique Danièle Gosteli Hauser. Dans les quatre pays passés en revue, le succès économique de l’industrie de la mode s’est accompagné de restrictions croissantes des libertés syndicales. Ces attaques prennent des formes diverses, des représailles pour les militants à la répression des grèves, en passant par la mise sur pied de «syndicats maison» alliés à la direction. Avec pour conséquence de dresser des «obstacles quasiment insupportables» face aux travailleurs désireux de se syndiquer. Les ouvrières sont particulièrement exposées. Nombre d’entre elles sont visées par des violences sexuelles lorsqu’elles tentent de s’organiser, précise Amnesty.

Etats et patrons en symbiose
Le non-respect des libertés syndicales, pourtant garanties par des conventions internationales, est le fruit d’une alliance entre plusieurs acteurs: les Etats, qui souhaitent attirer les investissements des multinationales; les propriétaires d’usines qui harcèlent, licencient et menacent les ouvrières et les ouvriers désirant s’associer; et les grandes marques à la recherche des prix les plus bas possible – qui peuvent compter sur le soutien des pays où elles ont établi leur siège social. Cette symbiose entre patrons et Etats empêche «les ouvriers de s’organiser pour revendiquer des salaires plus élevés, des contrats sûrs, des lieux de travail sécurisés ainsi que des avantages tels que le congé maternité ou la fin de la discrimination», écrit Amnesty. Elle permet ainsi aux multinationales de maximiser leurs profits.

Imposer un devoir de diligence
Face à une industrie mondiale de l’habillement s’appuyant «sur des structures coloniales qui exploitent une main-d’œuvre peu onéreuse dans le Sud global pour engranger des bénéfices au profit des actionnaires des marques dans le Nord global, la garantie des libertés syndicales est un passage obligé pour améliorer les conditions de travail et de salaire», souligne Danièle Gosteli Hauser. Une conviction qui amène Amnesty International à lancer une campagne sur la question, en lien avec ses partenaires locaux. Parmi de nombreuses revendications, l’ONG cite la nécessité pour les Etats de sanctionner les violations de ce droit fondamental ainsi que la mise en place de mécanismes de diligence obligeant les entreprises à rendre des comptes.
C’est ce que propose, en Suisse, une nouvelle initiative populaire, déposée en mai dernier par la Coalition pour des multinationales responsables. Le texte s’inspire d’une directive de l’Union européenne, adoptée en 2024 – avant d’être affaiblie en novembre dernier par une alliance de partis de droite et d’extrême droite à Bruxelles. «Malgré ce recul, le texte européen reste bien plus avancé que la législation actuelle en Suisse, qui continue d’exonérer les multinationales de toute responsabilité», précise Danièle Gosteli Hauser.

Taux de syndicalisation très bas
«Il existe des organisations de travailleurs dans les pays d’Asie du Sud, mais le taux de syndicalisation reste très bas.» Les difficultés pointées par les rapports d’Amnesty sont confirmées par Christina Hajagos-Clausen, responsable pour l’industrie de l’habillement au sein de la faîtière internationale IndustriALL, basée à Genève. La permanente syndicale souligne que la situation est particulièrement difficile dans les zones économiques spéciales, conçues pour attirer les investissements étrangers, où les syndicalistes sont interdits d’entrée.
Christina Hajagos-Clausen souligne cependant aussi des avancées. Après la tragédie du Rana Plaza du 24 avril 2013, lorsque l’effondrement d’un immeuble abritant des ateliers de confection avait coûté la vie à 1138 personnes, un accord international pionnier sur la sécurité des bâtiments a été signé au Bangladesh. Un traité semblable a été paraphé au Pakistan. La représentante d’IndustriALL cite aussi les accords-cadres mondiaux signés avec les marques H&M et Inditex, ainsi qu’un traité global sur la négociation collective signé au Cambodge. Elle espère des améliorations au Bangladesh et au Sri Lanka, à la suite de l’arrivée de nouveaux gouvernements, remplaçant des exécutifs hostiles aux syndicats. 

«Il s’agit d’une pratique généralisée dans le secteur de l’habillement des pays concernés» Danièle Gosteli Hauser
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