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Syndicalistes acquittés le droit d'accès sur les chantiers est reconnu

La tentative de plusieurs patrons de criminaliser l'activité syndicale a échoué devant le Tribunal de district de Bülach

Le droit d'accès sur les chantiers pour les syndicalistes a été confirmé récemment par le Tribunal de district de Bülach (ZH). Cette décision est un point d'appui pour Unia et tous les syndicats défendant le droit d'informer les travailleurs dans les entreprises et de remplir leur mission de vérification des conditions de travail.

Accusés par plusieurs entreprises de violation de domicile, cinq syndicalistes d'Unia ont été acquittés par le Tribunal de district de Bülach dans le canton de Zurich à la fin du mois d'août. Ces syndicalistes s'étaient rendus, entre novembre 2011 et mars 2012, période de lutte pour le renouvellement de la Convention nationale de la construction, sur divers chantiers en ville de Zurich et dans la région. L'une de ces visites, à l'Hôtel Stoller, un établissement réputé en rénovation, avait été organisée par le syndicat après qu'il ait été averti en mars 2012 d'un probable cas de sous-enchère salariale. La première visite avait confirmé les soupçons. Les responsables du chantier ont ensuite interdit aux syndicalistes d'entrer sur les lieux des travaux. Ces derniers ont passé outre l'interdiction afin de vérifier et d'éclaircir ce cas de dumping. Ils ont découvert que l'entreprise Marafels, effectuant les travaux de rénovation, ne payait ses ouvriers que 2000 francs net par mois au lieu des 4500 francs au moins qu'ils auraient dû gagner. Après ce contrôle, les travailleurs hongrois ont pu récupérer quelque 40000 francs d'arriérés de salaire pour l'ensemble de l'équipe.
Malgré ce cas flagrant de dumping, le propriétaire de l'hôtel a porté plainte contre les syndicalistes qui avaient bravé son interdiction. Trois autres plaintes ont également été déposées pour violation de domicile à l'encontre des syndicalistes par deux grosses entreprises de construction, Ineichen et Walo, où des tournées sur les chantiers avaient eu lieu en novembre 2011 puis en mars 2012.

Découvrir des cas de dumping
L'acquittement des cinq syndicalistes est très positif aux yeux d'Unia. «C'est très important pour nous d'avoir obtenu cette confirmation du droit d'accéder aux chantiers et aux lieux de travail pour découvrir des cas de dumping. La juge a expressément confirmé cette possibilité», explique Pepo Hofstetter, responsable de la communication à Unia. Il informe que le jugement a été rendu oralement. Au moins deux plaignants, dont le procureur général, se sont pourvus en appel. Le tribunal doit maintenant fournir les motivations écrites, sur la base desquelles il sera possible de faire recours au Tribunal cantonal.
Pour l'heure, Unia se félicite de ce jugement. «Ces acquittements légitiment le fait que les syndicalistes ont eu raison de ne pas respecter l'interdiction d'entrer dans l'hôtel. Ce jugement empêche également les patrons de criminaliser l'activité syndicale», ajoute Pepo Hofstetter, soulignant l'importance de l'expertise de Marcel Niggli, professeur de droit à l'Université de Fribourg, présentée en juin dernier lors d'un colloque de l'USS (voir ci-dessous). «Dans son avis de droit, le professeur rappelle que la liberté de coalition inscrite dans la Constitution prévoit, tant pour les patrons que pour les salariés, le droit de s'organiser pour défendre leurs intérêts. Cela implique pour les syndicats le droit d'accéder aux lieux de travail.»

Sylviane Herranz


Les patrons n'ont pas le droit d'interdire l'accès!
Le droit d'accès des syndicats sur les lieux de travail est un droit découlant de la Constitution suisse. Cette dernière prévoit, à l'article 28 sur la liberté syndicale, que «les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non». Dès lors, pour que les intérêts des salariés puissent être défendus, leurs organisations ont le droit de se rendre dans les bureaux, les entreprises et sur les chantiers.
En juin dernier, l'Union syndicale suisse (USS) organisait un colloque juridique sur ce sujet (voir L'ES du 16 juillet). Plusieurs personnalités ont réaffirmé la validité du droit d'accès, même si certains tribunaux tardent à le faire. Auteur d'une expertise demandée par l'USS, le professeur en droit pénal Marcel Niggli, de l'Université de Fribourg, en a présenté les résultats. Des résultats qualifiés de précieux et sans équivoque par Luca Cirigliano, secrétaire central de l'USS. «Les fonctionnaires syndicaux ont le droit d'accéder directement aux entreprises, aux lieux de travail et aux chantiers, et d'y entrer en contact avec les travailleurs et travailleuses», relève-t-il dans un article publié sur le site de l'USS*. Il poursuit: «Concrètement, l'accès des syndicats aux entreprises peut, par exemple, prendre la forme d'une distribution de tracts sur le parking d'une entreprise, de la mise à disposition de brochures dans des locaux servant aux pauses, de l'affichage d'informations sur des tableaux prévus à cet effet ou d'entretiens individuels dans l'enceinte de l'entreprise. Mais cet accès peut également se faire via l'Intranet, par exemple pour l'envoi de courriels et d'enquêtes en ligne.»
Le syndicaliste ajoute que dans son expertise, le professeur Niggli «montre que les employeurs ne disposent d'aucun droit pour s'opposer à l'accès physique de syndicalistes dans une entreprise, de les frapper d'une interdiction d'entrer dans celle-ci, ni de porter plainte auprès des autorités pour violation de domicile (art. 186 du Code pénal)! Si, en pénétrant dans l'entreprise, les syndicalistes agissent de manière proportionnée à leur but et ne perturbent pas inutilement l'activité économique, c'est plutôt l'éventuelle plainte déposée "par vengeance" par l'employeur qui aurait un caractère pénal. Si un employeur intente une action pour violation de domicile contre des syndicalistes qui n'ont pas l'heur de lui plaire, cela doit être considéré comme de la contrainte!»
Pour Luca Cirigliano, l'expertise de Marcel Niggli renforce la position des syndicats et des permanents qui, en se rendant sur les lieux de travail, «défendent des intérêts légitimes et sont justifiés à agir en conformité avec la loi».

Voir sous www.uss.ch: thèmes - travail - droits syndicaux.